Je grandirai plus tard
Flammarion
320 pages
19,90 €
Présentation :
Pour la première fois, Elie Semoun se raconte à la première personne et revient
sur son enfance, la disparition brutale de sa mère, sa rencontre avec
Dieudonné, la naissance de son fils, le décès de son frère…
Au fil de ces rendez-vous avec lui-même, l’humoriste dresse
un bilaan à la fois drôle et émouvant de cette vie à double tranchant, et nous
fait rencontrer l’enfant qu’il n’a jamais cessé d’être.
Mon avis :
Je crois connaître bien Elie Semoun. Je l’ai interviewé une dizaine de fois,
seul et en compagnie de Dieudonné. Dans cet ouvrage autobiographique, je l’ai
retrouvé tel que je l’avais perçu, c’est-à-dire, un garçon extrêmement sensible
qui a trouvé dans l’humour une façon à la fois de se protéger et d’exister.
Sa personnalité s’est cristallisée à l’âge de 11 ans, à la
disparition de sa mère. Ne l’ayant vue qu’à l’hôpital, encore vivante, son père
ne lui apprenant son décès qu’après les obsèques, Elie n’a jamais pu réaliser
ce départ. Il n’est resté qu’un terrible manque et une folle envie de le
compenser en introduisant dans sa vie une grande part de fiction. Et, surtout,
il a fait sien l’adage affirmant que l’humour était la politesse du désespoir.
C’est d’autant plus troublant et assumé que cette citation est de Boris Vian,
un auteur qu’il adule particulièrement…
Très tôt, Elie Semoun a été un adepte des plaisirs
solitaires : la lecture, l’écriture, la chanson (Brassens, Ferré…), la
musique (le jazz, l’opéra) et, plus tard, le jardinage. Toujours pour fuir sans
doute la triste réalité, il est devenu un hyperactif. Se dépenser pour ne pas
penser, se disperser sans compter…
Elie ne sera jamais épanoui. Ou alors très tard, quand il
sera devenu vieux sans avoir été adulte (merci Jacques Brel). Il aura toujours
en lui la hantise de l’abandon et de la trahison, un besoin viscéral de
reconnaissance, il sera toujours perclus de doutes, il cherchera toujours où
est sa véritable place… Mais de tous ces handicaps, il a fait une force. C’est
ce qui le fait avancer. C’est ce qui le propulse sur scène. Les rires et les
applaudissements qu’il reçoit agissent sur son âme inquiète comme le plus doux
des baumes… S’il n’a peut-être pas encore réalisé l’étendue de sa réussite, de
son succès, c’est parce qu’il possède l’orgueil des timides. Il devrait en être
satisfait, mais il en veut toujours plus.
Il ressort à la lecture de cet ouvrage, dont il faut saluer
la justesse d’un titre qui en dit long, une rencontre avec un personnage formidablement
attachant. Elie Semoun se raconte avec une totale sincérité, sans faux-fuyants, sans compromission.
Dans sa vie, les larmes ont sans cesse côtoyé le rire. Il en
faut du caractère pour accepter les drames qui l’ont jalonnée. Touchant de tact
et d’humilité, il s’en excuserait presque. Il nous en parle parce qu’ils ont
bien eu lieu, mais ça le gêne visiblement. Pourtant, il s’est véritablement
construit avec cette adversité. Elie a su se partager entre l’ombre et la lumière,
entre la discrétion et l’exposition, entre la solitude et la ferveur du public.
Pas facile de gérer toutes ces contradictions quand on est un grand sentimental…
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