Théâtre des Variétés
7, boulevard Montmartre
75002 Paris
Tel : 01 42 33 09 92
Métro : Grands Boulevards
Une comédie de Laurent Ruquier
Mise en scène par Steve Suissa
Décors de Bernard Fau
Costumes de Jean-Daniel
Vuillermoz
Lumières de Jacques Rouveyrollis
Musique de Maxime Richelme
Avec Francis Huster (Franck Pierson), Régis Laspalès (Paul Caillard), Odile Cohen (Nicole), François
Berland (David), Jessé Rémond
Lacroix (Ugo), Olivier Dote Doévi
(Germain)
L’histoire : Comment peut-on être un acteur riche, célèbre et
être de gauche ? C’est ce que se demandent la plupart des gens de droite.
Comment peut-on être ouvrier chauffagiste et voter à droite ? C’est ce que
pensent la plupart des gens de gauche.
A quelques mois des élections, la
confrontation inattendue entre ces deux personnages casse les codes, se joue
des stéréotypes, fait vaciller nos opinions.
Mon avis : Avec A droite
à gauche, Laurent Ruquier a incontestablement écrit là sa comédie la plus
consistante au niveau du fond. Délibérément installé au centre des débats, il
reproduit une conversation à bâtons rompus dont il aurait été le témoin entre
un artiste de gauche et un ouvrier de droite.
L’animateur-auteur est, on le
sait, un véritable passionné de politique. Cette pièce sort judicieusement à un
moment où notre vie politique va s’exacerber à l’approche des Primaires des
différents partis avec, en ligne de mire, les prochaines élections
présidentielles. Laurent Ruquier s’est visiblement ingénié à réunir sur les
plateaux d’une immense balance tous les éléments caractéristiques qui
définissent les idées et les comportements des gens de gauche et des gens de
droite. Sur ce plan, il est quasiment exhaustif. Avec son stylo-scalpel, on
peut dire qu’il a gratté jusqu’à l’os. Tout au long de la pièce on a en effet
droit à toutes les idées reçues, à tous les clichés, à tous les poncifs sur la
gauche et la droite, et ce dans tous les domaines : le féminisme, la
contraception, l’art, la culture, les 35 heures, la délinquance, le racisme, la
religion, la dépénalisation du cannabis, l’homosexualité, le mariage pour tous,
l’éducation, l’économie, l’écologie…). Il a ratissé large ! Réussir à
réaliser une comédie avec tous ces éléments est une prouesse.
Photo : Christine Renaudie |
Aucune fois, je ne l’ai pris en
défaut. Bien qu’il n’ait jamais caché ses idées politiques, il a su tout au
long de la pièce garder une neutralité parfaite. Jamais il ne s’est érigé en
donneur de leçon (ce qui lui arrive parfois dans On n’est pas couché), jamais il a été de « parti » pris…
Bien sûr, et heureusement pour nous, Ruquier a fait du Ruquier. Jeux de mots,
formules percutantes, saillies hilarantes, quiproquos réjouissants, allusions
pertinentes et drolatiques… C’est de la belle ouvrage. Et, au service de ce
texte dense et alerte, il dispose avec Francis Huster et Régis Laspalès de deux
comédiens absolument épatants.
C’est à un impitoyable match de
boxe verbale auquel se livrent les deux hommes dans une cave métamorphosée en
ring. A ma gauche, Franck, un artiste riche et célèbre. A ma droite, Paulo, un
ouvrier chauffagiste. Deux manières de combattre très différentes. Franck, très
exalté, pugnace, virevolte autour de son adversaire pour essayer de placer ses
uppercuts du gauche. Paulo, placide, évite benoitement les coups et réplique
par des crochets déstabilisants. Le combat est très spectaculaire, équilibré.
Paulo contre très aisément les assauts nombreux mais désordonnés de Franck. Véhémence
versus inertie, cette opposition de styles fait, avec ses dialogues, tout le
piment de la pièce.
Francis Huster est parfait dans
ce registre où les convictions sont parfois teintées de mauvaise foi. Quant à
Régis Laspalès il est tout bonnement inénarrable. Ses mimiques, son phrasé si
particulier, sa faculté à suspendre le temps en jouant avec les silences, son
flegme, son œil rigolard, en font un partenaire idéal. D’ailleurs, Francis
Huster, avec lequel j’ai fait un bout de chemin à l’issue de la représentation,
m’a confié qu’il retrouvait en Laspallès un comédien du niveau de l’inoubliable
Jacques Villeret.
Si l’on met de côté une ou deux
longueurs et quelques facilités (j’ai été gêné par la scène autour du racisme
entre le médecin et le patron noir de Paulo. Je l’ai trouvée trop premier
degré, trop agressive ; trop vraie, peut-être ?), A droite à gauche m’a bien amusé. C’est
rythmé, ça a du sens, c’est une bonne satire de l’état de nos partis
politiques, c’est bien écrit, bien mis en scène et remarquablement interprété.
Je pense que, en sortant du théâtre des Variétés, ceux qui sont de gauche
resteront à gauche et ceux de droite à droite. Et les autres aussi… C’est sans
doute ça la loi du milieu !
Gilbert « Critikator »
Jouin
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