lundi 3 octobre 2016

A droite à gauche

Théâtre des Variétés
7, boulevard Montmartre
75002 Paris
Tel : 01 42 33 09 92
Métro : Grands Boulevards

Une comédie de Laurent Ruquier
Mise en scène par Steve Suissa
Décors de Bernard Fau
Costumes de Jean-Daniel Vuillermoz
Lumières de Jacques Rouveyrollis
Musique de Maxime Richelme

Avec Francis Huster (Franck Pierson), Régis Laspalès (Paul Caillard), Odile Cohen (Nicole), François Berland (David), Jessé Rémond Lacroix (Ugo), Olivier Dote Doévi (Germain)

L’histoire : Comment peut-on être un acteur riche, célèbre et être de gauche ? C’est ce que se demandent la plupart des gens de droite. Comment peut-on être ouvrier chauffagiste et voter à droite ? C’est ce que pensent la plupart des gens de gauche.
A quelques mois des élections, la confrontation inattendue entre ces deux personnages casse les codes, se joue des stéréotypes, fait vaciller nos opinions.

Mon avis : Avec A droite à gauche, Laurent Ruquier a incontestablement écrit là sa comédie la plus consistante au niveau du fond. Délibérément installé au centre des débats, il reproduit une conversation à bâtons rompus dont il aurait été le témoin entre un artiste de gauche et un ouvrier de droite.
L’animateur-auteur est, on le sait, un véritable passionné de politique. Cette pièce sort judicieusement à un moment où notre vie politique va s’exacerber à l’approche des Primaires des différents partis avec, en ligne de mire, les prochaines élections présidentielles. Laurent Ruquier s’est visiblement ingénié à réunir sur les plateaux d’une immense balance tous les éléments caractéristiques qui définissent les idées et les comportements des gens de gauche et des gens de droite. Sur ce plan, il est quasiment exhaustif. Avec son stylo-scalpel, on peut dire qu’il a gratté jusqu’à l’os. Tout au long de la pièce on a en effet droit à toutes les idées reçues, à tous les clichés, à tous les poncifs sur la gauche et la droite, et ce dans tous les domaines : le féminisme, la contraception, l’art, la culture, les 35 heures, la délinquance, le racisme, la religion, la dépénalisation du cannabis, l’homosexualité, le mariage pour tous, l’éducation, l’économie, l’écologie…). Il a ratissé large ! Réussir à réaliser une comédie avec tous ces éléments est une prouesse.

Photo : Christine Renaudie
Aucune fois, je ne l’ai pris en défaut. Bien qu’il n’ait jamais caché ses idées politiques, il a su tout au long de la pièce garder une neutralité parfaite. Jamais il ne s’est érigé en donneur de leçon (ce qui lui arrive parfois dans On n’est pas couché), jamais il a été de « parti » pris… Bien sûr, et heureusement pour nous, Ruquier a fait du Ruquier. Jeux de mots, formules percutantes, saillies hilarantes, quiproquos réjouissants, allusions pertinentes et drolatiques… C’est de la belle ouvrage. Et, au service de ce texte dense et alerte, il dispose avec Francis Huster et Régis Laspalès de deux comédiens absolument épatants.


C’est à un impitoyable match de boxe verbale auquel se livrent les deux hommes dans une cave métamorphosée en ring. A ma gauche, Franck, un artiste riche et célèbre. A ma droite, Paulo, un ouvrier chauffagiste. Deux manières de combattre très différentes. Franck, très exalté, pugnace, virevolte autour de son adversaire pour essayer de placer ses uppercuts du gauche. Paulo, placide, évite benoitement les coups et réplique par des crochets déstabilisants. Le combat est très spectaculaire, équilibré. Paulo contre très aisément les assauts nombreux mais désordonnés de Franck. Véhémence versus inertie, cette opposition de styles fait, avec ses dialogues, tout le piment de la pièce.
Francis Huster est parfait dans ce registre où les convictions sont parfois teintées de mauvaise foi. Quant à Régis Laspalès il est tout bonnement inénarrable. Ses mimiques, son phrasé si particulier, sa faculté à suspendre le temps en jouant avec les silences, son flegme, son œil rigolard, en font un partenaire idéal. D’ailleurs, Francis Huster, avec lequel j’ai fait un bout de chemin à l’issue de la représentation, m’a confié qu’il retrouvait en Laspallès un comédien du niveau de l’inoubliable Jacques Villeret.

Si l’on met de côté une ou deux longueurs et quelques facilités (j’ai été gêné par la scène autour du racisme entre le médecin et le patron noir de Paulo. Je l’ai trouvée trop premier degré, trop agressive ; trop vraie, peut-être ?), A droite à gauche m’a bien amusé. C’est rythmé, ça a du sens, c’est une bonne satire de l’état de nos partis politiques, c’est bien écrit, bien mis en scène et remarquablement interprété. Je pense que, en sortant du théâtre des Variétés, ceux qui sont de gauche resteront à gauche et ceux de droite à droite. Et les autres aussi… C’est sans doute ça la loi du milieu !


Gilbert « Critikator » Jouin

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