Théâtre de Poche Montparnasse
75,
boulevard du Montparnasse
75006
Paris
Tel :
01 45 44 50 21
Métro :
Montparnasse-Bienvenüe
Ecrit
par Roberto Athayde
Mise
en scène par Anne Bouvier
Lumières
de Denis Koransky
Costumes
d’Elisabeth Tavernier
Décors
d’Emmanuel Charles
Avec
Stéphanie Bataille
Présentation :
Institutrice de CM2 atypique, Madame Marguerite se sent investie d’une mission
vitale : vous apprendre l’essentiel de l’existence. Vous prenez place dans
la salle de classe de cette femme généreuse, déterminée et parfois un peu
folle. Son cours est complètement baroque, tour à tour absurde, tragique,
cynique et comique. Vous n’avez pas le temps de vous remettre de vos émotions
tant Madame Marguerite vous fait rebondir d’une pensée à l’autre.
Bienvenue
dans le monde poétique, vertigineux et drôle de Madame Marguerite.
Mon avis :
Pendant une heure, je vous l’assure, j’ai eu 10 ans ! A partir du moment
où Madame Marguerite a posé son regard acéré sur moi, je me suis senti comme un
petit garçon vivant son premier jour en CM2.
Quels
enseignements, si jeune et si influençable, aurais-je tirés de cette heure de
cours si intense, si riche et aussi si déstabilisante ? Je pense que c’est
une question de caractère(s). Un gamin curieux et suffisamment pragmatique,
donc apte à faire le tri, en eût tiré sans aucun doute énormément de
connaissances. En revanche, la petite tête blonde un tantinet fragile et
impressionnable, en serait ressortie avec un dangereux blocage.
C’est
qu’elle est spéciale cette institutrice. C’est une missionnée, une intégriste
du savoir. Elle est visiblement avide de transmettre, mais elle s’y prend de
façon tellement imprévisible qu’elle fait en permanence souffler le chaud et le
froid. Méticuleuse, maniaque, exigeante, tyrannique, elle estime que c’est en
choquant et en provocant qu’elle pourra d’une part, faire mieux passer ses
messages et, d’autre part, mieux aiguiser les esprits. Sa ligne de conduite est
une ligne brisée. En un quart de seconde, en fonction de ses sautes d’humeur, elle
passe de l’excellence à la mesquinerie, de l’amabilité à la brutalité, de la
poésie à la trivialité. Cette femme est schizophrène. Son désir de bien faire
est régulièrement contrebalancé par ses tocs. Elle a en effet quelques
obsessions récurrentes comme le sexe ou la religion (Jésus, le Messie, le
Saint-Esprit).
Madame
Marguerite veut expliquer la vie et ses duretés à ses élèves, y compris en leur
annonçant d’abord qu’ils sont mortels. C’est violent. Elle donne la priorité à
la biologie, prône l’importance de l’éducation et la nécessité de la lecture.
Elle abhorre l’injustice, dénonce les méfaits de la drogue. Tout cela est
éminemment positif. Elle veut tout donner quitte à trop donner. Mais sa belle
mécanique est en permanence perturbée par son grain de folie. Parfois Madame
Marguerite perd les pétales, se détache d’elle-même, se regarde enseigner et se
met à parler d’elle à la troisième personne. Cette cyclothymie est
impressionnante.
Pour
interpréter cette femme paradoxale, pour la rendre crédible, pour la faire
exister, il faut une sacrée comédienne. Il faut être soi-même un peu barrée
pour parler avec la même sincérité de culture que de cul. Stéphanie Bataille se
livre pendant une heure à une prestation d’une rare intensité. Elle est habitée
par son personnage. Dès le début, elle dégage une forme d’autorité qu’elle veut
souriante mais que son regard inquisiteur contredit. Madame Marguerite n’est
pas un personnage cohérent ou linéaire. C’est une rivière qui s’écoule parfois
paisiblement et qui se transforme soudain en torrent. Face à elle, on n’est
jamais tranquille, jamais longtemps détendu. On reste sur nos gardes. Il en
faut du talent pour happer ainsi un public. Même s’il est ramené à son enfance.
Bref,
on est au-delà de la performance d’acteur, on est carrément dans l’incarnation.
Gilbert
« Critikator » Jouin
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