Théâtre Tristan Bernard
64,
rue du Rocher
75008
Paris
Tel :
01 45 22 08 40
Métro :
Villiers / Europe / Saint-Lazare
Une
comédie d’Emmanuel Robert-Espalieu
Mise
en scène par Johanna Boyé
Décors
de Dimitri Shumelinsky
Costumes
de Priscille Schirr-Bonnans et Sarah Dupont
Lumières
de Cyril Manetta
Avec
Virginie Hocq et Zinédine Soualem
L’histoire :
Quoi de plus efficace pour régler un problème que de s’en débarrasser de
manière « définitive » ?
Un
soir, comme tous les soirs de sa petite vie bien ordonnée, une femme va
commettre le pire : l’indicible et inavouable acte d’empoisonner son mari.
Mon avis :
Un grand moment de comédie pure !
C’était quand la dernière
fois ? est une pièce qui ne s’encombre pas de
fioritures, de digressions fumeuses, de considérations intellectuelles, elle
est toute entière conçue pour nous amuser. Et c’est tout à fait réussi.
L’histoire
est toute simple. On n’attend pas pour entrer dans le vif du sujet. « Elle »
annonce tout de go à son mari qu’elle vient de l’empoisonner à la digitaline. Elle
énonce son forfait avec un ton aussi naturel et détaché que si elle lui parlait
du temps qu’il fait. En plus, alors qu’elle lui apprend qu’il va mourir, elle continue
de lui servir de grands « mon chéri » et d’être aux petits soins pour
lui. Ce paradoxe est un des grands ressorts de la pièce. Cette femme est
double. Elle ne cesse de faire souffler le chaud et le froid. Elle peut passer
en une fraction de seconde de la bienveillance à l’emportement…
Quant
à « Lui », il ne lui est pas facile d’assimiler une telle
information. C’est comme le repas qu’il vient de terminer : il faut lui
laisser le temps de la digestion. Est-elle en train de plaisanter ou a-t-elle
réellement programmé son exécution ? Il est amusant pour nous de le voir réagir
en fonction de ce qu’il cherche à croire. Bluff ou vérité ?
Les
dialogues sont savoureux, percutants, malins. Les deux profils psychologiques, parfaitement
approfondis et dessinés, permettent de rendre crédible la drôlerie de cet
affrontement. A aucun moment, on tombe dans la caricature. Chacun d’eux est
bien d’aplomb sur ses rails, ils ne dévieront jamais de leur ligne. Jusqu’au
moment fatidique où leurs parallèles vont (peut-être) être amenées à se
rejoindre. C’est très pervers.
Maintenant,
si cette pièce fonctionne aussi bien, si on prend autant de plaisir à en suivre
les multiples péripéties et rebondissements, on le doit à ses deux acteurs. Le
jeu de Zinédine Soualem est tout en finesse. C’est le rôle du clown blanc qui
lui est attribué. On peut décrypter tous les sentiments qui le traversent sur
les expressions de son visage : l’incrédulité, la panique, la combativité,
la révolte, la résignation. On le lit à livre ouvert. Il joue son personnage de
victime pas toujours consentante à la perfection. Il faut dire qu’il est
excessivement rare d’apprendre que sa dernière heure est sans doute arrivée et
d’assister de son vivant à sa propre veillée funèbre ! Il est donc
nécessaire que son jeu soit le plus souvent en retenue pour servir de
contre-poids à la fantaisie débordante de sa partenaire. C’est un schéma
classique pour tous les grands duos comiques. Ici, grâce aussi à une différence
de taille intelligemment exploitée, ça fonctionne à merveille.
Virginie
Hocq… Ah, Virginie Hocq ! Si l’humour était un instrument de musique, elle
serait un stradivarius. Elle possède la science de l’effet comique jusqu’au
bout des ongles, dans le moindre de ses gestes, dans la moindre de ses
attitudes, dans la moindre de ses mimiques. Hier soir, j’ai vu en elle la digne
héritière de Jacqueline Maillan. Elle est la seule à posséder un registre
cocasse aussi créatif. Comme, ainsi que je l’ai précisé plus haut, la
psychologie de son personnage est parfaitement dessinée, elle peut s’appuyer
dessus pour aisément donner libre cours à son tempérament de feu. Pour arriver
à un tel degré de drôlerie, il faut une sacrée maîtrise de soi. C’est au-delà
du talent, nous sommes dans le domaine du Don. Aussi experte en câlinerie et en
candeur qu’en mauvaise foi et en sadisme, elle sait tout interpréter. A un
moment, elle nous offre une scène époustouflante de pure schizophrénie qui
confine au cartoon. On peut, à son propos, utiliser un néologisme : quand
Virginie est sur scène, la salle « Hocquète » de rire.
Enfin,
il faut le souligner, car c’est très agréable à l’œil, la beauté du décor,
moderne et flashy.
Gilbert
« Critikator » Jouin
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