lundi 16 janvier 2012

La femme du boulanger



Théâtre Hébertot
78bis, boulevard des Batignoles
75017 Paris
Tel : 01 43 87 23 23
Métro : Villiers / Rome

Une pièce de Marcel Pagnol
D’après Jean le Bleu, un conte de Jean Giono
Mise en scène d’Alain Sachs
Décor de Stéphanie Jarre
Costumes de Marie Pawlotsky
Lumières de Philippe Quillet
Avec Michel Galabru (Le boulanger), Christophe Abrial (Casimir), Julien Cafaro (Le curé), Jean Galabru (L’instituteur), Sylvie Genty (Miette), Marianne Giraud (Melle Angèle), Bernard Larmande (Barnabé), Maxime Lombard (Maillefer), Christophe Mondoloni (Le berger), Dominique Regnier (La boulangère), Roger Souza (Antonin), Philippe Uchan (Le marquis)

L’histoire
: Dans un village de Haute-Provence, un boulanger récemment installé découvre que sa femme est partie avec un berger. Il décide de faire la grève du pain tant que sa femme n’est pas revenue. Le village se mobilise pour retrouver sa boulangerie…

Mon avis
: Le premier enchantement de cette pièce, c’est son décor. Nous sommes sur la placette ensoleillée (pléonasme) et joliment fleurie d’un petit village provençal. Côté cour se trouve la devanture d’un café, côté jardin trône la fameuse boulangerie et, au fond, au beau milieu de la scène, se dresse le charmant balcon qui donne sur, la chambre d’Aimable et Aurélie Castanier, le couple de boulangers nouvellement installé. Tout y est : les couleurs, la lumière, l’accent… Il ne manque que les cigales !... Un peu plus tard, magie de la technique, toutes ces façades pivotent et s’effacent pour laisser la place au fournil, lieu intime dans lequel le boulanger exerce son talent, mais qui va devenir bientôt le cadre de son malheur et de son désespoir.
Un tel décor, magistralement dessiné par Stéphanie Jarre, nous met d’emblée dans les meilleures dispositions pour recevoir cette pièce ô combien connue qu’est la pagnolesque Femme du boulanger.

Dès le début, on plonge dans l’ambiance du village avec ses habitants hauts en couleurs. On assiste à leurs bisbilles, à leurs petites querelles intestines aussi futiles qu’antédiluviennes. Ce sont tous de braves gens, bien sympathiques, qui adorent galéjer et se chamailler. Et, bien sûr – n’oublions pas que nous sommes en 1938 -, le curé est en soutane et l’instituteur est viscéralement anticlérical… Le ton est donné. Nous nageons dans la joie de vivre et l’insouciance. L’inquiétude majeure pour tous les autochtones, c’est la qualité du pain. Qu’est-ce qui va sortir du four de ce nouveau boulanger au prénom prédestiné, Aimable ? Nous aussi, avec eux, nous allons donc faire connaissance avec cet artisan et son épouse… Dès son apparition, Michel Galabru nous réjouit. Il est conforme à ce que l’on attendait de lui. Sa maîtrise est totale. C’est un bonhomme, dans le sens littéral du terme, un vrai brave type. Galabru fait du Galabru mais sans jamais tomber dans l’outrance. Sous la houlette d’Alain Sachs, il reste en permanence dans le personnage, tout en se livrant à un numéro de comédie « énôôôôrme ». Sa palette de jeu contient toutes les nuances. Il sait autant nous faire rire que nous émouvoir. C’est du grand art. Il manie même aisément le second degré car, à certains moments, on ne sait s’il joue la crédulité ou s’il l’est réellement. On a, bien sûr, notre petite idée. Il est en outre servi par des dialogues particulièrement ciselés auxquels sa faconde ou son chagrin donnent toute leur saveur… Et sa voix, parfois caverneuse, vibre comme un instrument de musique.

La distribution est épatante avec de belles compositions de Roger Souza (Antonin), Julien Cafaro (le curé), Philippe Uchan (le marquis), Maxime Lombard (Maillefer) ou Bernard Larmande (Barnabé). Sans oublier celle sans qui il n’y aurait pas cette tragédie, la boulangère Aurélie. Dominique Regnier déborde d’une incroyable sensualité. La moindre de ses attitudes, le moindre de ses gestes ou de ses regards sont de silencieux mais véhéments appels à l’amour. Comment le berger pourrait-il y résister ? C’est la femme fatale dans toute sa splendeur. Et on comprend sa fringale. Son vieux mari ne fait pas le poids. Ou, plutôt, il le fait trop. Elle, elle est au somment de sa féminité ; elle veut en jouir avant qu’il ne soit irrémédiablement trop tard. Il lui sera donc beaucoup pardonné.
Pour en revenir au berger, une victime lui aussi, quelle bonne idée que d’en avoir fait un pâtre corse, ce qui nous vaut de superbes interludes chantés qui sont autant de virgules dans le déroulement de l’histoire.

La pièce, qui dure deux heures, conserve presque tout du long un très bon rythme. Je n’y ai déploré qu’une petite baisse de régime lors de la scène des préparatifs de l’expédition pour aller rechercher la pècheresse. Sinon, j’ai eu un peu de mal avec le personnage de la rosière, mademoiselle Angèle, et physiquement, et auditivement. Je l’aurais imaginée autrement. Marianne Giraud est trop mignonne et l’accent méditerranéen pointu qu’elle adopte est parfois dérangeant. Mais ceci n’est que broutille en regard de l’intégralité d’un spectacle absolument réussi, riches en scènes d’une qualité rare. J’ai particulièrement aimé celle où Galabru, juché sur le balcon de sa chambre, se sert de la rambarde comme de la barre d’un tribunal pour se livrer à un plaidoyer magistral, plein d’émotion et de poésie.
Quant à la très attendue scène de fin, elle est largement à la hauteur de notre attente. Le jeu décalé de Galabru et celui, premier degré, de Dominique Regnier, nous étreignent littéralement le cœur.
Enfin, quel plaisir que de voir le bonheur de Galabru au moment des saluts. Il a les yeux et le sourire d’un gamin. Il vient de nous donner tellement qu’on ne peut que lui renvoyer que de longs et vibrants témoignages d’amour. Cet homme est généreux comme du bon pain.

lundi 2 janvier 2012

Nicolas Bedos "Journal d'un mythomane"


Journal d’un mythomane
Chroniques. Vol. 1
Préface de Régis Jauffret
Editions Robert Laffont (312 pages. 19 €)

Présentation : Déjà dramaturge, metteur en scène et comédien, Nicolas Bedos a agité le petit écran pendant plusieurs mois avec sa « semaine mythomane », moment fort dans l’émission de Franz Olivier Giesbert Semaine critique… Cet ouvrage réunit donc toutes ses chroniques télé, y compris celles, antérieures, qu’il a faites sur Oui FM ainsi que les nouvelles qu’il a écrites pour L’Officiel de la Mode.

Mon avis : Il a tout prévu, le bougre, en titrant son bouquin Journal d’un mythomane. Ainsi étouffe-t-il dans l’œuf toutes les critiques qui se auraient inévitablement pris pour angle cette formidable hypertrophie de l’encéphale qui envahit la moindre de ses chroniques. Difficile dès lors de la lui reprocher puisqu’il la revendique… On ne va donc pas lui intenter un quatorzième procès pour cette forfanterie démesurée, cette autosatisfaction permanente ce nombrilisme assumé. Ni même d’ailleurs pour Fog et usage de FOG…

En revanche, il est bon de s’attarder et sur la forme et sur le fond de cet ouvrage. Ce qui s’en dégage à la première lecture, c’est la grande qualité de l’écriture. L’homme sait manier la plume. Il a du style. Il est évident qu’il aime les mots. Il les aime même tellement qu’il a tendance à se complaire à les empiler pour en faire parfois des phrases interminables (à sa décharge, il faut toujours garder en tête que ces chroniques ont été faites d’abord pour être dites à l’antenne et non pour être lues). On sent que chacun de ses billets, qu’il ait été lu à la télévision ou à la radio, ou écrit dans un magazine, fût-il de mode, ont été polis à l’extrême. Même si leur contenu, lui, l’est bien moins, poli.
La deuxième évidence qui m’est apparue c’est que, sous ses dehors hâbleurs et sûr de lui, ce garçon est pétri de paradoxes. Par exemple, alors qu’il se conduit en caustique, il ne cire pratiquement jamais les pompes de qui que ce soit. Ensuite, tout autant qu’il s’acharne sur les autres, il n’hésite jamais à se moquer de lui-même. Il le fait sans complaisance aucune, ce qui, encore une fois, le met à l’abri de tout reproche de méchanceté gratuite… Il est indéniable que Nicolas Bedos est très compliqué. Dans sa tête, ce n’est pas de tout repos. En dépit d’une outrecuidance plus ou moins feinte et d’un incontestable contentement de soi, on sent percer en lui les pointes rouillées du doute, les aiguilles acérées de l’angoisse (ainsi, coquetterie toute masculine,sa séparation d’avec ses cheveux ne se fait pas du tout à l’amiable. Il aimerait bien les retenir un peu plus longtemps sur son crâne fécond). Il ne se fait aucun cadeau. Aussi maso qu’il est mytho, il adore se flageller, se vautrer dans ses turpitudes. Il dénonce lui-même son « esprit caustique de libertin foireux ». Devant une telle franchise, faudrait-il encore le piétiner avec des hauts talons de douze centimètres ? Que nenni. Il faut prendre ce Bedos-là avec son paquet de contradictions et son indéniable talent. Il est en effet bien plus proche du Père Fouettard que de Saint Nicolas, son patron.

Journal d’un mythomane est un pavé de 300 pages qu’il jette dans la mare (et parfois dans le Marais), faisant un gros plouf dans le PAF, en jouissant visiblement des éclaboussures qu’il provoque. Tout au long de ce bouquin empli de name dropping, on croise régulièrement ses têtes de Turc préférées : Nagui, Mathilde Seigner, Jean-Luc Delarue (celui d’avant la maladie), Arthur, Laurent Gerra, Nadine Morano, Franck Dubosc, Marc Lévy, Eric Zemmour, Jean-François Copé…). Il revendique tout aussi franchement ses amitiés pour Benjamin Biolay, David Foenkinos, Michel Denisot, Thierry Ardisson, Fabrice Luchini, Frédéric Begbeider, Edouard Baer…De même avoue-t-il être totalement druckerophile ; et surtout, il n’hésite jamais à afficher son admiration, son estime, sa tendresse et son amour pour ses géniteurs dont, bien sûr, le sieur Guy.

Bref, ce livre ne se réduit pas qu’à un brillant exercice de style (s). Il y a beaucoup de fond. Personnellement, ma chronique préférée dans le chapitre FOG (Franz Olivier Giesbert), est celle intitulée « La réforme des retraites ». De même j’ai trouvé particulièrement astucieux l’angle sur lequel il s’est appuyé pour évoquer Marine Le Pen… Mais, en définitive, là où j’ai trouvé que sa plume excellait, c’est dans les chroniques qu’il avait réalisées pour Oui FM. Son papier titré « Nicolas Rey » en est, à mon goût, le plus abouti.
On prend donc énormément de plaisir à se laisser emporter par les délires, les élucubrations, les digressions, la perfidie, les comparaisons osées, les explications très imagées, les excès, la mégalomanie d’un authentique auteur. Même si on se prend parfois à regretter de ne pas l’entendre nous les dire. L’ironie du ton et le sourire dans la voix permettant souvent de gommer un effet que l’on aurait tendance à trop prendre au premier degré durant la lecture… Là, c’est moi qui fait le mythomane… pour avoir du son.

vendredi 30 décembre 2011

Jean-Jacques Vanier "Fest of"


Petit Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

One man show écrit par François Rollin et Jean-Jacques Vanier
Mis en scène par Jean-Jacques Vanier

Mon avis : Jean-Jacques Vanier est un homme à part, une sorte d’extra (très extra)-terrestre qui nous emmène dans son monde à lui, un monde surréaliste, absurde, incongru dans lequel il se sent comme un pingouin sur sa banquise. A l’instar de son homonyme Nicolas Vanier, il n’aime rien tant que les grands espaces de liberté. Sa fantaisie n’a pas de frontières, pas de limites. Pénétrer dans son univers, c’est se préparer à un grand voyage, à une sorte de « rendez-vous en terre inconnue ». Tout au long de ce trajet initiatique, on ne cesse de s’émerveiller, d’aller de surprise en surprise, d’ébahissement en éblouissement. Mais, surtout, on ne cesse de rire ; d’un rire frais et léger, spontané, complice… Grâce à lui, j’ai terminé mon année artistique en beauté.

Dans un décor on ne peut plus nu, Jean-Jacques Vanier prend possession de la scène en pantalon noir et chemise blanche. Il attaque illico presto avec son fameux « tube », le sketch de la cafetière 9 tasses. Là, on est antipodes de George Clooney. On a beau le connaître par cœur, il produit toujours le même effet. L’œil (clair comme un ciel d’azur) écarquillé, il s’efforce de convaincre le public avec une démonstration mathématique aussi énervante qu’hilarante. Qu’ils connaissent ou non ce sketch, les spectateurs, pris en otage, se piquent au jeu. Chacun y va de sa calculette mentale, émet tout haut sa solution, se plante, s’insurge et, découragé, abandonne. S’appuyant sur un éprouvant comique de répétition, Vanier nous a l’usure. On en éprouve presque du soulagement lorsqu’il clôt son raisonnement… On a à peine le temps de recouvrer nos esprits qu’il enchaîne avec un sketch totalement farfelu, un road-movie improbable dans lequel il nous conduit sur le circuit de l’absurde. Ce récit est tellement décalé et imagé qu’il en devient implacable.

Or, arrivés à ce stade du spectacle, on ne se doute pas encore que nous n’en sommes qu’aux amuse-gueule, à la mise en bouche (en esprit plutôt). Ces deux sketchs-là servent en fait à nous dégripper les neurones et à les préparer à sa forme d’humour si particulière. Car ce qui va suivre va nous emmener dans ce fameux pays aux émerveillements dont je parlais en préambule… Imaginez en effet que le one man show de Jean-Jacques Vanier ne comporte QUE cinq sketchs ! Mais les troisième, quatrième et cinquième qui, qualitativement vont crescendo (comme si c’était possible) sont tout simplement des perles rares. C’est énorme. Excellent comédien, mime émérite, imitateur à ses heures, il possède une gestuelle, des intonations, des silences, des jeux de sourcil, des interrogations qui n’appartiennent qu’à lui. Peu me chaut de vous narrer par le menu le contenu de ces trois monuments de drôlerie, de non-sens, de poésie et… d’intelligence. D’abord ce serait impossible… Jean-Jacques Vanier est un pinailleur de l’extrême. Il a le souci du détail obsessionnel. Quand il a un os à ronger, il en décortique le moindre bout de chair, le moindre nerf et il nous le rend complètement nettoyé. Il profère les pires incongruités, les pires inepties avec une totale conviction… Lorsqu’il part sur une route, l’itinéraire n’en est jamais défini et rectiligne. Il emprunte des chemins de traverse, fait diversion, revient sur ses pas, semble s’égarer, se perdre, pour toujours retomber sur ses pattes. La construction de son mécano de l’absurde est magistrale, imparable. Chaque pièce y est ajustée avec une méticulosité quasi maladive et, au final, tout se tient. Plus c’est fou, plus on est sidéré par la totale logique qui en découle. C’est réellement du grand art. Un pur bonheur. La virtuosité du jeu n’y a d’égale que la qualité de l’écriture.
Que voulez-vous de mieux ?
Vous, Vanier, j’en suis fort aise, et bien riez maintenant…

jeudi 15 décembre 2011


Petit Palais des Glaces
37, rue du Faubourg du Temple
75010 Paris
Tel : 01 48 03 11 36
Métro : République / Goncourt

One man show écrit par Alexis Macquart
Mis en scène par David Salles

Mon avis : Le dossier de presse annonce un artiste « sincère, honnête, qui se présente sur scène sans faux-semblant à travers un humour spontané, incisif, perturbant, provocateur, acerbe, mordant et osé »… Et bien tout est vrai là-dedans, il n’y a rien à ajouter, et ma critique est pour ainsi dire déjà terminée…
De même, le titre de son one man show est « Faites le taire »… Là aussi je suis tout-à-fait d’accord. Pour la simple et bonne raison que ce sagouin, en parlant de sa vie personnelle, livre au public féminin toutes les clés de la psychologie masculine. Du coup, il aurait pu sous-titrer son spectacle : « les hommes : mode d’emploi ». Déjà qu’on est assez démuni comme ça face à la gent féminine, il n’y avait pas besoin de leur fournir autant d’éléments concernant les rouages les plus intimes de notre mécanique comportementale. C’est nul ! J’ai passé mon temps à l’insulter en silence. Et, évidemment, dans l’auditoire, il y avait une majorité de jeunes femmes et de couples. Nous, on se retrouve à poil, complètement désemparés et pire, démythifiés. Après ça, il faut être drôlement costaud pour affronter la vie à deux…

AleCh’ti Macquart – il revendique d’emblée ses origines nordistes, histoire ce se débarrasser tout de suite de ce poids – a tout pour attirer la sympathie. Avec son allure de copain de fac, son œil bleu ciel rigolard, et sa propension à jouer les losers, il nous met tous dans sa poche. Son truc, c’est le stand-up. Il raconte… Il SE raconte. Après avoir affirmé sa lâcheté chronique, son incapacité face à la violence, surtout celle émanant des femmes, il nous emmène dans son monde. En guise de préambule, il évoque des généralités. Il parle de la bouffe, des émissions télévisées, des dysfonctionnements de notre société, de Tweeter et de Facebook.
Sa vision des choses repose sur une logique froidement réaliste. Elle est toute entière contenue dans cette affirmation qu’il nous livre benoîtement : « C’est peut-être moi qui vois le mal partout… » Effectivement, plus on avance dans le spectacle, plus on se dit que ce gars-là, c’est la méchanceté tranquille. Rien n’est gratuit. Tout est finement décortiqué, analysé, mais sans jamais appuyer le trait. Ce qui est d’autant plus redoutable car il nous oblige à une réelle réflexion. Ses apparentes élucubrations sont bien plus profondes qu’il ne voudrait le faire croire.

Après avoir balayé avec son télescope de façon panoramique le monde qui l’entoure, il le retourne sur lui-même, se lamente sur son physique, avoue sa peur de vieillir puis, insensiblement, en vient à sa vie de couple. Un sujet qui lui tient particulièrement à cœur et auquel il va consacrer plus de la moitié de son discours. Huit ans qu’il vit avec sa copine, huit ans qu’il lui est fidèle, huit ans au cours desquels il n’a rien élucidé du « mystère féminin ». Une seule chose est sûre pour lui, les femmes lui font peur… Sans aucun tabou, avec un langage et des gestes parfois sans équivoque, il parle avec force détails de sexualité, de masturbation, de l’éducation des enfants avec en corollaire notre émerveillement crétin pour nos rejetons, des méfaits d’Internet… C’est la première fois que je vois un humoriste s’exprimer avec un réalisme aussi clinique, une lucidité implacable et, surtout, sans aucune mauvaise foi. Habile et fin, d’une honnêteté sans faille, il ne voit que l’aspect négatif des choses. Le doute l’habite et ça lui donne vachement de grain à moudre. Son parler vrai est absolument convaincant. Je suis certain en outre que ce comportement de loser doit considérablement émouvoir les spectatrices. Son côté Calimero, parfaitement assumé, c’est en fait sa façon de séduire. Et même, j’irai plus loin : en parlant sans cesse de sa compagne (après huit années de vie commune, on ne peut plus parler de copine), il lui rend en réalité un profond hommage. C’est certes en filigrane, mais on le ressent néanmoins très fort.

Je ne connaissais pas du tout Alexis Macquart. Il a été pour moi une véritable découverte. Il est intéressant, très drôle, intelligent, malin, avenant. Il mérite vraiment que les gens viennent en nombre à son spectacle car il s’y passe quelque chose. En tout cas, j’ai quitté le Petit Palais des Glaces absolument ravi et conquis. Ce Macquart est un tout-bon.

vendredi 9 décembre 2011

Delphine McCarty dérape !


Théâtre de Dix Heures
36, boulevard de Clichy
75018 Paris
Tel : 01 46 06 10 17
Métro : Pigalle

One woman show écrit par Delphine McCarty, Michaël Quiroga et Eric Théobald
Mis en scène par Elie Semoun

Mon avis : Quelle adorable petite peste ! Tout au long de ce spectacle bien écrit et remarquablement interprété, Delphine McCarty nous apporte la confirmation que l’on peut à la fois être ravissante et drôle. Pour paraphraser ce cher Brassens, c’est « une jolie fleur dans une peau d’ vache ». Parce que pour y aller, elle y va la drôlesse ! Avec son air de sainte Nitouche, sa frimousse juvénile, ses grands yeux ronds et candides, son sourire enjôleur, elle n’a pas son pareil pour débiter des chapelets d’insanités avec un naturel confondant. Les termes les plus crus et les détails les plus osés nous paraissent moins choquants lorsqu’ils sortent d’une bouche aussi aimable et purpurine.

Delphine McCarty nous propose un bon vieux one woman show à l’ancienne, c’est-à-dire à base de sketches. Treize au total, à travers lesquels elle faut montre de qualités de comédienne hors pair. Parfaitement à l’aise, faisant ce qu’elle veut avec sa voix et avec son corps, elle nous propose une galerie de personnages qui, la plupart du temps, tutoient l’odieux, se délectent dans le cynisme, se complaisent dans la méchanceté, se vautrent dans la luxure… Des personnages peu fréquentables qui, s’ils n’étaient pas aussi brillamment interprétés par une jolie fille, nous seraient totalement abjects. Mais comme je l’ai précisé plus haut, son naturel teinté d’une bonne dose d’autodérision fait tout passer, rend tout digeste. Plutôt que de se sentir outré, on rit de bon cœur devant tant d’audace.

Pourtant, le sketch d’ouverture où elle apparaît revêtue d’une robe de princesse de taffetas rose et coiffée d’un diadème en toc m’a laissé dubitatif. Impression de déjà vu, de déjà entendu, accent du Midi et grossièretés gratuites en prime… Je me souviens avoir pensé « Bof, elle est très mignonne à regarder mais elle nous sert du Disney réchauffé ». Et puis, avec une logique imparable, après le premier sketch est venu le deuxième. Et là, le ton est devenu différent. Est-ce dû au changement de costume. Est-elle plus elle-même quand elle est en jeans et t-shirt ? L’habit ne fait pas la nonne mais il contribue dans son cas à plus d’authenticité. D’autant que ce deuxième sketch, que je qualifierai « d’exposition », préfigure pour moi ce qui va suivre et qui va aller crescendo. Elle y parle d’elle, se rit d’elle-même, aborde le second degré et se lance avec une saine ironie dans une étude comparative des séries télé américaines et françaises. On sent qu’elle parle de ce qu’elle connaît puisqu’elle est apparue dans une bonne vingtaine de téléfilms dont Julie Lescaut, Alice Nevers, Le Tuteur, Diane femme flic, Crimes en série… Elle a donc le droit d’avoir la quenotte dure.

Et c’est seulement à partir du troisième sketch qu’elle se met à camper les fameux personnages dont je parlais en préambule. Il y en a huit car trois d’entre eux (la caissière, la fille à l’enterrement et la représentante) réapparaissent pour notre plus grand plaisir une seconde fois, histoire d’en remettre une couche. Tous ces personnages m’ont vraiment plu, et certains encore plus, comme Zoé la nouvelle belle-maman désinvolte et perverse (un des mieux écrits) ou la « caillera » qui lui permet une subtile étude anthropologique du croisement inopiné de deux mondes et de deux cultures… Mais elles sont toutes formidables ces filles, la caissière qui pratique l’ingérence parce que ça lui permet d’exister, la maman dépressive, Elvire, la « copine » acide et vacharde, la représentante détestable, la bourge couguar en mal de sexe… C’est un gant de crin manié par une main de velours qui nous gratte agréablement la peau et nous fait frissonner d’aise. Débitées ainsi, ces dragées au poivre réussissent à avoir un goût de bonbon acidulé. De toute façon, sucer n’est pas tromper. Et ce spectacle est fort bien léché. On y sent la patte Semoun. Il a dû se régaler l’Elie à mettre en scène une aussi jolie poupée à l’apparence inversement proportionnelle aux insanités qu’elle débite. Mignonne, allons voir si la rosse…

Delphine McCarty est une teigne (il faut savoir qu’une teigne est aussi un joli petit papillon) qui se réjouit visiblement de nous embrouiller en mélangeant le fond et les formes. Le fond, elle le puise en piochant dans une veine d’humour noir. Quant aux formes, ce sera à vous de juger, bien qu’elle n’en abuse nullement. C’est en effet le mot « naturel » qui revient lorsqu’on essaie de la définir. En tout cas, sa fraicheur et sa simplicité lui permettent sans aucune réserve notre absolution. Puisse-t-elle « déraper" encore longtemps pour notre plus grande joie…

jeudi 8 décembre 2011

Vive ma planète !


Annoncé comme « le premier livre/CD ludique et écologique », Vive ma Planète ! est un ouvrage qui devrait faire l’unanimité chez les petits comme chez leurs parents.

Les « 9 histoires pour un monde meilleur » qu’il contient sont un pur ravissement. Et le livre lui-même est un très bel objet aux illustrations vives et colorées, un véritable plaisir pour les mirettes. Et si les yeux sont comblés, les oreilles le sont également. En effet, non seulement on peut lire ces neuf aventures, mais on peut aussi (et surtout) les écouter. Accompagnée par une bande-son entraînante et émaillée de judicieux bruitages, Séverine Ferrer use de tout le savoir-faire de la comédienne qu’elle est devenue pour les conter et les jouer. Humour, émotion, tendresse, pédagogie, tout y est.
On y croise un cerf-volant qui s’alanguit de ne plus folâtrer dans le vent, un pyjama rassurant, un crocodile boulimique, une crevette amoureuse, une petite fille rêveuse et bienveillante, une souris minuscule et tête en l’air, un petit garçon désordonné et désobéissant, un ours gourmand et compatissant…

Valeur ajoutée à cet ouvrage, chaque histoire est séparée par une rubrique intitulée « Le Conseil du Panda » dans laquelle on enseigne de façon ludique à nos bambins les éco-gestes essentiels pour la protection de l'environnement… Vous vous demandez « mais que vient faire ce panda dans cette histoire ? » Et bien, tout simplement parce que Séverine Ferrer, « fan de » la faune et de la flore, est aujourd’hui ambassadrice du WWF (Fonds Mondial pour la Nature) dont le panda est le symbole. Si bien, qu’en plus de vous procurer énormément de plaisir, ce livre vous permettra de faire une bonne action car une partie de ses droits sera reversée au WWF France.
Alors, ouvrez, lisez, écoutez, découvrez, laissez-vous bercer et emporter. Et que vive notre planète !

Le Courrier du Livre Jeunesse (104 pages. 17, 90 €)

vendredi 2 décembre 2011

Titoff "Après 5 ans sans rien faire déjà de retour !"


Le Bataclan
50, boulevard Voltaire
75011 paris
Tel : 01 43 14 00 30
Métro : Oberkampf / Filles du Calvaire

Spectacle écrit par Titoff et Laurent Junca
Mis en scène par Laurent Junca

Mon avis : Il est vraiment particulier ce spectacle de Titoff. Plus stand-up que ça, ça n’existe pas… Titoff, c’est un peu comme un bon copain qui prendrait la parole à la fin d’un repas de fête ou de famille et qui s’amuserait à faire ses commentaires sur tout et rien : la politique, l’écologie, la crise, la rapidité avec laquelle une info chasse l’autre, les smoothies, la prolifération des comiques, la pub Kinder Bueno… et, surtout, la vie quotidienne : le couple, la paternité, les soirées filles et les soirées mecs, les bimbos, la mauvaise foi masculine… Bref, son spectacle est un grand fourre-tout dont le leitmotiv serait « On est chez les fous ». Il est vrai qu’actuellement, ce ne sont pas les sujets qui manquent et il pourrait sans problème tenir une heure de plus.
A son crédit, Titoff attire la sympathie et cette forme d’indulgence souriante que l’on accorde justement au « bon copain ». Il est, reconnaissons-le, un formidable tchatcheur. Il possède un vrai talent pour tirer le fil de l’ironie de la pelote du quotidien et d’en grossir la trame. Il a incontestablement du métier (à tisser). Mais s’il réussit fréquemment à nous faire sourire, il ne nous fait pas rire. Tout simplement parce que ses élucubrations manquent singulièrement de fond. Autant certaines des saillies qu’il distille au cours de l’émission de Laurent Ruquier sur Europe 1 sont savoureuses, autant sur la longueur a-t-il tendance de ronronner. Titoff serait donc plus un sprinter qu’un coureur de fond. Ce fond qui, effectivement, lui fait défaut.

Il ne lui manque pas grand-chose car il possède déjà pas mal d’atouts avec sa bonne gueule, son charme indéniable et sa faconde méridionale. Il s’est même considérablement amélioré dans ce domaine depuis ses débuts dans le one-man show il y a un peu plus de dix ans. Disons qu’il s’est professionnalisé, qu’il a pris de l’épaisseur. Il ne lui reste plus qu’à se montrer un peu plus ambitieux au niveau du texte pour franchir un palier décisif. Il en a le talent… Mais à trop surfer sur l’écume des choses, on en devient vague soi-même.
Je n’ai pas passé une mauvaise soirée au Bataclan mais, gavé par trop d’amuse-gueule, je suis resté sur ma faim. Il m’a manqué du consistant, du roboratif ; de ce genre de plat qui vous fait délicieusement mal au ventre quand on a dégusté.