Petit Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Edgar Quinet / Gaîté
Une pièce conçue et réalisée par Jean-Claude Idée
Décor de Bastien Forestier
Costumes de Sonia Bosc
Lumières de Jean-Claude Idée
Avec Emmanuel Dechartre (Montaigne), Adrien Melin (La
Boétie), Katia Miran (Marie de Gournay)
Présentation :
Cette pièce propose une réflexion sur l’éternelle opposition gauche-droite qui
déchire la société française. Comment des gens qui ne partagent pas du tout les
mêmes idées politiques peuvent-ils rester les meilleurs amis du monde ? La
Boétie était révolutionnaire et anarchiste. Montaigne royaliste et chrétien.
Leurs écrits, souvent ironiques et brillants, fournissent la matière des
dialogues et nous redécouvrons, avec surprise et jubilation, leurs disputes qui
ressemblent fort à celles de notre temps.
De son côté, Marie de Gournay complète ce triangle amical et
amoureux en ajoutant à tout cela un brin de féminisme et d’impertinence.
Mon avis :
L’action de déroule tour à tour dans l’un des trois endroits d’un décor très
simple : côté jardin, un petit bureau, côté cour un lit d’une personne et,
au centre, trône un superbe arbre nu stylisé au pied duquel on a disposé un
petit banc… Nous sommes en 1588, dans le pied-à-terre parisien de Montaigne.
Je tiens à vous rassurer sans plus tarder : cette pièce
dont les héros sont Michel de Montaigne et Etienne de La Boétie pourrait faire
peur, au contraire elle est à la fois fort intelligente, d’une modernité
stupéfiante et très vivante. L’ingéniosité de l’auteur est d’avoir habilement
mêlé les échanges philosophiques et le fonds historique et, surtout, d’avoir
glissé entre ces deux écrivains le personnage dynamique et séduisant de Marie
de Gournay.
La pièce commence avec son irruption dans le bureau de
Montaigne. Elle a 23 ans, il en a 55 ans. Elle est éperdue d’admiration pour
son œuvre et ne s’embarrasse pas de salamalecs pour le lui faire savoir. Mais
avant tout, elle veut avec lui crever un abcès qui la turlupine : pourquoi
a-t-il trahi son ami La Boétie en ne publiant pas, alors qu’il s’y était
engagé, son Discours de la servitude
Volontaire… Quand cette « trahison » lui est aussi vivement
rappelée, Montaigne sent entrer en lui le perfide poison du remords. Et, dès
lors, son ami va venir dans ses songes lui demander des comptes.
La construction de cette pièce est imparable. On ne s’ennuie
pas une seconde. Les caractères et les idées des deux hommes sont
remarquablement dessinés. La Boétie est un homme entier, fougueux, presque
brutal. Montaigne au contraire est beaucoup plus nuancé, il aime analyser avant
de trancher, il est comme un poisson dans les méandres de la politique. Ce qui
est sûr, c’est qu’il y a énormément d’estime et d’admiration entre eux. Preuve
que l’on peut être amis tout en ayant des idées souvent diamétralement opposées
(« Parfois les contraires s’attirent », constate Montaigne). Ce sont
deux beaux esprits qui se livrent à une explication post mortem. Ce que l’on
reproche à Montaigne, il l’élude en une seule phrase très explicite :
« Bien souvent, il y a loin de nos convictions à nos critiques ».
Lui, il doute, mais il est habile, il a un sens aigu de la diplomatie. Et,
surtout, par effet miroir sans doute, il a une confiance très limitée en l’homme :
« A quoi bon imposer des systèmes si les hommes restent les mêmes ? ».
Une attitude qui fait bouillir ce révolutionnaire de La Boétie aux positions
bien plus radicales : « Nous sommes au monde pour la changer, non
pour en jouir ». Mais Montaigne, il veut bien en jouir de ce monde et de
ce destin qui lui offre une ultime parenthèse amoureuse en la jolie personne de
Marie de Gournay.
Quel beau personnage que Marie. Et quelle épatante
comédienne que Katia Miran qui lui prête ses traits. Marie est une pionnière du
féminisme. C’est une femme libre. Elle sait ce qu’elle veut. Ses élans, son
déterminisme sont à la fois inconcevables et fascinants pour Montaigne. C’est
elle qui va au contact, qui rend compte et qui oriente les décisions.
Parce que c’était lui
est une pièce résolument moderne. Son texte, intemporel, contient une résonance
troublante avec l’actualité. Ses thèmes les plus forts et les plus récurrents
sont l’égalité et la liberté. Tout cela est formulé dans un langage d’une richesse
absolue. Et, en plus, il est servi par trois comédiens véritablement habités
par leurs personnages. Si cette pièce obtient le succès qu’elle mérite on
pourra affirmer en parlant de la qualité de leur jeu et de leur investissement :
Parce que c’était eux…
Gilbert "Critikator" Jouin
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