Studio Hébertot
78bis,
boulevard des Batignolles
75017
Paris
Tel :
01 42 93 13 04
Métro :
Villiers / Rome
Une
pièce de Jeffrey Hatcher
Adaptée
par Véronique Kientzy
Mise
en scène par Anne Bouvier
Décor
de Charlie Mangel
Lumières
de Denis Koransky
Costumes
de Mine Vergez
Musique
de Raphaël Sanchez
Avec
Sylvia Roux (Mademoiselle Fischer), Jean-Pierre Bouvier (Pablo Picasso)
Synopsis :
1941. Paris est occupé.
Pablo
Picasso est convoqué par Mademoiselle Fischer, attachée culturelle allemande,
dans un dépôt où sont entreposées des œuvres d’art volées aux Juifs par les
Nazis… Il doit identifier parmi elles trois de ses propres tableaux pour
permettre à la propagande allemande d’organiser une exposition d’« Art
Dégénéré » dont le point d’orgue sera un autodafé. Telle est la terrible
mission confiée à la jeune femme dans le face à face qui l’oppose à l’artiste.
Comment
Picasso va-t-il empêcher la destruction de ses tableaux ? Quels arguments
peut-il employer pour faire échec à cette entreprise honteuse ? Certes, Mademoiselle
Fischer est acquise à la cause nazie, mais pour autant elle a du mal à cacher
la fascination qu’exerce sur elle la beauté des œuvres du maître.
Débute
alors un affrontement tout en séduction, ruse, violence et ambiguïté dans
lequel le peintre sait, qu’au-delà de lui-même, se joue un combat essentiel :
la défense de la liberté de l’artiste face à la barbarie totalitaire qui,
toujours, cherche à la détruire…
Mon avis :
Cette pièce est un superbe mano a mano entre deux grands fauves, Madame Fischer
et Pablo Picasso. Elle, c’est un animal à sang froid ; lui, c’est un buffle
bouillonnant… En clair, nous assistons à un affrontement entre le feu ibère et
la glace teutonne. L’opposition va être âpre et tendue.
Tous
les éléments sont réunis pour qu’il y ait conflit. Madame Fischer est
allemande. N’oublions pas que nous sommes en 1941. Le pouvoir nazi est à son
apogée. Madame Fischer est Allemande. Elle se sent investie des pleins
pouvoirs. Elle a la force avec elle. D’ailleurs, la Gestapo monte la garde à l’entrée
de l’entrepôt. Pour arriver à ses fins, elle peut ainsi se montrer cassante,
abrupte, autoritaire. Le problème, c’est qu’on ne peut imposer quoi que ce soit
à un individu comme Picasso.
Lui,
la guerre, il s’en fout. D’abord, il n’est même pas Français. C’est un exilé
espagnol. Il n’est donc pas directement impliqué. Il ne réagit qu’en artiste et…
en homme qui ne veut pas se laisser dicter sa conduite par une femme. C’est un
des ressorts de la pièce. Le Pablo est non seulement très imbu de sa personne
et de son immense talent, mais c’est aussi un sacré misogyne. C’est un taureau.
Il ne cherche pas à esquiver, il fonce droit vers la muleta que cette torera
fasciste agite devant son mufle fumant. Il n’est pas question pour lui de se
laisser dominer par une représentante du sexe faible, fût-elle protégée par son
statut d’occupante.
Ce
face-à-face est passionnant. Il repose essentiellement sur des dialogues
mordants, incisifs, drôles parfois, et sur deux comportements et deux mentalités diamétralement
opposés. Autant Madame Fischer est rigide, cassante, sûre d’elle et de ce qu’elle
représente, autant Picasso est rebelle, bougon et fougueux. S’appuyant sur un
fonds historique solide (le texte est émaillé de nombreuses anecdotes et
informations passionnantes), cette pièce, intelligente, est vraiment prenante. La
bagarre est aussi intense sur le plan physique que psychologique. La tension va
croissant. Un Picasso est un véritable
suspense, un savoureux poker menteur qui nous tient en haleine jusqu’à la fin.
Gilbert "Critikator" Jouin
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