Théâtre La Bruyère
5, rue La Bruyère
75009 Paris
Tel : 01 48 74 76 99
Métro : Saint-Georges /
Pigalle
Comédie dramatique de
Jean-Philippe Mestre
Adaptation de Bernard Lanneau
Mise en scène par Pascal Vitiello
Lumière de Jean-Michel Bianchi
Avec Bernard Lanneau (Jean-Paul
II) et Michel Bompoil (Antoine Vitez)
Présentation : Le 28 juillet 1988, la Comédie Française
donnait une représentation privée du Mystère
de la Charité de Jeanne d’Arc, de Charles Péguy, devant le pape Jean-Paul
II, dans les jardins du Palais Apostolique de Castel Gandolfo. Antoine Vitez,
qui venait juste d’être nommé administrateur général du premier théâtre
national de France, avait tenu à être du voyage.
A l’issue de la représentation,
chaque participant fut présenté au pape et, contrairement au protocole qui
prévoyait un rapide départ, Jean-Paul II s’attarda au milieu d’eux, entamant de
multiples conversations, générales et particulières, sur le spectacle lui-même,
la théologie de Péguy et l’art dramatique. Ces nombreuses réflexions furent
enregistrées par Jean-Philippe Mestre, romancier et grand reporter au Progrès de Lyon. Lui vient alors l’idée,
à propos de l’échange spécifique entre le pape et Antoine Vitez, de se
replonger dans l’œuvre écrite de chacun et d’imaginer un dialogue.
Mon avis : Ici, le mot « rencontre » peut être pris
dans son sens sportif. Nous assistons en effet à une sorte de match de tennis entre
deux athlètes de très haut niveau, mais aux styles très différents. L’un,
Antoine Vitez, est plutôt un attaquant, qui cherche incessamment la faille et
tente de placer des smashes dévastateurs. Le second, Jean-Paul II s’avère être
un joueur de fond de court capable de renvoyer la balle inlassablement jusqu’à
épuisement de son « adversaire ». Il se permet toutefois lui aussi
une montée au filet inattendue en extrayant de sa soutane une belle neuve
appelée « communisme »… Le match est superbe, âpre, très technique, riche
en échanges soutenus entre deux hommes qui, avant tout, sont très respectueux l’un
de l’autre. Ce qui ne les empêche pas, l’un comme l’autre, de vouloir arracher
une victoire au tie-break.
Oublions un instant la métaphore
sportive. Rencontre à Gandolfo est un
débat d’une très haute tenue. Sur le plan des arguments, les deux hommes sont
sacrément outillés. S’ils ont en commun l’amour du théâtre, ils n’en ont pas du
tout la même approche. Le pape est dans l’idéologie alors que Vitez s’attache
plus à l’acteur, un acteur que l’Eglise a longtemps excommunié en raison de son
assimilation avec ses rôles et d’un mode de vie qui heurtait ses principes. Ça,
Vitez l’a en travers de la gorge.
Puis, la conversation prend
encore plus de hauteur, oscille entre l’histoire de l’Eglise, la philosophie,
la politique. Vitez a beau jeu en sortant des arguments qui tuent comme l’inquisition,
les crimes au nom de la religion, les turpitudes de Michel-Ange ; il
ironise surtout sur les fastes et les pompes de l’appareil pontifical, il
stigmatise les signes extérieurs richesses du Vatican et de la résidence de Castel
Gandolfo… Touché mais pas coulé devant des faits irréfutables, Jean-Paul II a
recours aux pirouettes. Il se dédouane en affirmant ne pas être responsables
des erreurs de ses prédécesseurs. Mieux encore, il assure que c’est justement
en corrigeant ces erreurs du passé que l’Eglise tend à devenir « infaillible ».
Il faut l’oser cette justification ! On n’ira pas jusqu’à prétendre que là,
le Saint Père est de mauvaise foi…
De son côté, Antoine Vitez admet
être totalement imperméable à la notion de foi. Le pape s’engouffre alors dans
la faille en lui rappelant son adhésion au parti communiste. A son tour, l’administrateur
de la Comédie Française essaie tant bien que mal de présenter sa défense. Il
persiste dans sa défense du communisme en dépit des crimes commis en son nom.
Mais, magnanime, le pape ne pousse pas plus loin son avantage. Il en vient même
à confesser : « Je doute de moi souvent, mais jamais de ma tâche »…
Puis il accorde son absolution à Vitez en lui assénant sur un ton empreint de
sympathie : « Finalement, vous êtes un croyant de l’incroyance »…
Si ça ne n’est pas de la miséricorde…
Il est impossible que ces deux
hommes puissent tomber d’accord sur le fonds de leurs engagements respectifs,
mais un seul point les rassemble cependant : un sincère et profond amour
de l’humanité (et là, je ne parle pas du journal !)
Pour moi, la Rencontre à Gandolfo se termine par un match nul entre deux hommes
dont l’honnêteté des convictions ne peut être mise en doute un seul instant.
En tout cas, je suis convaincu d’une
chose : si l’on est croyant en entrant dans la salle, on en ressort
toujours croyant ; et si l’on est athée, on en ressort tout aussi athée…
Gilbert « Critikator »
Jouin
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