Théâtre Hébertot
78bis, boulevard des Batignoles
75017 Paris
Tel : 01 43 87 23 23
Métro : Villiers / Rome
Une comédie d’Eugène Labiche
Mise en scène de Didier Long assisté de Séverine Vincent
Décors de Jean-Michel Adam
Costumes de Pascale Bordet
Lumières d’Ertic Milleville
Musique de François Peyrony
Avec Jean Benguigui (Alphonse Marjavel), Arthur Jugnot
(Alfred Jobelin), Constance Dollé (Hermance Marjavel), Henri Courseaux (Joblin),
Arnaud Gidoin (Krampach), Rachel Pignot (Berthe), Roxane Roux (Lisbeth),
Séverine Vincent (Pétunia)
L’histoire :
La femme et l’amant trompent le mari. L’amant trompe sa maîtresse et le mari sa
femme. L’oncle de l’amant est l’amant de la première femme du mari et les
domestiques à leur tour entrent dans cette ronde du désir et de l’infidélité
passée, présente et à venir. Le plus heureux n’est pas forcément celui qu’on
croit.
Mon avis : Vous avez vu l'affiche ? Une pièce de Labiche symbolisée par un cerf !!! Superbe double niveau de lecture... Décidément, où y'a d' l'Eugène, y'a du plaisir.
Créée
en 1870, cette comédie d’Eugène Labiche a gentiment vieilli. Elle a le charme
suranné un tantinet désuet d’une photo sépia et le parfum subtilement
naphtaliné d’un renard argenté… C’était le temps où les mœurs étaient légères
mais policées. Les femmes trompaient leur mari avec un entrain teinté de
crainte, mais sans remords aucun. Quant aux maris, les bourgeois surtout, ils
pratiquaient l’adultère comme le corollaire obligatoire de leur affirmation
sociale. Ça fait bien d’avoir une ou plusieurs maîtresses.
Le plus heureux des trois, qui n’est pas la pièce la plus
connue de Labiche, traite essentiellement de l’infidélité gigogne. Tout le
monde trompe tout le monde. Mais en y ajoutant d’autres paramètres comme les
relations avec la domesticité, il élargit son étude de la bourgeoisie de l’époque.
Ce qui fait que, mine de rien, cette comédie aborde des thèmes plus larges. En
fait, ce n’est qu’après que le rideau soit tombé qu’on en réalise la richesse.
Personne n’a le beau rôle. Aucun comportement n’est noble. C’est,
pour chacun, l’intérêt personnel qui prédomine. Heureusement, comme je l’ai dit
plus haut, nous sommes dans la légèreté. Alors, tout passe avec le sourire.
Personne n’est dupe. Sauf… Sauf ce cher Alphonse Marjavel qui nous apparaît
comme le mètre-étalon de la naïveté. Plus crédule que lui, ça n’existe pas. Ses
œillères sont si larges et si épaisses qu’il ne peut voir plus loin que le bout
de son nez. C’est un cocu chronique, quasi professionnel. Sa deuxième comme sa
première épouse l’ont trompé allègrement. S’il convolait une troisième fois, il
en serait de même… Autour de lui gravite tout un monde où chacun cherche à
profiter de l’autre et à le duper.
Sous le prétexte de la comédie, Labiche dessine une âme
humaine peu reluisante ; mensonge, suffisance, vénalité, lâcheté, mauvaise
foi.
La distribution, en forme de troupe est impeccable. Chacun joue sa partie avec une belle conviction. J’ai toutefois un petit faible pour la composition de Constance Dollé en épouse frivole, versatile et pusillanime que ses écarts de conduite émoustillent et effarouchent à la fois… Jean Benguigui hérite avec Marjavel d’un rôle sur mesure. Il joue les matois, fait celui qui dirige les débats, alors que tout le monde le manipule et le trompe. Mais comme il n’est pas lui-même à l’abri de toute turpitude, il y trouve tout de même son compte… Arthur Jugnot est aussi à l’aise dans ce théâtre là que dans les comédies actuelles. Le costume lui sied bien, et puis il a en permanence cette distance que sa science du double jeu lui confère. Il s’amuse avec nous, il est en connivence tout en ne se montrant pas plus malin que son personnage ne l’est… Henri Courseaux est parfait en bourgeois grandiloquent et un peu gâteux… Et puis il y a Arnaud Gidoin qui campe un domestique truculent et primaire. En plus, même si son accent alsacien est parfois approximatif, il faut saluer son interprétation dans un rôle qui n’est pas des plus faciles. Son arrivée avec sa compagne redonne de la vigueur à la pièce…
Et puis, que c’est agréable de voir des gens bien vêtus.
Quelle était belle cette époque où même les domestiques étaient élégants.
Maintenant, j’ai bien quelques petites réserves. Le texte,
truffé de soliloques et d’apartés avec le public, oscille entre répliques
savoureuses et échanges simplistes. Je trouve aussi les passages chantés
totalement superflus. Ils n’apportent rien et ralentissent une action qui n’est
déjà pas des plus survoltées. Avec un quart d’heure de moins, cette pièce
serait parfaite.
Gilbert « Critikator » Jouin
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