Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 35 32 31
Métro : Gaîté / Edgar Quinet
Une pièce de Bill C. Davis
Adaptée par Jean Piat et Dominique Piat
Mise en scène par Steve Suissa
Décor de Stéphanie Jarre
Costumes d’Edith Vesperini
Lumières de Jacques Rouveyrollis
Avec
Francis Huster (Tim Farley), Davy Sardou (Mark Dolson)
Le sujet :
L’un, jeune séminariste, est impétueux et fervent ; l’autre, prêtre
installé, pratique une foi moins radicale. Leur rencontre promet un débat sur
les questions que se pose, ou devrait se poser, l’Eglise comme le sacerdoce des
femmes, l’homosexualité…
Mon avis :
Personnellement, je me suis séparé à l’amiable avec la religion vers mes 10-11
ans. Mais il n’empêche qu’étant scolarisé dans une école catholique, j’ai reçu
une solide formation et, par la suite, j’ai eu de longues conversations sur la foi
et la théologie avec des amis prêtres…
Ce préambule pour dire combien j’ai été passionné de bout en
bout par cet Affrontement entre un
prêtre « installé » dans son confort et un jeune séminariste idéaliste.
Je ne peux pas dire que j’ai suivi les débats religieusement car j’ai bien trop
souvent éclaté de rire. Rien de tel que le prisme de l’humour pour faire passer
les idées.
Cette pièce est une superbe réussite dans tous les domaines.
D’abord par son décor moderne et très classieux, tout en
tons de gris, concocté par Stéphanie Jarre. Les larges pans de murs sont
traversés par des sortes de vitraux lumineux. Sur scène, un autel austère, deux
chaises ouvragées. Côté cour se dresse une chaire au côté de laquelle une dizaine
de cierges inégaux se consument. On se sent bien dans ce décor. D’autant qu’il
se transforme à vue pour passer de l’église à l’appartement de Tim Farley. L’autel
pivote pour se métamorphoser en bureau, les panneaux coulissent pour faire
apparaître une bibliothèque ou des rayonnages plus secrets… Ce décor est
magnifié par les lumières de ce magicien de l’éclairage qu’est Jacques
Rouveyrollis… Et puis il y a la bande son, signée Alexandre Lessertisseur, qui a son importance. Des chants
religieux et un harmonium mélodieux introduisent la montée en chaire du Père
Farley. Puis, lors de chaque intermède, c’est la sublime chanson de Jeff
Buckley, Hallelujah, qui s’égrène
discrètement… Nous sommes donc placés d’emblée dans les meilleures conditions
pour écouter le sermon du prêtre…
Au cours de ce sermon construit sur le thème des « Trois
C » (les Crises du Catholicisme Contemporain), Tim Farley invite ses
ouailles à intervenir. Au milieu de remarques banales, retentit une voix claire
qui pose une question sur le sacerdoce des femmes. Décontenancé, le prêtre
demande à l’impertinent de s’avancer. Il s’agit d’un jeune séminariste, Mark
Dolson, qui est déjà précédé par une réputation d’empêcheur de prier en rond.
Lorsque les deux hommes se retrouvent face à face, le contraste est saisissant.
Tim Farley en impose dans son aube immaculée ornée de deux croix, alors que
Mark est vêtu d’un pantalon informe et d’un caban et chaussé de tennis (un peu
plus tard, il apparaîtra même en jogging). S’en suit alors une âpre discussion qui
tourne rapidement à L’Affrontement de
deux idéologies.
Alors que les deux hommes devraient en rester là et ne plus
se revoir, on s’aperçoit que Mark Dolson est l’objet d’une manigance entre
Farley et leur supérieur hiérarchique Monseigneur Burk. Ce dernier désire que
le trublion prenne auprès de son aîné « des leçons de tact et de
diplomatie »… Dès lors les deux hommes ne vont plus cesser de se voir, de
confronter leurs idées et de s’opposer dans une sorte de querelle religieuse
des Anciens et des Modernes.
Il ne faut pas en révéler plus sur le déroulement de l’action.
Les dialogues sont remarquables, vifs, ciselés. Le rythme
des échanges est enlevé, nerveux, entrecoupé deux-trois fois de plages plus
calmes lorsque les deux hommes sont dans la confidence, puis repart de plus
belle en raison d’une sale blague dont Mark Dolson est friand et dont Tim
Farley est la victime. Il y a de grands moments de drôlerie dont l’un des pics
est le tout premier sermon prononcé par notre rebelle. Son discours, humaniste
et progressiste, est dévastateur. Les « fidèles » que nous sommes devenus
par la force des choses s’en esclaffent de joie.
Ces échanges sont servis par deux comédiens visiblement
habités qui vivent et nous font vivre un grand moment de partage et de
générosité.
Francis Huster campe à la perfection et avec énormément de
finesse un prêtre cathodique qui a de la bouteille (au propre comme au figuré)
et qui est en recherche constante d’amour et de reconnaissance. Il n’est dupe
de rien, mais son confort, plus physique que spirituel, passe avant tout. Avec
la charité comme fonds de commerce, il reconnaît être devenu un maître ès
hypocrisie et un champion de la compromission Ce qui l’arrange, car dans
compromission, il y a « mission »…
Davy Sardou est la preuve vivante, dans cette pièce, que l’habit
ne fait pas le moine. C’est la quatrième fois que je le vois jouer. Il m’avait
particulièrement épaté par sa composition en Charles VII face à Jeanne d’Arc dans
L’Alouette. Ici, il franchit encore
un palier. Il ne donne jamais l’impression de jouer, il EST. Convaincant dans
tous les registres, aussi à l’aise dans l’émotion que dans la fantaisie, il est
d’un naturel confondant. Tout ce que dit son personnage, je suis convaincu qu’il
le ressent au plus profond de lui-même. Et puis il a un sourire !... Je lui
prédis une longue et belle carrière.
Je terminerai en saluant la qualité de la mise en scène de
Steve Suissa. Tout en privilégiant une certaine arythmie, il s’est beaucoup
basé sur la vivacité. Il a, c’est visible, exigé énormément de ses comédiens.
Ils sont tout le temps au cordeau. Ils ne peuvent s’autoriser aucun
relâchement. C’est de l’orfèvrerie.
Très sincèrement, je pense que le texte de L’Affrontement devrait être distribué et
étudié dans tous les séminaires.
1 commentaire:
Bonjour,
J'ai composé le premier morceau que vous avez l'air d'apprécier et fait la bande son, pourriez vous me citer dans cette très belle Critik? Par avance merci
Alexandre Lessertisseur
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