mardi 9 février 2010
L'autre Dumas
Un film de Safy Nebbou
Adaptation de Safy Nebbou et Gilles Taurand
D’après la pièce « Signé Dumas » de Cyril Gély et Eric Rouquette
Avec Gérard Depardieu (Alexandre Dumas), Benoît Poelvoorde (Auguste Maquet), Dominique Blanc (Céleste Scriwaneck), Mélanie Thierry (Charlotte Desrives), Catherine Mouchet (Caroline Maquet), Philippe Magnan (Le ministre Guizot), Florence Pernel (Ida Ferrier-Dumas), Michel Duchaussoy (le sous-préfet Crémieux), Roger Dumas (monsieur de Saint-Omer)…
Sortie le 10 février 2010
Ma note : 7/10
Synopsis : Alors qu’Alexandre Dumas et Auguste Maquet, son nègre littéraire, sont au sommet de leur collaboration, Maquet décide de se faire passer pour Dumas afin de séduire Charlotte, une admiratrice de l’illustre écrivain. Entre les deux hommes, l’affrontement est inévitable…
Mon avis : Ce qui passionnant dans ce film, c’est l’antagonisme entre les deux hommes. Autant Dumas est truculent, jouisseur, baffreur, baiseur, fier de lui et sans aucun complexe, autant Maquet est discret, effacé, coincé, fragile, timoré et raisonnable. Le film repose entièrement sur cette opposition entre un génie et un plumitif besogneux. Et la directrice de casting a réalisé le choix parfait en associant ainsi Depardieu et Poelvoorde. C’est simple, Depardieu EST Alexandre Dumas. Il en possède naturellement toute la démesure, l’emphase, les certitudes. Depardieu est magistral dans cette composition. Désormais, il sera difficile d’imaginer un autre comédien dans la peau du célèbre écrivain… Quant à Poelvoorde, il trouve en Auguste Maquet le genre de rôle pour lequel on ne pense pas automatiquement à lui. La performance est d’ailleurs là : Poelvoorde est tout au long du film dans la retenue, dans la sobriété. On ne l’a jamais vu ainsi et ça devrait ouvrir les yeux à d’autres réalisateurs. Poelvoorde n’est pas qu’un pitre, il dispose d’un tel éventail de jeu qu’il peut tout interpréter et se montrer parfaitement crédible.
Il nous fait pitié, on a tellement envie qu’il entre à son tour dans la lumière, que ce soit en littérature, en famille, ou en amour. Mais plus Dumas est tyrannique envers lui, plus il se replie sur lui-même. Ses rares tentatives de révolte sont si timides qu’on les sait d’avance vouées à l’échec.. Or, quand naît le quiproquo, lorsque Charlotte le prend pour Dumas et qu’il croise pour la première fois un regard admiratif posé sur lui, lui, l’honnête homme, il va mentir pour la première fois de sa vie. Pourtant on voit bien qu’il le regrette immédiatement. Mais il est monté dans le wagonnet du Grand huit et, prenant de la vitesse, il ne pourra plus en descendre. Poelvoorde, à l’égal de Depardieu, est formidable de justesse. En comédie, il n’est pas le nègre de Depardieu, il est à son niveau.
Ce qui est bien dans la réalisation de Safy Nebbou, c’est qu’il restitue également fort bien la relation très forte qui existe entre les deux hommes. Si Maquet éprouve visiblement une grand admiration pour son maître ès lettres, Dumas ne peut s’exprimer avec toute sa force qu’en présence de son vassal. Il lui.est nécessaire. Maquet est son filtre, le prisme à travers lequel il son imaginaire prend toute sa dimension. En fait, ils ont viscéralement besoin l’un de l’autre. Les deux profils psychologiques sont vraiment bien dessinés.
Mais il n’y a pas que ce formidable duo dans ce film. Il y a aussi de remarquables personnages féminins. Dominique Blanc tient son rôle avec finesse. A travers son jeu tout en malice, elle nous permet de mesurer combien Céleste est une femme très intelligente. Il faut qu’elle le soit pour exister au côté de ce monstre de Dumas. C’est un bonheur que de voir toutes les nuances qui s’étalent sur sa palette… Mélanie Thierry là encore ne fait que confirmer son évidente présence. Elle campe une Charlotte exaltée, volubile, enjouée ; c’est un véritable rayon de lumière… Catherine Mouchet, sans jamais en rajouter, donne à madame Maquet toute son autorité et son austérité. Ces trois femmes, chacune dans son registre, apportent une belle dimension humaine à ce film.
Sinon, au-delà de la confrontation entre Dumas et Maquet, on profite de la beauté de paysages normands parfaitement mis en valeur et la fête costumée donnée au château de Dumas est un grand moment de cinéma.
L’autre Dumas c’est du beau, du bon, du grand cinéma. Un film de comédiens, un film au casting impeccable. Autant Depardieu est énorme, autant Poevoorde est émouvant. L’ombre et la lumière… La vie, quoi !
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