Atletico/Epic/SCPP/Sony Music
Billet de Femme est un album à part dans la discographie de Pascal
Obispo. Il est important pour lui autant sur un plan personnel et sentimental
qu’artistique.
Parmi les affaires de son père
Max décédé en novembre 2012, Pascal a découvert quelques ouvrages. Après une
carrière de footballeur professionnel, son père s’était en effet passionné pour
la littérature… Pour quelle raison obscure s’est-il mis plus particulièrement à
feuilleter un recueil de poèmes de Marceline Desbordes-Valmore(*) ? Toujours très
affecté par la disparition de cet homme qu’il aimait et admirait, Pascal était
à ce moment-là dans un état d’extrême sensibilité. Il était encore plus réceptif
que d’habitude. Les mots de Marceline lui sont allés droit au cœur. Ces poèmes
ont symbolisé pour lui une forme de legs transmis surnaturellement. Il les a matérialisés
comme une passerelle subliminale, un passage de témoin le reliant à son
géniteur. Pascal, on le sait, a l’art de transformer en musique ses sensations
les plus fortes, les plus intimes même. Il s’est soudain senti comme missionné.
Il avait alors le cœur débordant d’amour. Or, tous les mots de Marceline ne
parlaient que d’amour. La synthèse s’est imposée d’elle-même et sa projection musicale
en a été le prolongement artistique.
J’ai reçu Billet de Femme comme un album-concept. On peut utiliser le mot « œuvre »
pour le qualifier. Je suis convaincu que ce disque restera à part dans sa
carrière. Jamais un CD de Pascal Obispo n’a été aussi homogène.
Je vais être franc. En fait, pour
la première fois, je ne me suis pas attaché aux mots. Mais j’ai profondément
aimé la sonorité qu’ils dégageaient. Cet album est un tout. Rien n’est
indissociable. Sublimées par les arrangements de Jean-Claude Petit, les
compositions de Pascal Obispo appartiennent au domaine de la symphonie. Les
cordes, omniprésentes, absolument majestueuses, y prennent une part
prépondérante. J’insiste, cet album est un tout. On le prend dans sa globalité.
La voix de Pascal, très en avant, avec sa diction parfaite, n’a jamais été
aussi mélodieuse. Il privilégie le souffle, le murmure. On le sent habité,
investi. Il privilégie la sensibilité autant qu’il soigne l’esthétique.
Plus j’écoute Billet de Femme, plus je l’apprécie,
plus j’y découvre des merveilles de subtilités comme, par exemple, ces vois
doublées dans S’il avait su ou Le serment.
Cet album est celui d’un homme et
d’un artiste libres, en état de grâce, en pleine possession de sa formidable créativité.
Même s’il est un tout, je ne peux
m’empêcher d’extraire de cet album les pépites qui m’ont le plus touché. Je vous
les livre dans mon ordre préférentiel :
1/ Sans l’oublier (rythmé et lancinant. Superbe arrangement)
2/ Qu’en avez-vous fait ? (quelle ballade, quel piano !)
3/ Le dernier rendez-vous (très gainsbourien dans l’esprit)
4/ Je ne sais plus (quel climat !)
5/ Le soir
6/ Un billet de femme
On peut aussi se pencher sur le
choix des titres des poèmes retenus. Il y a dans leur énumération un double niveau
de lecture avec lequel on peut s’amuser. L’aspect subliminal que j’évoquais
plus haut prend alors tout son suc. Il y a un côté alchimiste là-dedans. Jugez
plutôt :
C’était sans doute Le soir, Je ne sais plus, – On me
l’a dit -, Pascal Obispo avait avec son père un Dernier rendez-vous. Par poétesse interposée, son père semblait lui
murmurer Je vous écris ; il ne faut
pas que ce Billet de femme reste un Secret perdu ». S’il avait su comment son fils s’en inspirerait,
il n’aurait pas eu à lui demander « Qu’en
avez-vous fait ? ». Sans l’oublier,
avec cet œuvre, Pascal ne lui dira Jamais
adieu, il lui en a fait Le Serment
phonographique.
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