jeudi 5 mars 2015

Jean-Luc Lemoine "Si vous avez manqué le début..."

Le Grand Point Virgule
8bis, rue de l’Arrivée
75015 Paris
Tel : 01 42 78 67 03
Métro : Montparnasse

Seul en scène écrit et interprété par Jean-Luc Lemoine
Mise en scène d’Etienne de Balasy

Présentation : Enfin, il revient !
Pour ceux qui le suivent depuis ses premiers one man shows et lui réclamaient un nouveau spectacle, , mais aussi pour tous les autres, ceux qui l’ont découvert dans Touche pas à mon poste et rêvaient de le voir sur scène. Mais comment faire pour contenter tout le monde sans tomber dans le best of paresseux, ni priver son nouveau public des sketches qui ont fait sa renommée ?
Jean-Luc Lemoine a tranché : il va vous concocter un patchwork de morceaux choisis réactualisés, et d’inédits dont lui seul a le secret. Avec des personnages parfois inquiétants, souvent décalés mais toujours justes.

Mon avis : Pour sans grand retour sur scène après trois ans d’absence, Jean-Luc Lemoine n’a pas lésiné sur les moyens : il s’offre – et nous offre – une entrée digne d’une rock star avec grands renforts d’effets stroboscopiques et de guitares saturées. Pourtant, il n’a pas vraiment le look d’un hard-métalleux. Mais le ton est donné. Le spectacle va être rock’n’roll.
Jean-Luc Lemoine a son public, plutôt jeune ; des gens qui, visiblement, le suivent et l’apprécient à la télévision et à la radio.

Jean-Luc Lemoine est un impertinent, un fin observateur du petit monde qui l’entoure. On voit bien qu’il n’est pas encore presbyte parce qu’il y voir très, très bien de près. Il  n’aime rien tant que de mettre sa loupe déformante sur les dysfonctionnements de notre environnement immédiat. Ce n’est pas lui qui va parler du Cac 40 ou du recyclage des bouses de yack en Mongolie occidentale. Son truc à lui, c’est de repérer les incohérences, les aberrations, les cocasseries qui ponctuent notre quotidien. Il stigmatise avec malice la connerie ambiante et les comportements insolites ou moutonniers. Il remarque des choses que nous ne voyons pas toujours, mais dès qu’il les énonce, elles nous sautent aux yeux comme des évidences. En gros, il se complaît à nous mettre le nez dans notre caca mental.


Le début de son spectacle est un peu disparate, voire chaotique. Il a le ton tâtonnant comme s’il quittait un chenal avant de prendre son rythme de croisière. Il nous la joue d’abord donneur de leçons, tendance mégalo. En clair, il s’instaure carrément en « sauveur du monde ». A ce moment-là, dans sa tête, il porte le slip rouge vif de Super(Le)moine. Mais tout ceci n’est en réalité qu’un clin d’œil, histoire de nous chauffer un peu. Est-il facétieux, le bougre !
Très vite, en effet, il retrouve son naturel et sa formidable faculté à décortiquer la bêtise humaine de proximité. Il dégomme avec le sourire et la voix douce (ce sont les plus dangereux). Son flingue n’est chargé que de balles en caoutchouc. Non seulement, à l’instar du ridicule, elles ne tuent pas, même si elles peuvent faire un peu mal à ceux qui sont visés, mais elles rebondissent efficacement dans notre esprit. Pan sur les réseaux sociaux, pan sur la mode narcissique et affligeante des selfies, pan sur Internet grand propagateur de connerie(s), pan sur Twitter, pan sur les tatouages. Dans ce registre, il se contente d’être taquin.


Et puis, progressivement, il commence à monter en puissance. La satire prend de la hauteur et de l’épaisseur. Il ne fait que monter en puissance. L’impertinence se teinte de cynisme. Il oppose les losers et les winners avec, entre les deux, les manipulateurs. Et il se lance, avec Leader Price en tête de gondole, dans l’apologie du « presque ». Ce qui lui permet de placer habilement un couplet misogyne qui fait méchamment miauler les spectatrices. Après s’en être benoîtement gargarisé, il se fait pardonner en déglinguant l’homme « presque bien ». Match nul.
Pa rapport à ses spectacles précédents, celui-ci est construit d’environ deux-tiers de stand-up pour un tiers de sketches. Pour moi, c’est dans ce dernier registre qu’il est le meilleur (même si le reste est d’un très bon niveau). La force du sketch, c’est qu’il installe un personnage et que ce personnage, on peut le garder en mémoire. Comme, par exemple, ce comédien raté converti en animateur de centre commercial, son agressive veste rouge flashy, et ses annonces improbables. Tous ses sketches sont vraiment bien écrits et bien joués.
Il y a encore des tas de choses dont on pourrait parler. Des choses vraiment réjouissantes. Mais mieux vaut en laisser la surprise. Car c’est vers la fin qu’il va le plus loin et ose enfin aborder des thèmes plus généralistes comme la religion ou le racisme. Dans ce dernier domaine, il sait de quoi il parle, puisqu’il évoque son hérédité vietmayenne.

Jean-Luc Lemoine a réussi son retour sur scène. Il est toujours aussi grinçant, aussi piquant. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le sourire qu’il arbore sur son affiche est symboliquement accentué par un gros piment rouge. A travers ce filtre, ses propos ne sont jamais fades, mais toujours relevés et systématiquement épicés.


Gilbert « Critikator » Jouin

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