vendredi 1 février 2008
Réception
Théâtre des Mathurins
(Petite salle)
36, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 90 00
Métro : Havre-Caumartin
Une pièce de Serge Valetti
Mise en scène par Christophe Correia
Avec Claire Nebout et Jean-Claude Dreyfus
Ma note : 7/10
L'histoire : Dans un hôtel perdu de province, un réceptionniste solitaire, acariâtre et alcoolique voit ses petites habitudes bouleversées par les arrivées d'un jeune VRP autoritaire et exigent, puis de son invitée, une jeune femme énigmatique et troublante. Intrigué, il va tenter de percer le mystère du comportement étrange de ses hôtes...
Mon avis : Le décor nous installe tout de suite dans l'ambiance. Nous sommes dans un boui-boui mal entretenu, au confort succinct. Cette sensation d'insalubrité est encore avivée par la présence du gardien de nuit, un personnage peu ragoûtant, débraillé, qui ne cesse de bougonner d'une voix grasseyante. Dans cet univers limite sordide, l'irruption d'un client élégant et racé a de quoi décontenancer. Pourtant, ce dandy rouleur de mécaniques, a bel et bien l'intention de passer la nuit dans ce gourbi. Mieux encore, il y attend la visite d'une jeune femme avec laquelle il compte bien partager un bon moment, puisqu'il intime au réceptionniste de mettre du champagne au frais. Evidemment, une telle attitude autoritaire dérange et déstabilise notre employé misanthrope et asocial qui en ronchonne de plus belle. Ce qui n'impressionne guère la petite frappe arrogante laquelle, au contraire, ne cesse de l'asticoter...
Alors que le jeune homme s'est absenté pour se sustenter dans un restaurant voisin, arrive une splendide jeune femme, moulée dans une robe d'un rouge éclatant qui dessine une plastique de rêve. Devant un réceptionniste médusé, elle prend des poses, se fait aguicheuse et provocante. Bien sûr, cela a pour résultat immédiat de réveiller chez lui le cochon qui sommeillait (ce qui est un pléonasme quand il s'agit de Jean-Claude Dreyfus). Aussitôt, il change d'attitude, se fait obséquieux, devient libidineux... Mais la jeune femme le laisse en plan pour gagner la chambre où elle est bientôt rejointe par son compagnon. Et le réceptionniste est bien vite le témoin agacé de leurs ébats bruyants...
Voilà, le tableau est dressé. Rien ne sert surtout d'en dévoiler plus.
L'atmosphère de ce huis-clos est intense. On oscille sans cesse entre pure noirceur, moments de grâce et d'humour. En tant que spectateur, on a l'impression de construire une pyramide de cubes à l'aveugle. On s'en pose des questions car on imagine bien que l'intrusion de ces deux jeunes gens dans la vie pitoyable du réceptionniste est tout sauf fortuite.
En cela, il faut encenser le jeu des comédiens. Jean-Claude Dreyfus est à la fois exécrable et pathétique. Il traîne sa solitude comme un boulet, essayant de la rendre supportable avec force verres d'alcool. Il y a belle lurette qu'il a renoncé à toute dignité. Il s'est volontairement mis en marge de la société, préférant converser et s'en prendre aux objets qui sont autant d'exutoires à sa détestation de lui. Dreyfus est formidable dans cette composition, impressionnant de veulerie et de mépris de lui-même. Indifférent à son marcel souillé, tel un ours en cage, il passe son temps à marmonner, à faire des allers-retours entre son arrière salle et ses distributeurs d'alcool.
Quant à Claire Nebout, elle a hérité là d'un rôle qui doit compter dans la carrière d'une comédienne tant il est dense et riche. Elle accomplit une véritable performance, allant jusqu'à s'exprimer avec deux voix aux timbres très dissemblables. On imagine qu'il y a eu un sacré travail en amont. Elle est tout le temps crédible, sans aucune fausse note dans ses deux partitions. Quel affrontement avec Jean-Claude Dreyfus ! Quel duo ! Au moment des saluts, il est évident qu'ils sont très complices. Il ne pourrait d'ailleurs en être autrement pour partager deux rôles aussi intenses...
La petite salle du théâtre des Mathurins est le cadre idéal pour une pièce aussi particulière. On peut ainsi en suivre l'intrigue à bout portant. Et on en sort avec la certitude d'avoir vécu un grand moment de comédie pure.
Il n'y a qu'une chose que je n'ai pas comprise, c'est au niveau du décor : pourquoi la porte d'entrée de cet hôtel est-elle de guingois. Je ne vois ce que cela apporte...
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