jeudi 14 juin 2018

Chance !


Théâtre La Bruyère
5, rue La Bruyère
75009 Paris
Tel : 01 48 74 76 99
Métro : Saint-Georges / Pigalle

Une comédie musicale de Hervé Devolder
Ecrite, composée et mise en scène par Hervé Devolder
Chorégraphies de Cathy Arondel
Lumières de Denis Korsanky
Décor de Lalaô Chang

Avec, en alternance, Cathy Arondel ou Carole Deffit (Kate), Julie Costanza ou Julie Wingens (Nina la stagiaire), Rachel Pignot ou Léovanie Raud (Agnès), Grégory Juppin ou Hervé Lewandowski (Etienne), David Jean ou Grégory Benchenafi (Fred, le coursier), Arnaud Léonard ou Franck Vincent (Le Boss, alias Henri Duverger, alias Le Patron)

Musiciens : Thierry Boulanger ou Daniel Glet ou Hervé Devolder (piano), Benoît Dunoyer de Segonzac ou Bernard Lanaspèze ou Fred Liebert (contrebasse), Jean-Pierre Beuchard (guitare)

Présentation : Dans l’atmosphère délirante de ce cabinet d’avocats pas comme les autres, un coursier rocker, un patron baryton lyrique, deux secrétaires, plus latinos que dactylos, une femme de ménage “flamenco”, un assistant “cabaret” et une stagiaire effarée chantent, dansent et jouent au loto au lieu… de bosser !

Mon avis : Avec Chance !, Hervé Devolder a réussi la gageure, à l’instar du film Les parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, de concevoir un spectacle dans lequel l’intégralité des dialogues est chantée. Dès les premiers échanges, on est quelque peu décontenancé et puis, très rapidement, on se prête au jeu et on n’en fait plus cas. D’abord parce qu’on s’attache tout de suite aux six personnages qui fréquentent ce cabinet d’avocats. Leurs différentes personnalités, fort bien dessinées, nous permettent ainsi de savourer leurs comportements. Cet open space est le cadre d’un drôle de melting pot. Le mot “drôle” est ici employé au premier degré car on ne cesse de rire devant les extravagances de ce bureau en folie.


Nous sommes les témoins amusés de leur quotidien avec leurs petits rituels comme le café du matin avec le coursier. Et puis, surtout, celui du lundi matin : le choix des numéros pour le bulletin de loto collectif du lundi matin. Progressivement, on voit les profils se préciser. L’apprenti avocat un peu rêveur et pas très sûr de lui, la secrétaire secrètement amoureuse de son play boy de patron, l’autre secrétaire, complètement exubérante, qui fait swinguer la vie, le coursier très rock’n’roll… On assiste également à l’arrivée de la stagiaire, un peu gauche, un peu intimidée mais chez qui on décèle un caractère assez affirmé.

Subtilement, quelques messages sont distillés tout au long du spectacle : la triste condition du boulot de stagiaire, les hommes qui sont si douillets (l’incommensurable souffrance vécue par Etienne pour un ongle cassé est particulièrement bien incarnée), les patrons sans scrupules qui veulent se faire du fric sur le dos de leurs clients, une mentalité qui révolte la stagiaire idéaliste… Et les chansons, très ciblées, très explicites se succèdent : le blues de l’escroc, la complainte de la femme de ménage, le flamenco de l’aspiro, les mille et une façons de déclamer une plaidoirie, le gospel du coursier, le rap de l’avocat… Tout cela est très haut en couleurs tout en dégageant énormément d’humanité.


Et puis – sans cela le spectacle ne s’appellerait pas Chance ! – notre fine équipe va gagner 99 millions au loto ! Alors, chacun commence à rêver à la façon dont il va utiliser sa soudaine fortune. Là aussi les caractères de chacun sont parfaitement respectés… Plus besoin de travailler, le bureau reste en sommeil et chacun va réaliser ses rêves…
Mais tout cela n’a qu’un temps. L’envie de retrouver les anciens collègues se fait irrepressible. On se permet quelques incursions dans le bureau et, surprise, on s’y retrouve tous. La morale de l’histoire, car il y en a une, c’est que la plus belle des fortunes, c’est l’amour. Il leur paraît evident qu’ils ne peuvent pas se passer les uns des autres. Alors, autant créer un projet choral. Le travail reprend ses droits et ils finissent tous “enrobés”.

Il y a tant de générosité de la part des comédiens-chanteurs-danseurs (il y a quelques chorégraphies particulièrement savoureuses), qu’elle gagne les spectateurs. Le public réagit, rit de bon coeur, s’attendrit. On vit au La Bruyère un joli moment de partage. Les six acteurs sont absolument épatants. Personnellement j’ai eu un petit faible pour la prestation de stagiaire, aussi drôle que touchante (Julie Costanza hier soir), et le couple charmant qu’elle forme avec Etienne (Hervé Lewandowski hier soir). Mais ils sont tous excellents, ce sont de vrais performers et ils nous font partager leur bonheur d’être sur scène. Il faut aussi souligner la présence des trois musiciens qui accompagnent en live toutes les facéties des comédiens.

Gilbert “Critikator” Jouin



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