samedi 20 février 2016

Lamine Lezghad "Rire de tout !"

L’Européen
5, rue Biot
75017 Paris
Tel : 01 43 87 97 13
Métro : Place de Clichy

Seul en scène écrit et interprété par Lamine Lezghad
Mis en scène par Lamine Lezghad et Fabrice Pelette

Présentation : En ces temps troublés, il est bon de rire sans réserve… Et rire de tout, c’est bel et bien ce qui est au programme de ce spectacle. Lamine ose tout avec une liberté sans limite.

Mon avis : Le contenu du nouveau seul en scène de Lamine Lezghad est dans on titre : Rire de tout !... Ce qui est important, c’est le point d’exclamation. Lamine ne se pose pas de questions métaphysico-philosophiques, il affirme. Oui, on peut rire de tout, et il ajoute même en conclusion de son spectacle : « et de tous ».
Pas de publicité mensongère, il ne triche pas sur la marchandise. Il arrose à 360 degrés. Du coup, tout le monde est éclaboussé et certains sont mêmes copieusement douchés. Avec lui, pas de round d’observation. Il ne virevolte pas autour du pot, il lui rentre dedans. Il nous cueille d’emblée aux zygomatiques avec le sujet le plus brûlant et le plus délicat à traiter : le terrorisme. Visiblement, tout ce qu’il énonce est parfaitement assumé. Il en rit lui-même et, forcément, nous avec. C’est qu’il va loin, le bougre ! Il ne s’autorise aucune limite.

Après une entrée en matière aussi « explosive », il peut tout se permettre. Il a poussé le curseur tellement loin dans la zone de l’humour noir et grinçant, qu’il ne peut – ni ne veut – plus reculer. Alors, il y va. La mine rieuse, l’œil pétillant, les fossettes ravageuses, il dézingue à tout-vat. Les religions, les communautés, les vieux, les Arabes, les Noirs, les Juifs, les racistes, les handicapés, les nains, le viol, ses collègues humoristes… Il n’exclut même pas les plus exclus, les SDF. Tout le monde passe à la moulinette réjouissante de son joyeux cynisme. Il possède tant de charme et de charisme qu’on lui pardonne tout.
Mais, ce qu’il y a de plus abouti dans son spectacle c’est que, au milieu des pires insanités et des horreurs qu’il distille ou profère, il glisse quelques messages et quelques vérités profondes qui nous donnent à réfléchir. Et ça, c’est très fort.


Pour avoir vu tous ses spectacles, j’ai constaté une irrésistible évolution. Lamine Lezghad est aujourd’hui à maturité. Il a trouvé son juste ton. Très à l’aise, il occupe l’espace scénique de façon magistrale. Là où il a formidablement progressé aussi, c’est dans l’improvisation. Il joue avec son public comme personne. Sa faculté à rebondir dans l’échange, à prendre une spectatrice en otage ou un spectateur comme tête de Turc, est impressionnante. Il détecte tout ce qui se passe dans la salle. Malheur à celui ou celle qui grignote, qui bâille, qui se met à l’écart, qui tente de s’éclipser pour aller aux toilettes, qui ose une apostrophe. Son radar est assassin. Mais si les mots sont plutôt hard, sa bonhommie les enrobe et les fait passer. Il ne cherche pas la fleur qui pousse sur le fumier, il balance tout en vrac, les fleurs et le fumier. A nous de faire le tri.
Son spectacle est très bien écrit. Il contient des vannes de très, très haut niveau. Comme il a éradiqué toutes les limites, il peut gambader loin. Il est comme un cerf-volant dont on a coupé la ficelle. Radieux, il évolue en pleine liberté dans un ciel pourtant lourd de nuages. Il ne les élude pas, au contraire, il slalome entre eux en leur appliquant au passage d’espiègles et virulents coups de pique. Ça fait vraiment un bien fou, par les temps qui courent, de se laisser distraire par quelqu’un qui bafoue aussi allègrement la morale, la bien pensance, le consensuel et le politiquement correct.
La mine Lezgahd a trouvé son univers et c’est très sympathique à lui de nous le faire partager aussi joyeusement.


Gilbert « Critikator » Jouin

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