Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 48 74 25 37
Métro : Trinité /
Saint-Lazare / Blanche
Une comédie de Florian Zeller
Mise en scène par Daniel Auteuil
Décor de Jean-Paul Chambas
Lumières d’Alain Poisson
Costumes de Jean-Paul Chambas
Illustration sonore de Virgile
Hilaire
Avec Daniel Auteuil (Daniel),
Valérie Bonneton (Isabelle), François-Eric Gendron (Patrick), Pauline Lefèvre
(Emma)
Présentation : Quand Patrick annonce à ses amis qu’il voudrait
leur présenter la jeune femme pour laquelle il a quitté Laurence, tout le monde
s’accorde à dire que c’est une excellente idée !
Mais l’apparition d’Emma aura
l’effet d’une véritable tempête dans la tête de Daniel et Isabelle…
Mon avis : Cette pièce repose sur un seul et unique effet,
mais il est d’une telle force et d’une telle originalité qu’il a largement de
quoi nous distraire pendant une heure et demie : les comédiens énoncent
tout haut ce qu’ils pensent tout bas dans le tréfonds de leur cerveau. Tout est
exprimé dans le titre. Nous sommes les spectateurs clandestins et privilégiés
de L’envers du décor. C’est toute la
simple relation humaine qui est ici remise en jeu. Personne n’est dupe. On ne
dit pas toujours ce que l’on pense vraiment. A cela, il y a plusieurs
raisons : l’éducation, l’hypocrisie, la lâcheté, la protection, voire le
respect, de l’autre.
Alors, lorsqu’une pièce nous
donne à voir – et surtout à entendre – la réalité des choses, le résultat est
on ne peut plus croustillant.
L’envers du décor est avant tout
une prouesse d’acteurs. Nous sommes dans la configuration de la traduction
simultanée à la télévision. Lorsqu’un comédien exprime une phrase, il en
délivre en très léger décalage la réalité de sa pensée. Ce qui est alors énoncé
ne concerne pas du tout le subconscient, c’est au contraire totalement
conscient et assumé.
Tout de suite, j’ai eu en tête
l’image du sketch de La Drague
interprété par Guy Bedos et Sophie
Daumier avec son double niveau de lecture. Nous sommes en permanence dans cet
état d’esprit. Bien sûr, avec le non-dit, on peut tout se permettre et aller
très loin dans tous les domaines. Ici, il a plus d’importance et de véracité
que la parole émise. Quel régal pour un auteur que de ne plus avoir de limites.
Et quel bonheur pour des comédiens que de se prêter à ce savoureux exercice de
style ô combien périlleux.
Ce procédé est un redoutable
ressort de comédie. On ne peut qu’en rire, y compris à nos dépens. Florian
Zeller nous invite à une véritable plongée en abîme dans les réels entrelacs
des mentalités masculine et féminine. Daniel, le personnage que joue Daniel
Auteuil est plutôt veule, pusillanime et velléitaire. Il louvoie et godille à
vue sur l’océan houleux de ses fantasmes. L’effet est impayable… Quant à son
épouse, Isabelle (Valérie Bonneton), elle est droite, directe, intransigeante.
Leur opposition est une sorte de match de tennis mettant en présence quelqu’un
qui lâche franchement ses coups (Isabelle) face à un adversaire qui n’emploie
que ruse et coups tordus.
Inutile de préciser que, dans
cette pièce, Daniel Auteuil a le beau rôle. Sa prestation est quasiment de
l’ordre du one man show. Il fait appel à tous les tons de son immense palette
d’acteur. Parfois il gesticule comme de Funès, parfois on entend des
intonations à la Galabru. Et j’en reviens encore à Guy Bedos lorsqu’il profère
des horreurs machistes dans son sketch Toutes
des salopes. Nous sommes dans le même registre. Le mâle n’y apparaît pas
sous son meilleur jour. Daniel se pare de nouveau des atours du séducteur, il
se croit le plus beau, le chapon redevient coq. Jusqu’à ce qu’une insidieuse et
superfétatoire jalousie ne vienne le ronger, si absurde qu’elle va jusqu’à
mettre en péril son amitié de quinze ans avec Patrick (François-Eric Gendron)…
C’est un véritable festival Auteuil. Il est en pleine clownerie. Les rires
fusent, couvrant parfois certaines de ses réflexions intérieures. Il déclenche
même les applaudissements en plein milieu d’un monologue !
Bien sûr, ses partenaires,
surtout Pauline Lefèvre (pétillante à souhait) et François-Eric Gendron (sobre
et conciliant), ne bénéficient pas, loin s’en faut, de la même exposition.
Valérie Bonneton, dont le personnage ne pratique pas la langue de bois, a peu
d’occasion de se livrer à un grand écart sémantique.
Et puis, au fur et à mesure que
la pièce se déroule, lorsqu’on a parfaitement assimilé le principe de son
auteur, les dialogues deviennent de plus en plus prévisibles. Il ne nous reste
que le plaisir de profiter pleinement de la variété de jeu de Daniel Auteuil,
véritablement étourdissant dans le registre de la comédie.
Cette pièce va marcher. Elle va
attirer le grand public. D’abord parce qu’on y rit sans discontinuer, ce qui
est toujours agréable par les temps qui courent. Mais, pour rester dans le
registre recherché par l’auteur, on n’y rit pas sans arrière-pensées. Car tout
est là : on y fait en permanence appel à ces fameuses arrière-pensées, à
ce qu’on aimerait tant parfois dire tout haut mais que l’on garde enfoui au
plus secret de soi.
Gilbert « Critikator »
Jouin
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