Théâtre du Ranelagh
5, rue des Vignes
75016 Paris
Tel : 01 42 88 64 44
Métro : La Muette / Passy
Une pièce de Georges Dupuis, d’après la vie de Louise Michel
Mise en scène par Yves Pignot
Décors de Georges d’Haëne
Costumes d’Elisabeth de Sauverzac
Avec Bérangère Dautun(Louise Michel) et Georges Dupuis (Le
Docteur Pelletier)
L’histoire :
1888. La militante anarchiste Louise Michel reçoit en pleine tête une balle
tirée par un déséquilibré. Le projectile n’atteint pas ses fonctions vitales
mais elle se fiche dans le temporal gauche. Louise Michel la gardera jusqu’à la
fin de sa vie et en éprouvera régulièrement des douleurs intenses. Inquiète,
elle fait alors appel au docteur Pelletier, le seul médecin qui accepte de la
visiter. Et pour cause : il ignore tout de celle qu’il auscultera ce
soir-là…
Mon avis : Le
décor est sobre. Eclairé à la bougie, il ressemble à un tableau Vermeer. Nous
sommes dans un intérieur modeste, celui qu’occupent Louise Michel et son chat.
La célèbre militante anarchiste, l’héroïne de la commune, est alors âgée de 58
ans. Elle reçoit la visite du docteur Pelletier, un médecin qui est venu l’ausculter
sans s’être informé de son identité. Quelques mois auparavant, Louise a été
blessée à la tête lors d’un attentat et une balle y est restée logée. Comme
elle est sujette à de violentes migraines, elle a fait appel à un praticien
pour qu’il essaie de la soulager car elle est inopérable…
Très vite, on saisit les deux caractères. Louise Michel est abrupte,
très autoritaire. Elle s’enflamme très rapidement. Elle ne fait aucun effort pour
se montrer aimable. Le docteur Pelletier apparaît comme un homme intègre,
honnête, profondément humain, entièrement voué à sa tâche pour soulager son
prochain. Même quand il apprend à qui il a à faire, il la considère d’abord
comme une patiente comme les autres, qui plus est démunie et incapable de lui régler
ses émoluments.
Mais, au fur et à mesure de ses visites, une relation plus
forte commence à s’établir entre eux. Pelletier a beau la traiter d’« exaltée »,
il ressent une vraie tendresse pour elle. Bien qu’il ne partage pas vraiment ses
idées, il admire aussi la femme engagée. Il ira même jusqu’à assister à ses
meetings… Quant à elle, cette présence lui apporte du réconfort. Elle a enfin
confiance en quelqu’un. Et peu à peu, elle va se comporter avec lui comme sa
chatte avec elle, exigeante, exclusive et câline quand elle voit qu’elle est
allée trop loin.
La pièce est construite en une succession de tableaux
montrant l’évolution de leurs rapports. On assiste à la construction d’une
amitié. Ils finissent par s’appeler par leurs prénoms puis à se faire des
confidences assez intimes sur leur vie. Louise adore taquiner Henri sur ses
amours. Il n’y a entre eux aucune ambiguïté. D’abord en raison de leur
différence d’âge (le docteur Pelletier est bien plus jeune), puis de l’homosexualité
de Louise (qu’elle lui révèle très vite). Ils sont dans l’admiration réciproque.
Ce sont deux très beaux rôles mettant en scène deux fortes
personnalités. Bérengère Dautun joue à ravir sur toutes les nuances d’une
palette extrêmement large. Elle restitue tous les traits de caractère d’une
femme à la fois crainte et adulée et proche de la soixantaine. C’est une
passionnée, une travailleuse acharnée, peaufinant sans relâche ses discours. C’est
une guerrière qui a toujours un combat à mener et qui multiplie les projets. Et
puis, c’est une femme : elle peut être aussi cassante que compréhensive,
tyrannique que mutine, austère que coquette.
En face d’elle, Georges Dupuis, l’auteur de la pièce,
apporte une formidable présence. Il est calme, rassurant, investi. C’est un
homme bon qui connaît plus de réussite dans son métier que dans ses amours. Pas
question pourtant que Louise Michel le manipule ou l’asservisse. Aussi fier que
conciliant, il n’est dupe de rien. Et puis, il est également un remarquable
pianiste.
Car la musique tient une place non négligeable dans cette
pièce. Non seulement, elle nourrit joliment les intermèdes, mais elle permet au
docteur Pelletier puis à Louise Michel de se mettre au piano…
Dans le regard de
Louise : une belle, très belle histoire d’amitié.
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