Théâtre La Bruyère
5, rue La Bruyère
75009 Paris
Tel : 01 48 74 76 99
Métro : Saint-Georges
Une pièce de Renaud Meyer
Mise en scène de Renaud Meyer
Décor de Jean-Marc Stehle
Costumes de Dominique Borg
Chorégraphie de Lionel Hoche
Lumières d’Hervé Gary
Avec Sara Giraudeau (Zelda Fitzgerald), Julien Boisselier
(Scott Fitzgerald), Jean-Paul Bordes (Ernest Hemingway) et le Manhattan Jazz
Band
L’histoire :
Lorsqu’il rencontre Zelda, Scott Fitzgerald est persuadé qu’elle est venue au
monde pour incarner l’héroïne de ses romans. La garçonne délurée se laisse
séduire par le dandy ambitieux. Ils deviennent le couple mythique des années
20… Ernest Hemingway fait alors son entrée. Il devient le confident passionné,
le frère de littérature, le partenaire des fêtes sans fin magnifiées dans Gatsby.
Mais cette course débridée, lancée par les enfants terribles
du jazz, tourne subitement au drame. A l’image de l’Amérique, le couple
Fitzgerald est emporté par la dépression…
Mon avis :
Inutile d’ouvrir mon dictionnaire des synonymes pour essayer d’y trouver les
épithètes les plus dithyrambiques afin de tresser des louanges à la prestation
magistrale de Sara Giraudeau dans Zelda
et Scott… Sur les sept pièces qu’elle a jouées, c’est la sixième fois que
je la vois sur scène et, à chaque fois, elle m’a émerveillé. Non seulement la
drôlesse a hérité de la somme du talent de ses admirables parents, mais elle y
ajoute sa personnalité avec des qualités qui lui sont propres, comme la
fraîcheur, la grâce, l’audace. Quel chemin parcouru en huit ans depuis Les monologues du vagin et La Marche du pingouin ! Sa présence
à l’affiche d’une pièce est la garantie d’un plaisir incommensurable pour le
spectateur. Elle nous surprend et nous enchante toujours.
Avec le personnage de Zelda, Sara Giraudeau franchit encore
un palier. Elle ajoute à sa palette déjà bien fournie une féminité et une
sensualité ensorcelantes. Totalement impudique, elle n’est jamais vulgaire,
sans une once d’exhibitionnisme. Au contraire, sa libido, certes débordante de
vitalité, est saine et naturelle. Zelda est une jeune femme libre qui assume
pleinement sa fringale de plaisirs.
Cette vitalité débridée, elle la synthétise toute entière
dans le premier tableau, lorsqu’elle danse. Pour avoir eu la chance de les
avoir vus, des parents étaient eux-mêmes d’extraordinaires danseurs. Tout le
monde s’arrêtait pour leur laisser la piste et les regarder… Sara a également
hérité de ce don, de cette fluidité, de ces déhanchements harmonieux. Cette
entrée en matière trépidante nous révèle immédiatement la personnalité de
Zelda. D’ailleurs, un peu plus tard, Ernest Hemingway, la résumera d’une
réflexion pleine de justesse : « Cette fille est douée pour la vie ».
Voilà, tout est dit…
A ses côtés, elle a en Julien Boisselier le partenaire
idéal. Ils partagent en outre tous les deux le fait de posséder une voix aux
intonations particulières, un timbre très reconnaissable qui n’appartient qu’à
eux. Très épris de sa jeune épouse, Scott Fitzerald ne sait néanmoins trop
comment endiguer le flot impétueux de ses emballements et de ses désirs. L’argent
et l’alcool coulent à flot. Scott s’enivre des deux sans limites… Julien
Boisselier ne se départ jamais d’une élégance toute aristocratique. Il a la
classe. Il forme avec Sara un couple absolument superbe.
Quant à Jean-Paul Bordes, il campe un Ernest Hemingway
confondant de ressemblance. Même quand il porte beau, on sent qu’il est bien
plus un aventurier qu’un mondain. Il est plus à son affaire sur le terrain que
dans les salons… Mais il est subjugué par le couple Fitzgerald. Il est troublé
par la sensualité effrénée de Zelda, autant qu’il est admiratif du talent
littéraire de son aîné de trois ans qu’il considère comme un maître. Or, peu à
peu, l’élève va supplanter un maître fragilisé par ses doutes et ses états
dépressifs…
Il faut saluer le talent de l’auteur de Zelda et Scott, Renaud Meyer, autant pour l’écriture de la pièce
que pour sa mise en scène. On se sent bien en témoins des évolutions de ces
trois éminents représentants de la fameuse « Génération perdue ». On
les suit dans leur magnificence, on partage à leurs moments de débauche, de
folie, et on assiste à leur ruine, autant financière qu’affective, et à leur inéluctable
descente en enfer.
Cette pièce pourrait se réduire à ce constat formulé par
Scott Fitzgerald à un moment de grande lucidité : « On était lâchés
comme deux enfants dans une grande foire sans personne pour nous arrêter… »
Enfin, il est important de signaler la présence d’un trio de
musiciens de jazz qui illustrent et colorent en live les pages les plus
importantes du livre de la vie de Zelda et Scott.
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