dimanche 18 mars 2007
Pirette "Chaleur charbon"
Théâtre du Gymnase
38, boulevard Bonne Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne Nouvelle
Préambule : François Pirette est vraisemblablement l'humoriste le plus populaire actuellement en Belgique. Certains d'entre vous se souviennent sans doute de son passage sur France Inter pendant deux saisons, il y a une décennie, aux côtés de Laurent Ruquier dans Rien à Cirer. Son humour ravageur et un spectacle au théâtre de Dix Heures avaient laissé quelques jolies souvenirs. Bien que résidant en France depuis une douzaine d'années, il sévissait uniquement outre-Quiévrain où il se partageait entre théâtre et télévision. En 2004, son premier numéro du "Pirette Show", diffusé sur la chaîne privée RTL-TVI, décroche la troisième meilleure audience de l'année derrière les films Harry Potter et Astérix. C'est dire l'impact et la cote d'amour de ce garçon.
C'est presque sur la pointe des pieds qu'il revient sur la scène parisienne pour nous présenter son septième one-man show, Chaleur charbon.
Mon avis : Finalement, à y regarder de plus près, l'affiche de Chaleur charbon est assez éloquente : François Pirette y apparaît en "gueule noire" avec, sur le casque, la loupiote allumée... Disons-le tout net, le noir est la couleur de son humour. Quant à la loupiote, elle symbolise son regard qui éclaire les endroits les plus sombres des replis de l'âme humaine pour nous les décrire avec une férocité aussi tranquille que gourmande. Quand Pirette va au charbon, c'est au marteau-piqueur qu'il s'attaque aux gisements fossilisés de nos pires turpitudes. Houille, houille, houille... Il est vrai que le filon est inépuisable. Et quand il arrive, dans sa galerie de personnages, que l'on se reconnaisse parfois dans certains comportements lamentables, quel coup de grisou ! On a bonne mine... Mais qu'est-ce qu'on rit !
Je dois avouer posséder une certaine attirance pour l'humour noir. Avec Pirette, j'ai été gâté au-delà de toutes mes espérances. J'ai bu du petit lait parfumé au vitriol... Son spectacle, qui dure tout de même une heure et demie, ne comprend que sept sketches. Mais quels sketches ! C'est un remarquable conteur eu service d'un remarquable auteur (lui-même). Il a joue avec le public avec une malice et une pseudo mauvaise foi qui donne pas mal à réfléchir. Excellant dans un double niveau de lecture, c'est vraiment très très fin. Et tellement cruel aussi.
Il ouvre le spectacle habillé en mémère. Le ton est donné. Avec un fort accent belge, elle raconte sans pudeur aucune sa vie de famille étriquée, se permettant quelques savoureuses digressions qui font frissonner la salle de contentement... Dans son deuxième sketch, il campe un père ignoble, un con intégral équipé de toutes les options : lâcheté, xénophobie, méchanceté, mesquinerie... Dans le troisième, en prof de STT remplaçant, il atteint des sommets de cruauté dignes d'être inscrits au tableau d'horreur. Il est au one-man show ce que Franquin était à la BD avec ses Idées noires... Ensuite, il gravit encore une marche dans l'indicible en se mettant dans la peau de la Faucheuse, de la Mort. Ce qui lui permet de balancer ses vérités sur quelques nuisibles de ce monde qu'il aimerait bien avoir pour clients. C'est beaucoup plus profond quil n'y paraît... Puis, retour sur scène de la Mémé du début qui a, cette fois, quelques démêlés avec sa fille de 18 ans. Quel sens de l'observation et du détail qui tue ! Expressif en diable, il s'autorise à la fin du sketch un joli retournement de sentiment qui nous titille l'émotionnel. C'est très habile... Ensuite, il se métamorphose en vieillard à l'hospice pour nous livrer un sketch tour-à-tour caustique, acide, impitoyable et, pourtant, profondément humain. Avec beaucoup de bon sens et une logique imparable, jouant avec les mots comme avec les sentiments, il ne peut s'empêcher malgré lui de laisser filtrer sa vraie grande tendresse... Et il termine avec une sorte de fable située en 2017, grinçante et réaliste, touchante et inquiétante, avec des saillies dignes de Pierre Dac.
Très honnêtement, on ne peut qu'employer des superlatifs pour évoquer ce spectacle. Que c'est jouissif d'entendre une salle entière frémir et ronronner du plaisir coupable de rire sur de franches horreurs. Parfois quelques petits cris outrés provoquent un fugace sourire de satisfaction sur le visage de celui qui les profère. Quelle récompense ! En matière d'humour noir, c'est en tout état de cause, un des meilleurs spectacles que j'aie vu depuis longtemps.
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