Théâtre des Mathurins
36, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 90 00
Métro : Havre Caumartin / Auber / Saint-Lazare
Une pièce de Cesare Capitani
D’après La Course à
l’abîme de Dominique Fernandez
Mise en scène de Stéphane Grassian
Avec Cesare Capitani et, en alternance, Laetitia Favart ou
Manon Leroy
Le sujet :
Un fascinant autoportrait en clair-obscur de l’artiste maudit placé sous le
signe du double et ponctué, comme dans un rêve éveillé, par des chants a
cappella (Monteverdi, Guesualdo, Grancini)… « Un homme qui se raconte, se
montre à nu : un rebelle promis à l’autodestruction, un éternel
insatisfait affamé de scandales, un artiste perpétuellement à la recherche de
l’absolu, mais aussi un être fragile, séduisant, troublant, comme els
personnages qu’il a représenté dans ses toiles » (Cesare Capitani)
Mon avis : Cette
pièce est le résultat d’une rencontre : celle d’un acteur avec un livre et
un personnage. Fasciné autant par l’œuvre incandescente que par la vie
tumultueuse de Michelangelo Merisi, dit Le Caravage, Cesare Capitani l’a vu se
matérialiser dans l’ouvrage de Dominique Fernandez, La Course à l’abîme. Dès lors, il savait comment se l’approprier et
le faire revivre sur scène.
Moi, Caravage dépasse le théâtre. Lorsqu’on assiste à la prestation
de Cesare Capitani, on ne parle plus de jeu mais d’incarnation tant il est
habité par son héros. On ne sait plus lequel a vampirisé l’autre. Capitani EST
Caravage, poussant le mimétisme jusqu’à lui ressembler. La chevelure de jais,
dense et bouclée, le regard de braise et le sourire carnassier… nous sommes
dans l’assimilation totale, dans le réalisme le plus impressionnant. Le jeu de
Capitani est tellement passionné, exalté même que, dès les premières minutes, on
oublie que nous sommes aux Mathurins tant nous sommes happés par cette interprétation
quasi possédée.
Pour un acteur, Caravage est le type-même du personnage
idéal par la richesse et la complexité de son caractère. C’est un aventurier.
Hugo Pratt eût fait de son existence fiévreuse et tourmentée une magnifique BD.
L’homme était fier, violent, jusqu’au-boutiste, entier, passionné, provocateur
et, surtout, totalement pénétré de son talent insolent.
Pendant près d’une heure et demie, Capitani nous empoigne et
nous embarque à bord d’une felouque folle et nous empêche de mettre pied à
terre. On sait dès le départ que l’on finira inéluctablement échoué sur une
plage fatale. Caravage était aussi flamboyant qu’il était autodestructeur. Il
était né rebelle, il ne pouvait pas rentrer dans le rang. Il ne pouvait avoir
qu’un destin hors norme.
La vie du Caravage est tellement romanesque, tellement
trépidante, tellement folle qu’on ne voit pas le temps passer. On oublie qu’il
y a un comédien devant nous. Les jeux de lumières éclairent la scène comme on
éclaire un tableau. La lueur des bougies reproduit les ambiances
claires-obscures des toiles du peintre. Et puis il y a la partenaire de Cesare
Capitani qui joue tous les autres rôles qu’ils soient féminins ou masculins,
qui accompagne de douces mélopées les pages les plus marquantes de la vie de
Michelangelo Merisi et, surtout, qui sait mettre en exergue la beauté morale du
personnage de Mario. Elle apporte un petit côté tragédie grecque qui sied
parfaitement au climat de la pièce.
En quittant les Mathurins, on n’a qu’une hâte : allumer
son ordinateur et se (re)plonger dans l’œuvre du Caravage pour retrouver
certaines des toiles que Capitani a évoquées devant nous en les décrivant et en
les dessinant dans l’espace.
Avec la force du jeu de Cesare « Caravage » Capitani on en viendrait presque à
croire en la réincarnation…
Gilbert "Critikator" Jouin
Gilbert "Critikator" Jouin
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