vendredi 12 octobre 2012

La Rose Tatouée


Théâtre de l’Atelier
1, place Charles Dullin
75018 Paris
Tel : 01 46 06 49 24
Métro : Anvers / Pigalle / Abbesses

Une pièce de Tennessee Williams
Mise en scène par Benoît Lavigne
Texte français de Daniel Loayza
Décor de Laurence Bruley
Costumes de Tim Northam
Lumières de Stéphanie Daniel
Musique composée par La Manufacture Sonore
Avec Cristiana Reali (Serafina), Rasha Bukvic (Alvaro), Léopoldine Serre (Rosa), Monique Chaumette (Assunta), Grétel Delattre (Estelle Hohengarten/Miss Yorke), Estelle Doré (Violetta), Bérangère Gallot (Peppina), Jean-Yves Gautier (le Père de Leo), Martin Loizillon (Jack), Sandrine Molaro (Bessie), Sophie Nicollas (Giuseppina), Nicolas Pujolle (le Docteur/le Vendeur), Herrade von Meier (Flora)

L’histoire : La Rose Tatouée est un hommage à tous les cœurs qui battent malgré leurs cicatrices. C’est une histoire des amours et des désirs, une pièce à fleur de peau, imprévisible, sensuelle et comique.
L’histoire d’une passion renaissant de ses cendres, un improbable coup de foudre entre deux solitudes dans la moiteur torride de La Nouvelle-Orléans : Serafina, veuve sicilienne volcanique, et Alvaro, camionneur aussi viril que clownesque.
La Rose Tatouée danse sur un fil menant des larmes au rire. Une œuvre joyeuse et poétique, débordant de couleur et de généreuse fantaisie.

Mon avis : La toute première sensation que l’on perçoit à l’ouverture du rideau, c’est une très agréable odeur de bois. En effet, la demeure de Serafina est une sorte de chalet et il exhale les planches fraîchement découpées… la maison est située dans le quartier sicilien de La Nouvelle-Orléans. Et ça parle italien à tout bout de champ.
La toute première phrase qui est prononcée, c’est « Il y a de la sauvagerie dans l’air ». Cette impression prémonitoire émane d’Assunta, que tout le monde appelle affectueusement « la Vieille ». On se doute donc que l’histoire qui va se dérouler sous nos yeux va être d’une grande intensité dramatique. Or, jamais je n’ai ressenti la moindre « sauvagerie » à quel moment que ce soit dans la pièce. En revanche, ce qui s’en dégage de façon omniprésente, ce sont l’amour, la passion, la sensualité.

La Rose Tatouée m’a laissé un sentiment mitigé difficile à expliquer. Comment dire ? On se sent comme sur une route de demi-montagne avec ses portions de faux-plats entre deux crêtes. En clair, c’est inégal. Aux petits moments d’ennuis succèdent de formidables passages de pure comédie… Déjà, les premières vingt minutes, dites d’exposition, sont un peu longuettes. Heureusement, déjà, on repère la présence pétillante de Rosa, la fille de Serafina. On la devine dotée d’un sacré tempérament. Alors, comme le reste est en demi-teinte, on focalise son attention sur elle. Pleine de fougue et de vitalité, Rosa est la digne fille de sa mère. Un même sang sicilien coule dans leurs veines. Elles portent en elles toute l’exubérance latine avec ses excès démonstratifs dans la joie comme dans la douleur.

Au début la pièce, tout va bien. Serafina est heureuse, elle file le parfait amour depuis plus de dix ans avec son camionneur de mari. Elle en attend même un deuxième enfant. Elle est joyeuse, maternelle, travailleuse et rêve à une vie encore meilleure. Grâce aux ressources résultant du petit trafic auquel se livre son bonhomme, l’avenir lui sourit… Hélas, cette félicité va être brutalement interrompue par l’assassinat de son époux…
On retrouve Serafina trois ans plus tard. Elle est éteinte. Elle n’est plus que l’ombre de la flamboyante jeune femme. C’est un véritable zombie, elle est renfrognée, atone et, surtout, particulièrement acariâtre avec Rosa. Et, vu le caractère de la jouvencelle, il y a de l’orage dans l’air…

Et soudain, la pièce prend une toute autre dimension. On entre de plain-pied dans la commedia dell’arte avec l’entrée en scène d’Alvaro. On change totalement de registre. La petite chronique un peu monotone fait place à une désopilante arlequinade. Quel numéro il nous fait le Rasha Bukvic ! Avec son visage élastique et particulièrement expressif, très à l’aise avec son corps, c’est un mélange de Roberto Benigni et de Pierre Richard. Il est à la fois emprunté, quasi simplet, et enthousiaste, envahissant, pressant. Il est uniquement dans le premier degré. Normal après tout puisqu’il se revendique « petit-fils de l’idiot du village »… La scène de la rencontre entre Serafina est lui est un bonheur de drôlerie et d’originalité. Enfin, Cristiana donne sa pleine mesure. On retrouve sa formidable générosité, son grain de folie, son jusqu’auboutisme. En même temps, elle démontre toute l’étendue de sa palette de jeu.
Jusqu’à la fin, on va s’amuser devant leur jeu de séduction maladroit. On frise le vaudeville, et on y prend énormément de plaisir.

En résumé, La Rose Tatouée est un patchwork, une mosaïque de scènes juxtaposées d’un effet dissymétrique. Heureusement, comme on reste sur notre fin, on sort du théâtre de l’Atelier avec la banane, et c’est le plus important.
Niveau comédiens, outre la performance époustouflante et enchanteresse de Rasha Bukvic, la confirmation du talent frais et explosif de Léopoldine Serre (déjà remarquée et remarquable dans Sunderland), l’éventail de jeu impressionnant de Cristiana Reali, j’ai beaucoup aimé la prestation pleine de finesse de Martin Loizillon, dans le rôle de Jack, le soupirant de Rosa.
Enfin, la bande-son tient une place importante car elle reflète la vie extérieure avec ses bruits de moteurs de camions, ses trains qui passent, la musique qui rythme La Nouvelle-Orléans…

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