samedi 17 mars 2007

La mémoire de l'eau


Petit Théâtre de Paris
15, rue Blanche 75009 Paris
Tel : 01 42 80 01 81
Métro : Trinité

Une pièce de Shelagh Stephenson
Mise en scène de Bernard Murat
Avec Charlotte Valandrey, Florence Pernel, Valérie Benguigui, Eric Viellard, Gilles Cohen, Manoëlle Gaillard

L'histoire : Trois soeurs, Marie (Charlotte Valandrey), Thérésa (Valérie Benguigui) et Catherine (Florence Pernel), se retrouvent réunies dans la maison familiale pour y veiller leur mère qui vient de mourir. Très différentes de caractère, elles reprennent tout naturellement leurs chamailleries de petites filles. Mais le cocktail "chagrin, alcool et fumette, va exacerber leurs rivalités et leurs jalousies. Devant leurs compagnons impuissants et bientôt dépassés, elles vont régler leurs comptes...

Mon avis : Décidément, quand on se retrouve dans la salle du Petit Théâtre de Paris on n'est rarement déçu. On tombe à chaque fois sur des pièces modernes, insolentes, dérangeantes, vives ; des pièces qui nous confrontent et nous renvoient le plus souvent à notre propre existence.
En dépit de son titre pour le moins énigmatique, La mémoire de l'eau n'échappe pas à cette excellente habitude car, une fois de plus, nous passons une excellente soirée du côté de la Trinité.
En parlant de "trinité", celle composée de Charlotte Valandrey, Florence Pernel et Valérie Benguigui est franchement épatante. Chacune, dans son rôle, campe un personnage au profil et à la mentalité totalement différentes. L'aînée, Marie (Charlotte), est médecin. Elle est celle qui a professionnellement réussi. Elle est à la fois admirée et jalousée pas ses soeurs qui lui reprochent d'avoir été la préférée de leur mère. Mais en dépit de sa réussite, Marie, marquée par un drame de jeunesse, est terriblement fragile. Charlotte Valandrey apporte à ce personnage tout en intériorité une certaine pudeur, de la lucidité, un sens aigu de la réplique assassine et, malgré tout, pas mal de tolérance.
La deuxième, Thérésa (Valérie), est complètement premier degré. Elle est sérieuse, sans fantaisie aucune. Avec son franc parler, elle n'hésite pas à asséner les vérités (ou les rumeurs) qui blessent. Quand elle est lancée, rien ni personne ne peut l'arrêter. Elle a, aux trois-quarts de la pièce, un morceau de bravoure (un régal pour une comédienne) qui transporte la salle.
Quant à la cadette, Catherine (Florence), elle est la petite fille qui n'a pas grandi. Convaincue d'avoir été la mal aimée, elle témoigne d'une vraie rancoeur vis-à-vis de sa mère. Délicieusement sexy, elle compense son manque d'assurance en absorbant force substances illicites et enivrantes. Elle est capricieuse, futile, frivole, excentrique, hypocondriaque et, comme ses deux frangines, elle est terriblement attachante.
Les deux hommes, Mike (l'amant de Marie) et Franck (le compagnon de Thérésa), servent plus de révélateurs. Mike est sans cesse en porte-à-faux avec sa culpabilité d'homme marié qui ne veut pas abandonner son épouse souffrante. Et Franck, débonnaire, placide, fatigué, il s'efforce d'être la voix de la sagesse dans ce maelström exclusivement féminin.
La mise en scène de Bernard Murat est impeccable avec, à souligner, un habile jeu de lumière dont je vous laisse découvrir l'utilité. La pièce est menée tambour battant. Les dialogues sont incisifs, les répliques fusent, avec une bonne dose d'humour noir (la mort est tout de même sans cesse présente). On passe sans transition de la franche rigolade à l'émotion, de la banalité du quotidien à la réflexion profonde, du drame à la comédie. Et, à travers les personnages de Thérésa et de Catherine, on vit quelques moments de pure folie. Quel casting !
La programmation du Petit Théâtre de Paris a encore frappé. Bonne soirée garantie...

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