Théâtre 14
20, avenue Marc Sangnier
75014 Paris
Tel : 01 45 45 49 77
Une pièce de Bernard Shaw
Traduite et adaptée par Stéphane
Laporte
Mise en scène de Ned Grujic
Décor de Danièle Rozier
Costumes de Virginie Houdinière
Lumières d’Antonio De Carvalho
Musiques de Raphaël Sanchez
Avec Lorie Pester (Eliza
Doolittle), Sonia Vollereaux (Mrs Higgins), Benjamin Egner (Mr Higgins),
Jean-Marie Lecoq (Doolittle), Philippe Colin (Pickering), Claire Mirande (Mrs
Pearce), Emmanuel Suarez (Freddy), Cécile Beaudoux (Clara Eynsford)
Présentation : Pygmalion
représente le théâtre anglais dans toute sa splendeur : on s’émeut, on
rit, on s’insurge devant l’histoire d’Eliza Doolittle, petite vendeuse de
bonbons, que prend sous son aile le professeur Higgins. Parviendra-t-il, comme
il le prétend, à la faire passer pour une lady ?
Si ces personnages vous semblent
familiers, c’est que My Fair Lady les
a repris avec succès.
Mon avis : L’histoire du Pygmalion
de Bernard Shaw, nous la connaissons tous ; ne serait-ce qu’à travers son
adaptation cinématographique par George Cukor, en 1964, avec l’inoubliable
Audrey Hepburn. Même le nom de son héroïne, Eliza Doolittle, est gravé dans la
mémoire collective.
C’est dire la hauteur du challenge
que Lorie Pester s’était mis sur ses charmantes épaules pour ses tout premiers
pas au théâtre. Lorie… On connaît la chanteuse à succès, on l’a vue dans
quelques téléfilms, elle est la voix de la Fée Clochette, mais le théâtre exige
une autre discipline. On ne peut pas y rectifier une fausse note ou recommencer
une scène. Il faut être bon et juste tout le temps.
Et bien, je peux affirmer que
Lorie a bigrement bien relevé le défi… Le rôle d’Eliza n’est pas évident car il
est en constante évolution. Tant sur le plan psychologique que physique. Nous
assistons en effet pendant deux heures à la totale transformation d’une jeune
fille. Sous la houlette impitoyable de son « pygmalion », la petite
chrysalide mal fagotée, mal coiffée, au redoutable accent cockney et au
vocabulaire peu châtié (je lui ai parfois trouvé un petit côté Zézette du Père Noël est une ordure) va progressivement
se métamorphoser en un magnifique papillon. Ou l’art de passer du caniveau londonien
aux salons de la high society.
Lorie a un talent inné pour la
comédie. Elle possède un sens naturel de la drôlerie. Tout à fait crédible dans
les deux personnages, elle réussit à nous communiquer l’état de ses sentiments.
Mimiques facétieuses, cris, postures disgracieuses, réflexions effrontées, indignations
populacières… puis élégance, maintien princier, déférence, politesse convenue, révolte
contenue… Elle accomplit un sans-faute.
Lorie a parfaitement fait le Shaw,
mais elle était remarquablement entourée pour y parvenir. La distribution est en
effet impeccable.
Benjamin Egner, dans le rôle du
Professeur Higgins est véritablement impressionnant de maîtrise. Pédant, sûr de
lui, provocateur, cynique, égocentré, il est sans nuances, à fond dans son
personnage. Il est particulièrement bien servi par sa voix, mâle à souhait, et
sa façon originale de se mouvoir sur scène… Philippe Colin incarne un Pickering
à double facette. Son immense fortune lui permet de faire de sa vie un jeu, de
lancer un pari, d’en financer toutes les contraintes matérielles. Il a une
forme de snobisme de caste qui lui permet de jouer les observateurs un peu
froids. Et puis, vers la fin, il fend soudain l’armure et dévoile une profonde
humanité qui le rend vraiment attachant.
Claire Mirande campe une Mrs
Pearce à la fois autoritaire, drôle, sensible et tout à fait sympathique…
Emmanuel Suarez est touchant dans son rôle de Freddy un peu lunaire, tendre et
enamouré… Cécile Beaudoux est très amusante dans le personnage de Clara-la-pimbêche.
Et puis il faut également mettre
en exergue les savoureuses prestations de Sonia Vollereaux, dans le rôle de Mrs
Higgins, et de Jean-Marie Lecoq, dans celui de Doolittle. Ils sont tous les
deux d’une formidable drôlerie. Elle en maman-à-qui-on-ne-la-fait-pas, lucide
tout en étant distanciée, compréhensive et positive ; et lui plein de
truculence, roublard, grande gueule, mais qui révèle toute sa fragilité lorsqu’il
est frappé par l’opulence. Deux superbes rôles !
Ma seule réserve devant ce
nouveau Pygmalion, ce sont quelques longueurs.
Par exemple l’irruption de Doolittle dans le salon d’Higgins, en dépit du jeu
irréprochable des comédiens, tourne un peu en rond… La scène de la séance de
cinéma entre Eliza et Freddy, pour charmante et agréable à regarder qu’elle
soit est, pour ce qui me concerne, superflue. J’ai bien compris que c’était une
ellipse pour placer un numéro de chant et de danse, mais elle alourdit le fil
de l’intrigue… Adaptateur brillant (Le
Roi Lion, Grease, Un violon sur le toit…), Stéphane Laporte a succombé à un
compréhensible pêché de gourmandise d’auteur, libéré qu’il était de son
habituel carcan d’un livret à respecter.
A mon avis, avec un quart d’heure
de moins, ce Pygmalion serait parfait.
Quoi qu’il en soit, c’est un très bon spectacle, servi par de formidables
comédiens et qui aura au moins le privilège de révéler en Lorie Perster. J’espère
que de nombreux producteurs et réalisateurs iront la découvrir. Ils vont être
surpris par le potentiel de la jeune femme.
Bravo. Il fallait le Fair, Lady
Lorie !
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