jeudi 9 juin 2011

Elisa Tovati


Le Syndrome de Peter Pan

Comédienne depuis quinze ans, chanteuse depuis dix ans, Elisa Tovati sort le 20 juin prochain son troisième album, Le Syndrome de Peter Pan, dans lequel elle évoque frontalement et avec une troublante sincérité ses états d’âme actuels.
Beauté brune à la voix suave et sensuelle, Elisa est arrivée en 2002 dans le panorama de la chanson française telle un Ange Etrange. Un ange qui, quatre ans plus tard, se métamorphosait en petit démon avec un album réjouissant, espiègle et primesautier dont le titre là aussi annonçait la couleur : Je ne mâche pas les mots… Que s’est-il passé depuis dans sa vie, quels problèmes, soucis et déceptions a-t-elle rencontrés pour nous révéler ainsi une profonde mélancolie doublée d’une véritable défiance vis-à-vis des clichés que véhicule son image indéniablement glamour ?
Elisa Tovati a, apparemment, tout pour être heureuse. Dans sa vie privée comme dans sa vie professionnelle. Son baby blues (si baby blues il y a eu) date aujourd’hui de deux ans et demi, il doit être considérablement estompé. Ce n’est donc pas de ce côté qu’il faut fouiner pour savoir d’où vient cette foutue mélancolie… A mon avis, il faut chercher du côté de l’enfance et de ses origines pour obtenir une ébauche de réponse. Elisa a du sang slave dans les veines. Elle peut donc passer sans transition de l’euphorie à la tristesse la plus sombre. En plus, quand on l’écoute et qu’on essaie de comprendre entre les lignes, on perçoit en elle un certain mal-être chronique. Mais pour en savoir plus, il faudrait fouiller et jouer au psy, ce qui n’est tout de même pas le but d’une interview sur la sortie d’un album.

Justement, parlons-en de cet album…
Dès la première écoute, il apparaît que Le Syndrome de Peter Pan est remarquablement écrit et superbement réalisé. Aucune des douze chansons n’est mièvre et banale. Et même si certains thèmes sont abordés plusieurs fois (l’enfance, l’amour, la dure réalité de la vie…), chacune possède son propre cachet et sa propre couleur… Si on a généralement tendance à attribuer le syndrome de Peter Pan aux garçons en raison du livre de J. M. Barrie, il arrive tout autant aux filles d’appréhender de passer à l’âge adulte. Adieu l’innocence, adieu l’insouciance et, surtout, adieu les rêves. La vie n’est pas un conte de fée, et ce foutu Prince Charmant a plutôt tendance à rester une illusoire abstraction.
Dans ses chansons, coécrites avec Bertrand Soulier, Elisa ne se voile pas la face et ne fuit pas la réalité. Au contraire, elle se la coltine de plein fouet. Elle veut bien se fabriquer de vagues illusions, mais elle n’est jamais dupe. Elle n’a pas le choix : il faut monter sur le manège tout en sachant que ce sont des montagnes russes et qu'on va avoir des hauts-le-coeur. Elle a beau voir « les hommes avec les yeux d’un enfant », elle ne tombe pas dans l’angélisme. Elle sait qu’un jour le jouet va soit se casser, soit perdre de son attrait en raison de l’usure du temps. Le temps qui revient souvent dans ses propos. Pas agréable, pas facile de grandir et de vieillir. A l’instar de sa chanson La vie devant soi, elle se fait adepte de la méthode Coué pour tenter de se convaincre que le bonheur existe, qu’il faut y croire. Même si… Même s’il faut pour cela se réfugier dans la superstition et les grigris. Et elle s’oblige à imaginer une happy end du côté de Sunset Boulevard.
La chanson où elle se livre sans doute le plus est La fille dans la glace. Elle y parle de sa relation avec son propre reflet. L’image que lui renvoie son miroir, celle que les gens ont d’elle dans les pages des magazines ou dans la rue, n’est pas celle de la vraie Elisa. Comment se débarrasser de ce double qui vous interdit d’être vous-même ? C’est carrément schizophrène. Elle a beau se dire, et essayer de nous dire, qu’elle est « mieux que ça », c’est l’image qui reste la plus forte. On n’a pas le temps de s’arrêter pour découvrir le moi profond des gens. Surtout quand leur métier est d’être en vitrine. On passe devant sans même penser que le plus beau, le plus intéressant, le plus riche, se trouve à l’intérieur.
Elisa Tovati ne nous fait pas le coup de la « pauvre petite fille riche », elle a trop de pudeur, trop de dignité pour ça. Et aussi trop d’humour et d’autodérision. Le sourire est certes teinté de mélancolie, mais dans le regard brûle une petite flamme bien vivante, bien ardente. Et ce n’est pas l’irruption d’une larme (Penny Lane), qui va l’éteindre.
Bref, Elisa Tovati est une belle femme et une belle âme. Elle ne se la raconte pas. Ce n’est pas parce qu’on présente toutes les apparences du bonheur que l’on est forcément heureux. Il faut ouvrir l’enveloppe pour prendre connaissance du message. Cet album, si intime, si personnel, nous la rend encore plus proche de nous et, partant, encore plus attachante.


INTERVIEW

Quelles sont les raisons qui vous ont poussée à baptiser votre troisième album Le Syndrome de Peter Pan ?
C’est devenu une évidence au fur et à mesure que les chansons avançaient. Je n’ai rien calculé… Quand je me suis retrouvée face à ma page blanche, je savais déjà quelle direction j’avais envie de prendre. J’ai alors commencé à énumérer les thèmes qui me tenaient à cœur et que je voulais aborder et développer et je me suis rendu compte qu’il y en avait beaucoup qui se rapportaient à l’enfance. Et comme parmi les chansons retenues, il y en avait une de Bertrand Soulier qui s’appelait Le Syndrome de Peter Pan, ce titre s’est imposé pour l’album.
Pourquoi ce retour à l’enfance ?
J’avais envie d’aller fouiller dans mon passé, dans mes rêves d’enfant, envie de me dévoiler beaucoup plus que dans le précédent album. Dans Je ne mâche pas les mots, je m’étais amusée avec les hommes, j’avais joué avec les mots, avec mes tabous… Cette fois, je voulais gratter au fond et mettre le masque de côté pour présenter quelque chose de plus personnel.
Comment est née la collaboration avec Bertrand Soulier ?
J’ai eu beaucoup de mal à trouver des auteurs avec qui travailler. J’ai commencé toute seule et après je suis allée faire mon marché auprès des éditeurs. Ce n’est pas le tout de trouver quelqu’un qui écrit bien, il faut trouver la personne avec laquelle on va passer énormément de temps, à qui on va se livrer, avec laquelle on va mettre sa pudeur de côté. Il faut se plaire mutuellement car on établit une relation humaine très étroite. Aujourd’hui Bertrand est devenu mon meilleur ami, mon psy, mon confident. C’est quelqu’un qui compte pour moi. Nous avons la même sensibilité et il a compris qui j’étais vraiment.
Justement, qui êtes-vous vraiment ?
Il y a une chanson qui s’appelle La fille dans la glace dans laquelle j’essaie de faire comprendre que les gens n’ont de moi qu’une image tronquée de ma personnalité. J’avais très envie qu’ils comprennent qui j’étais vraiment. Ce n’est pas parce qu’on est comédienne, que l’on porte de jolies robes, que l’on arbore des beaux sourires à la télé, que l’on est une princesse et que tout va bien dans le meilleur des mondes. J’ai mes souffrances, mes douleurs, mes failles, mes zones d’ombre… Sans vouloir faire un album glauque, j’avais envie de présenter quelque chose d’honnête par rapport à qui je suis. C’est pourquoi j’ai mis en avant mes origines. Je voulais qu’on comprenne qu’il y avait un poids sur mes épaules qui venait de mes racines d’Europe centrale, de ma part slave. Ça renvoie à ma mémoire sensorielle et ça se traduit par un aspect hyper sensible de ma personnalité. Mais pour cela, j’ai tenu à contrebalancer la gravité du propos avec des musiques entraînantes parce que je suis quelqu’un rempli d’énergie.
Il y a un grand rapport au temps dans cet album…
Je l’ai axé sur la passé, le présent et le futur. La passé avec mes rêves d’enfance, le présent avec les chansons sur l’amour et mes doutes quant aux rapports hommes-femmes, et le futur avec un titre comme La vie devant soi qui fait que j’ai une trentaine d’années, que je me trouve à la croisée des chemins et qu’il est important de se projeter dans l’avenir car tout n’est pas fini, bien au contraire…
Alors, d’où vient cette profonde mélancolie ?
Elle a toujours été là. Quand on est pudique, on évite d’aller en télé pour pleurnicher. Surtout quand on vous demande de parler d’un film ou d’un rôle. Je suis juste un être humain comme tout le monde ! Comme j’ai la double casquette de comédienne et de chanteuse, le but lorsque je sors un disque, c’est quand même de parler de moi. Ça fait vingt ans que je suis comédienne, ce n’est pas pour encore pour jouer des personnages quand je suis chanteuse. C’est pour mettre ma vie, mes tripes, mon univers sur le tapis. C’est ma justification.
Dans Le Syndrome de Peter Pan, vous dites voir « les hommes avec des yeux d’enfant ». Comment cela se traduit-il ?
Quand on a eu deux-trois histoires d’amour qui vous ont un peu abîmée, à un moment donné, lorsqu’on redémarre une nouvelle histoire, avant d’aller plus loin, même si on a le cœur qui bat et que l’on pressent qu’il va se passer quelque chose de magique, on a juste envie de dire à l’intéressé : « Je t’en supplie, protège-moi… Avant qu’on se dise des mots, que ça devienne compliqué, sache que je vois les hommes avec des yeux d’enfant ». Il y a cette espèce de naïveté que l’on a au début d’une histoire. Et en même temps, comme on n’est plus dupe, on prévient tout de suite.
Quels sont les chansons de votre album que votre fils, Joseph, qui a 2 ans et demi, préfère ?
Il adore Il nous faut. Il la chante à tue-tête. Sinon, il aime bien Le Syndrome de Peter Pan et L’ABCD, surtout quand je chante « Ah ah ah, je voudrais un bébé avant qu’on ait cessé… ». Et il se demande qui est ce monsieur avec qui je chante Il nous faut en duo…
Finissons par le cinéma. Comme vous Chochana Boutboul a pris dix ans de plus. Que devient-elle ?
Elle est toujours mariée avec Serge Benamou, que joue José Garcia, elle a toujours Enrico Macias pour papa… Ça a été très agréable de la retrouver. Chochana, c’est un peu moi… La vérité si je mens 3 sortira le 1er février 2012. Le scénario est vraiment formidable. On s’est tous super bien entendu. C’est comme si on s’était retrouvé dans une grande colonie de vacances.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Une fille bien....

Anonyme a dit…

Dommage en live on entend des faussetés