La
Pépinière Théâtre
7, rue Louis Le Grand
75002 Paris
Tel : 01 42 61 44 16
Métro : Opéra
Une pièce écrite et mise
en scène par Alexis Michalik
Avec Jeanne Arènes
(Jeanne), Bernard Blancan (Ange), Alice de Lenquesaing (Alice), Paul Jeanson
(Richard), Fayçal Safi (Kevin)
Musicien : Raphaël
Charpentier
Présentation :
Richard, un metteur en scène sur le retour, vient dispenser un premier cours de
théâtre en prison. Il espère une forte affluence, qui entraînerait d’autres
cours - et d’autres cachets -, mais seuls deux détenus se présentent :
Kevin, un jeune chien fou, et Ange, la cinquantaine mutique, qui n’est là que
pour accompagner son ami. Richard, secondé par une de ses anciennes actrices –
accessoirement son ex-femme - et par une assistante sociale inexpérimentée,
choisit de donner quand même son cours…
Mon
avis :
Je me plais à penser que, quand il était petit, Alexis Michalik était féru de
Meccano et de puzzles. Ce serait une explication rationnelle pour essayer de
traduire ce qui se passe dans son cerveau lorsqu’il imagine la conception d’une
pièce. En effet, il n’adore rien tant que d’ajouter un élément à un autre,
élément qui, a priori, ne devrait pas s’emboîter avec le précédent mais qui, à
l’arrivée, constitue un objet où tout se tient impeccablement. Il possède un
esprit labyrinthique dans lequel il aime jouer à se perdre (et surtout à NOUS
perdre) alors qu’il sait parfaitement comment gagner la sortie. Oui,
visiblement, il aime jouer. Jouer dans toutes les acceptations du terme. C’est
un pervers ludique, un sadique réjouissant, un vicelard jubilatoire.
Intra muros
est la première pièce d’Alexis Michalik à laquelle j’assiste. En raison du
mauvais vouloir d’un attaché de presse incompréhensiblement récalcitrant, je
n’avais pas eu le bonheur de voir Le
porteur d’histoire, Le cercle des
illusionnistes et Edmond. Je suis
tellement prétentieux que j’aime bien découvrir les artistes et les dramaturges
à leurs tout débuts, pénétrer dans leur univers, l’analyser et, ensuite, les
suivre tout au long de leurs aventures successives. Bien sûr, je blague. Je
suis suffisamment fataliste pour admettre l’adversité…
C’est donc avec une
réelle curiosité et une agréable excitation que je me suis rendu à La Pépinière
Théâtre pour goûter enfin à du Michalik. J’ai vite compris ce qui faisait le
succès du bonhomme. En fait, il aime bien nous embrouiller. D’abord en traitant
plusieurs thèmes à la fois (le théâtre, l’enfermement, l’absence de communication,
la filiation, la réinsertion…). Ensuite, en jonglant avec le temps, avec
aujourd’hui et hier, en imbriquant la fiction avec la réalité. Et enfin, en
nous faisant sans cesse passer du rire à l’émotion et réciproquement… Il est
retors, le bougre, il faut le suivre. De toute façon, on n’a pas le choix, il
nous emmène là où il veut avec, en permanence, le désir de nous surprendre et
de nous captiver. Et dans « captiver », il y a aussi
« captif ». Nous sommes pris en otages et, victimes du syndrome de
Stockholm, heureux de l’être. C’est vrai, quand on commence à réaliser comment
tous les chemins qu’il nous a fait emprunter se rejoignent, quand on découvre
que les pièces apparemment disparates de son puzzle se juxtaposent admirablement,
bref, quand on a réuni toutes les ramifications et que l’on comprend enfin qui
est qui, on est à la fois bluffé et admiratif. Quelle belle et machiavélique
histoire de destins croisés !
Certes, il y a quelques
petites longueurs (c’est le défaut pardonnable inhérent à tout auteur trop
prolifique), mais Intra muros est une pièce extra. Avec ses rebondissements et sa
construction démoniaque, elle m’a fait penser aux meilleurs romans noirs et aux
pièces policières de Frédéric Dard.
La mise en scène est
maline et efficace. Avec sa succession de saynètes plus ou moins longues, le
découpage est inventif et rythmé. Pour faire contre-poids avec quelques scènes
réellement éprouvantes, Michalik a intercalé quelques plages de détente et
glissé de francs moments de drôlerie. Ainsi, dans la salle, l’atmosphère,
particulièrement tendue, est souvent transpercée par un éclat de rire. On est
surtout fréquemment happé par l’émotion, une émotion positive parce que cette
pièce touche profondément à l’humain… Et puis la fin est magistrale,
étourdissante. C’est là qu’il nous donne le coup de grâce alors qu’on pensait
avoir tout compris. Soudain, le jeu prend le pas sur la réalité, la fiction se
substitue à la vérité. C’est la magie du théâtre, le bon plaisir d’un auteur
qui se complaît à jouer les illusionnistes, d’un authentique porteur
d’histoire…
Enfin, Alexis Michalik
est secondé dans son exigence théâtrale par un quintette de comédiens
absolument fascinants. Ils sont tous épatants. L’auteur leur a distribué à
chacun(e) son moment de bravoure. On est complètement transporté à chaque fois.
Le monologue de Kevin (Fayçal Safi), par exemple, m’a littéralement pris aux
tripes. Il y a des scènes d’une rare intensité (la rencontre entre Kevin et son
petit frère). Chaque prestation confine à la performance d’acteur. L’abattage
de Jeanne Arènes qui incarne plusieurs personnages féminins est impressionnant.
Ils sont vraiment parfaits tous les cinq. Les rôles, tous évolutifs, sont totalement
incarnés. On ne ressent que de la tendresse pour eux. Quelles belles
personnes ! Et quels acteurs !!!
Gilbert
« Critikator » Jouin
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