Théâtre de la Porte Saint-Martin
18, boulevard Saint-Martin
75010 Paris
Tel : 01 42 08 00 32
Métro ; Strasbourg Saint-Denis
Pièce de William Shakespeare
Mise en scène par Nicolas Briançon
Adaptée par Pierre-Alain leleu et Nicolas Briançon
Dramaturgie de Julie-Anne Roth
Décors de Pierre-Yves Leprince
Costumes de Michel Dussarat
Lumières de Gaëlle de Malglaive
Musiques de Gérard Daguerre
Chorégraphies de Karine Orts
Avec Ana Girardot (Juliette), Niels Schneider (Roméo),
Valérie Mairesse (la nourrice), Bernard Malaka (Frère Laurent), Dimitri Storoge
(Mercutio), Cédric Zimmerlin (Benvolio), Brian Polach(Tybalt), Charles Clément
(Père Capulet), Valentine Varéla (Lady Capulet), Mas Belsito (Paris)…
Présentation :
Entourés d’une troupe de plus de vingt acteurs, Ana Girardot et Niels Schneider
sont les héros de cette nouvelle grande production du Théâtre de la Porte
Saint-Martin. Après La Nuit des Rois
et Le Songe d’une nuit d’été, Nicolas
Briançon met en scène la pièce la plus célèbre du répertoire de Shakespeare, Roméo et Juliette. Retrouvez la plus
belle histoire d’amour du théâtre classique dans une mise en scène prestigieuse
et populaire…
Mon avis :
Je pense que Sir William de Stratford-upon-Avon aurait fortement apprécié cette
version modernisée mais totalement fidèle de son Roméo et Juliette.
Après La Nuit des Rois
et Le Songe d’une nuit d’été, Nicolas
Briançon boucle avec cette pièce sa formidable trilogie shakespearienne. Il ne
faut pas y inclure évidemment son incartade de Divina avec la Reine Lear… Une fois de plus, il fait fort. Il en a transposé l’action dans une Vénétie plus
proche de nous, dans les années 50. L’histoire de Roméo et Juliette étant éternelle et universelle,
cela ne pose aucun problème de compréhension. Les costumes (toujours aussi
réussis) de Michel Dussarat sont essentiellement en noir et blanc. Cela donne
une véritable esthétique qui se marie impeccablement avec le décor formé de
grands panneaux gris mobiles. En fait, on s’en fout de ce décor stylisé et
minimaliste. Il ne sert que de cadre à l’action et, en fonction de ses
déplacements, on sait où l’on se trouve. Le seul élément qui attire vraiment l’attention
est le lit baladeur de Juliette. Il a son importance ce lit !
D’emblée, d’une part à cause de l’austérité des costumes, et
d’autre part grâce à la présence de cinq musiciens jouant en live, on se
retrouve dans une ambiance typiquement italienne mais dans le côté sombre des
clans mafieux. Entourés de leurs sbires, le père Capulet et le père Montaigu
sentent les parrains à plein nez. A peine cinq minutes après le lever de
rideau, une bagarre terrible éclate entre les deux clans, les femmes n’étant
pas les dernières à participer au pugilat. La violence, dans toutes ses formes
d’expression (physique ou psychologique), va être le fil rouge de l’histoire.
Nicolas Briançon a su s’entourer d’une troupe de comédiens
réellement convaincants. J’ai particulièrement apprécié les prestations de
Dimitri Storoge (Mercutio), Cédric Zimmerlin (Benvolio), Bryan Polach (Tybalt),
Valentine Varéla (Lady Capulet). Un ton au-dessus encore, je place le jeu tout
en force de Charles Clément (impressionnant de dureté dans le rôle du Père
Capulet) et celui plus retenu mais brûlant intérieurement de Bernard Malaka en
Frère Laurent.
Comme d’habitude, l’écueil avec les pièces de Shakespeare, c’est
leur longueur. Et encore, on en a amputé le texte d'une heure ! Seule, à mon avis, La Nuit
des Rois n’était pas trop encombrée de ces digressions lyriques et ces tirades
allégorico-bucoliques qui plombent un tantinet l’action du Songe d’une nuit d’été et de Roméo
et Juliette. Nicolas Briançon fait de son mieux en enchaînant les scènes
sans aucun temps mort mais, hélas, l’histoire, qui devrait être haletante, est
régulièrement ralentie par des monologues, de fort bonne qualité sur un simple
plan littéraire, mais la plupart du temps superflus, voire abscons. Il faudra
bien un jour qu’il se fasse violence et taille allègrement dans ces textes trop
riches pour y gagner en rythme et en intensité. Je pense que personne ne lui en
tiendrait rigueur… Avec vingt minutes de moins, son adaptation serait imparable
et nous laisserait à l’esprit un souvenir enchanté tant son travail est en tout
point irréprochable.
Venons-en enfin aux deux héros de cette tragédie. Ana
Girardot campe une formidable Juliette. Espiègle, mutine, pleine de vie,
fougueuse, on comprend tout de suite qu’elle ne va pas faire les choses à
moitié. Quand la passion s’empare d’elle, elle la vit à fond, exigeante et sans
concessions. Elle est d’abord candidement émerveillée par ce sentiment nouveau
qui s’éveille en elle puis, comme mue par un sentiment d’urgence, elle va se
donner corps et âme à celui que son cœur a choisi. Ana incarne la vie-même.
Elle s’approprie ce rôle écrasant avec une justesse étonnante…
Bizarrement, j’ai eu parfois un peu de mal avec Roméo. Niels
Schneider a incontestablement le physique du rôle. Il compose un Roméo
fiévreux, exalté, virulent, mais j’ai trouvé qu’il manquait de ce romantisme
qui fait fondre les jeunes filles en fleur. Il est plus impétueux et véhément
que tendre. Pourtant, quand il joue certaines scènes avec plus de retenue,
quand il laisse filtrer une vraie douceur, il est parfaitement émouvant. Et
puis il a un timbre de voix et un débit parfois trop rapide qui peuvent s’avérer
dérangeants pour la compréhension… Ne faisons pas néanmoins la fine bouche, il
forme avec Ana un très beau couple et leur complicité au moment des saluts fait
vraiment plaisir à voir.
On ne peut évoquer ce Roméo
et Juliette sans souligner la composition absolument réjouissante de
Valérie Mairesse dans le rôle de la Nourrice. Protectrice et aimante, elle est totalement
dévouée à sa jeune maîtresse. Pour la servir, elle accepte même de subir les
moqueries et les outrances des jeunes godelureaux des deux camps. Mais elle ne
s’en laisse pas conter, elle a de l’envergure et du bagou. Quelle savoureuse
composition ! Bien épaulée par Adrien Guitton, irrésistible en Grégoire,
elle apporte la seule note de franche gaîté dans cette sombre pièce. Sa
présence nous fait un bien fou, elle apporte le seul bol d’oxygène dans une
ambiance plutôt éprouvante.
Enfin, pour être complet, il faut aussi citer la beauté de
certains tableaux : les bagarres et les duels sont remarquablement
réalistes et chorégraphiés ; le bal est une jolie parenthèse autant
esthétique que légère ; la scène dans la chambre de Juliette est un beau
moment de comédie ; et le tableau final, celui du tombeau des deux amants,
est également très réussi (le silence qui règne dans la salle à ce moment est
impressionnant).
Mais qu’est-ce que c’est insupportable de faire mourir ce
deux jeunes gens ! Il est fou ce Shakespeare, il aurait pu se fendre d’une
happy end. Ils avaient le droit de la vivre leur passions Roméo et Juliette, ils
le méritaient…
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