Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 20 60 56
Métro : Edgar Quinet / Gaîté
Une pièce de Sam Sheppard et Patti Smith
Adaptée par Marie Barraud et Nicolas Tarrin
Mise en scène de Nicolas Tarrin
Avec Marie Barraud (Cavale), Cali (Slim)
Avec la participation d’Andrey Zouari
Décors d’Olivier Prost
L’histoire :
New York, 1971. Armée d’un colt 45, Cavale kidnappe en pleine rue Slim, un père
de famille. Enfermés dans une chambre d’hôtel, elle tente de faire de lui une
star du rock afin d’offrir un sauveur à toute une génération perdue, « un
Jésus rock’n’roll avec une gueule de cowboy ». Mais le captif tombe
amoureux de son ravisseur…
Mon avis : Irréductibles
cartésiens, pragmatiques de tout poil, cette pièce n’est pas pour vous… Inutile
d’y chercher une quelconque cohérence.
En revanche, si vous avez gardé un anticonformisme naturel,
un esprit de révolte juvénile, si vous avez su entretenir un brin de folie, si
vous êtes sensible à la poésie et, surtout, si vous êtes gourmands de performances
d’acteur, Cowboy Mouth est pour vous.
Lorsque Patti Smith et Sam Sheppard ont écrit cette pièce en
1971 (en deux nuits !), ils étaient follement amoureux et,
vraisemblablement sous l’emprise de substances illicites. Ils ont
respectivement 25 et 28 ans. Elle peint et écrit des poèmes ; il est un
dramaturge en vogue. Il est déjà marié et père d’un enfant.
Tout se passe dans une chambre du Chelsea Hotel. Il y règne
un profond désordre. Un lit défait, des dessins accrochés aux murs, deux
guitares, deux caisses claires. On sent que le couple formé par Cavale et Slim
n’en sort jamais. C’est donc à un véritable huis-clos que nous assistons. Et à
une histoire d’amour… Brève mais intense.
Pour bien saisir la plausibilité de cette pièce, il faut la
replacer dans son contexte historique. Nous sommes donc au tout début des
années 70 aux Etats-Unis. Nixon est président, il y a toujours la guerre au
Viêt Nam, chez les jeunes, le Flower Power romantique et pacifiste est en train
de s’étioler, mais la Beat Generation née dans les années 50 est toujours là,
et bien là…
Slim, et plus encore Cavale, en sont des spécimens vivants.
Ils ont la contestation et le nihilisme chroniques. Leur vision du monde et de
la société est sombre mais pas désespérée, car, grâce aux paradis artificiels, ils se réfugient dans un no man’s land
psychédélique édifié sur ces quatre piliers que sont l’utopie, l’écriture (et plus
particulièrement la poésie), la peinture et la musique (et plus
particulièrement le rock).
Cowboy Mouth est
une pièce onirique. Cavale et Slim sont deux enfants qui jouent. Qui jouent à s’aimer,
qui jouent à se faire mal. Dans un perpétuel va-et-vient entre attirance et
répulsion, ils se cherchent, tentant pathétiquement de se construire un avenir
qu’ils savent illusoire (Cavale parle d’un « putain de grand rêve »).
La passion est omniprésente, mais vraisemblablement attisée par les drogues,
elle peut aussi bien engendrer la plus grande tendresse que générer la violence
la plus fulgurante.
Il ne faut pas chercher à comprendre, il n’y a qu’à se
laisser emporter par ce maelstrom se sentiments exacerbés. Parfois Cavale et
Slim sont ancrés dans la réalité, parfois ils sont en plein trip. On partage
leurs hallucinations, leurs idées radicales, leurs moments de grâce (quand Slim
joue au magicien pour épater Cavale) et surtout leurs rêves insensés (comme le
statut mystique de la star de rock)…
Inutile de préciser que pour interpréter ces deux êtres à la
dérive, on ne peut pas le faire avec tiédeur. Il faut y aller à fond, se racler
la chair jusqu’à l’os, se tordre le cœur comme un vieux gant de toilette. Après
avoir vu leur prestation, difficile d’imaginer deux autres comédiens que Marie
Barraud et Cali.
Marie Barraud, qui a adapté la pièce et qui la connaît donc
dans ses moindres aspects, est complètement habitée par le personnage de
Cavale. Cali m’a d’ailleurs confié à l’issue du spectacle que parfois, elle lui
« faisait peur » ! Elle va au-delà du don de soi. Elle est littéralement
possédée. Avec ses gestes compulsifs, ses déplacements claudicants, elle passe
sans transition de l’hystérie dévastatrice à la féminité la plus touchante. En
fait, c’est une petite fille qui essaie de se désempêtrer de sa fragilité. Elle
nous fait vivre en tout cas un formidable moment de comédie. Seule avec ses
démons, elle lâche tout, se dépouille au propre comme au figuré. Elle nous fait
vivre en tout cas un formidable moment de comédie.
Et Cali, que vaut-il dans ce face-à-face tumultueux ?
Pour sa première expérience théâtrale, il est tout simplement bluffant. Il ne
fait que confirmer que, à l’instar de ses tours de chant, il est une bête de
scène. Pour incarner Slim, il dégage une forme d’animalité (il se compare
lui-même à un coyote). Je lui ai trouvé un côté plus indien que cowboy. Sa
folie à lui est plus pondérée, moins destructrice. Il a gardé une espèce de candeur,
une faculté d’émerveillement. C’est avec ces sentiments-là qu’il réussit à
toucher et à amadouer Cavale.
Cette jolie performance va inévitablement l’amener à devoir
désormais composer entre les deux carrières de chanteur et de comédien. Il en a
acquis grandement la légitimité.
Gilbert « Critikator » Jouin
1 commentaire:
j'ai adoré cette piece faut la voir et encouragé les acteurs qui se donnent totalement ... grand bravo à vous 2
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