Polydor
/ Universal Music France
S’il est plutôt de
coutume de respecter l’adage par lequel « on ne change pas une équipe qui
gagne », Eddy Mitchell, lui, préfère conserver un concept qui gagne (1er
opus certifié platine avec plus de 100.000 exemplaires vendus) en renouvelant
quasi totalement l’équipe des artistes qui viennent s’associer à lui le temps
d’un duo.
Elle est large la tribu
mitchellienne ! On en connaissait certes le premier cercle, composé en
priorité de ses deux « vieilles canailles », Johnny-le-frère et
Jacques Dutronc, l’ami de longue date, mais aussi de sa fille aînée, Maryline,
et de quelques collègues-potes historiques comme Alain Souchon, Renaud, Julien
Clerc ou Christophe. Puis sont venus s’agréger en cercles concentriques des
artistes qu’Eddy apprécie tout particulièrement à la fois pour leur voix et
pour leur état d’esprit. Eddy n’est pas un nostalgique, il est aussi à l’affût
des talents émergents. D’où ce brassage intelligent dans les deux volets de La Même tribu.
Un seul artiste a le
privilège de figurer sur les deux albums : Arno. Il est la seule
exception… Eddy affectionne tout particulièrement les personnages qui, comme
Arno, ont un grain. Un grain de voix hors du commun et un grain de folie. Avec
le « Tom Waits » belge, il est comblé !
Pour ce deuxième album,
Eddy Mitchell a fait appel à quelques camarades de la vieille garde qui, par
faute de place ou d’emplois du temps, n’avaient pas figuré dans le premier :
Maxime Le Forestier, Laurent Voulzy, William Sheller, Michel Jonasz et, bien
sûr, Véronique Sanson ; Véro qui, ne l’oublions pas, à fait partie de la
toute première édition de la tournée des Enfoirés aux côtés d’Eddy, Johnny,
Sardou et Godman. Les after-shows avaient été paraît-il mémorables !... Il
a également « convoqué » quelques valeurs sûres de la génération
intermédiaire, Calogero, Pascal Obispo, Féfé, Laurent Gerra, Thomas Dutronc, plus
une des grandes révélations 2017-18, Juliette Armanet,
On retrouve également au
générique de ce volume 2, Helena Noguerra et, plus étonnement, la comédienne
Cécile de France. Enfin, comme dans le précédent où Eddy avait invité une Guest
star américaine en la personne du regretté Charles Bradley, disparu en
septembre 2017, il a convié cette fois Gregory Porter, un chanteur californien
de soul et de jazz vocal.
Voici donc les quinze
nouveaux membres du clan.
A l’instar du précédent
album, la qualité est au rendez-vous. On en remarque d’abord une
constante : le superbe travail sur les arrangements. Aucun titre ne
possède la même couleur. Sur certains, c’est le piano qui est mis en évidence,
sur d’autres c’est la guitare, ou bien les cuivres qui sortent du lot quand ce
ne sont pas les cordes. Des trilles d’harmonica par ci (Charlie McCoy, s’il
vous plaît), le son si spécifique d’une pedal steel guitar par là, de la flûte…
Bref, ce sont plus de cinquante musiciens, parmi ce qui se fait de mieux en
France et aux Etats-Unis, qui ont prêté leur concours à la réalisation musicale
de cet album. Sur le plan acoustique, c’est une merveille absolue et je vous
conseille vivement de l’écouter au casque pour en goûter toute la richesse et
toutes les subtilités.
Avec un accompagnement de
ce niveau, la tâche pour les chanteurs et chanteuses est tout de même bigrement
simplifiée. Facile d’entrer dans un tel costume. Pour parodier le texte d’une
chanson d’Eddy de 1971 qui figure sur ce CD, on peut proclamer qu’avec de
telles chansons, « c’est facile d’être amoureux tout le temps » et,
qu’avec de tels partenaires, « c’est facile avec eux de faire des
enfants »… En plus, Eddy est très malin. Il n’a pas distribué ses duos par
tirage au sort. Il a visiblement ciblé ses complices d’un tour de chant. Par
exemple, pour cette chanson éminemment sociétale qu’est Il ne rentre pas ce soir, il a choisi un grand auteur à textes,
Maxime Le Forestier. Pour raconter La
dernière séance, qui mieux qu’une actrice, Cécile de France, pouvait
l’interpréter en y apportant toute sa sensibilité parce que concernée par le
sujet ? Et il ne pouvait trouver meilleur complice pour Je chante pour ceux qui ont le blues que
le créateur de Du blues, du blues, du
blues, Michel Jonasz. Enfin, quelle bonne idée que de confier à Laurent
Gerra quelques imitations de son cru pour C’est
la vie mon chéri… Ces choix ne sont pas anodins.
En revanche, il est bien
plus difficile de déterminer un ordre préférentiel, de dire quels sont les duos
que l’on place en haut de notre hit-parade personnel.
Voici néanmoins mes six
tandems préférés :
-
That’s
How I Got To Memphis, avec Gregory Porter
-
Couleur
menthe à l’eau avec Juliette Armanet
-
Pas
de boogie-woogie avec Calogero
-
Rio
Grande avec Laurent Voulzy
-
Vieille
Canaille avec Féfé
-
Le
Cimetière des éléphants avec Véronique Sanson
Mais j’ai franchement
presque tout aimé. Encore une fois, je me suis régalé. Quelle beau concept !
Je terminerai en mettant
en exergue la formidable présence d’Eddy Mitchell. Il s’amuse comme jamais. Il
se balade d’un titre à l’autre avec un plaisir non dissimulé. On le perçoit
dans sa façon de chanter. Tout en maîtrise, il joue avec sa voix, intervient
entre les lignes, se livre à quelques scats ou onomatopées. Libre, parfaitement
détendu, paternel et fraternel, il est le grand manitou de cette joyeuse Tribu,
son véritable patriarche… On n’a plus qu’à espérer un troisième volume. Il
reste encore quelques pointures ou quelques jeunes pousses avec lesquelles il
ferait bon revisiter le superbe répertoire (l’œuvre ?) d’Eddy Mitchell.
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