Théâtre Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté / Edgar Quinet
Une pièce de Brigitte Buc
Mise en scène par Jean Bouchaud
Décor de Jean Haas
Costumes de Carine Sarfati
Lumières de Franck Thévenon
Avec Valérie Lemercier (Hélène), Pascale Arbillot
(Gabrielle), Patrick Catalifo (Le garçon de café), Mélanie Bernier (Loulou)
L’histoire :
Gabrielle abuse du Lexomil, avalé à grandes lampées d’Armagnac et enchaîne les
amours catastrophiques avec de beaux mufles qui la laissent sur le carreau.
Loulou se fout des autres et n’aime que son fils.
Quant à Hélène, elle est au bord de l’implosion et tente
désespérément de donner le change par un optimisme forcené.
Ces trois femmes, qui se sont de prime abord regardées en
chiens de faïence, vont finalement se donner un sacré coup de main pour
traverser une période délicate de leur vie, sous l’œil narquois d’un garçon de
café en pleine crise de misogynie aigüe…
Mon avis : La
présentation ci-dessus résume parfaitement l’esprit de la pièce et définit en
quelques mots les caractères de ses quatre protagonistes. Trois d’entre eux,
Gabrielle, Hélène et le garçon de café, sont en plein mal-être ; pour
différentes raisons. Le quatrième personnage, Loulou, est visiblement le moins
perturbé parce qu’elle est protégée à la fois par son égocentrisme et son un bon
sens chronique. En fait, on est dans un Desperate
Housewives à la française.
On voit très vite que la pièce a été écrite par une femme
pour des femmes. Brigitte Buc a sans doute puisé dans son propre vécu et
observé de près les relations amoureuses de ses copines pour en brosser ensuite
trois archétypes : la célibataire en quête d’amour mais mal aimée
(Gabrielle), l’épouse et mère de famille délaissée (Hélène), et la mère
célibataire qui considère les hommes comme des objets (Loulou).
Une fois les profils psychologiques de chacune définis, il
suffisait de les mettre en présence, de les confronter les unes avec les
autres, de secouer le tout et de le porter à ébullition.
Je dois avouer que le premier tiers de cette pièce m’a fait
un peu peur. L’action se déroule dans un endroit improbable, une arrière-salle
plutôt glauque de café-restaurant (pourquoi y loge-t-on des client(e)s parce
que la salle est pleine ? Bizarre…). C’est dans cette espèce de no man’s
land que va avoir lieu la rencontre fortuite de nos trois héroïnes. Tout cela avec
la bénédiction d’un garçon de café goguenard et bourru qui va servir dès lors à
la fois de catalyseur et de représentant de la pensée masculine. Un rôle on ne
peut plus essentiel…
La pièce est divisée en quatre tableaux. Comme je le
signalais plus haut, j’ai vécu les deux premiers avec un certain détachement. Je
ne parvenais pas à entrer dans l’histoire tant je trouvais les personnages un
tantinet excessifs et les situations plutôt irréalistes. Les comédiens
faisaient très, très bien ce qu’ils avaient à faire, mais le trait était trop
gros, trop appuyé.
Et puis, hallelujah, à partir du troisième tableau, le « Chien »
s’est mis à faire le beau. Les pièces du patchwork se sont soudains
parfaitement assemblées, les personnages se sont débarrassés de toutes les
scories, ont trouvé leur réalité et j’ai commencé à prendre vraiment du
plaisir. En dehors de quelques dialogues parfois surréalistes (l’évocation des
kangourous par exemple), les rouages, enfin huilés, se sont mis à fonctionner
avec beaucoup plus de cohérence.
Cette pièce est servie par quatre remarquables comédiens. C’est
un pur bonheur que de les voir s’ébattre et se débattre. Bien sûr, Valérie Lemercier,
dont le personnage est le seul amené à faire le grand écart sur le plan
psychologique, nous offre une prestation de haut vol. Est-il besoin une fois de
plus de stipuler sa formidable présence comique. Elle est impeccable dans tous
les registres. A l’aise avec son corps, précise dans la moindre de ses
mimiques, elle nous fait rire et nous émeut du début à la fin…
Et elle est très bien épaulée. Pascale Arbillot joue les looseuses
avec un réalisme réjouissant. Acariâtre, bougonne, susceptible, désenchantée, mais
terriblement fleur bleue, on a vraiment envie qu’elle s’en sorte et on éprouve
pour elle un réel attachement… Mélanie Bernier est véritablement épatante. Elle
compose avec le personnage de Loulou une petite bonne femme dotée d’un sacré
caractère. Elle est positive, son franc-parler fait des ravages mais il place
ses interlocutrices en face de leur réalité. Son naturel, sa vitalité, son
charme piquant nous la rendent immédiatement sympathique.
Et puis il y a le seul élément masculin de ce Temps de chien, Patrick Catalifo. Pas
facile, a priori, de tirer son épingle du jeu face à ces trois harpies. Il faut
être sacrément costaud pour tenir front à trois furies soudain désinhibées. Et
bien, dans son rôle de contrepoids, il réalise un sans faute. Brigitte Buc lui
a écrit une superbe partition. Sous sa brutalité apparente, se cache un homme
blessé qui voue aux femmes une aversion assumée.
Grâce à ces quatre beaux personnages, humains et attachants, incarnés par quatre
comédiens hors pair, on peut sans se tromper, prédire à cette pièce un joli
succès. La quadruple prestation gomme sans difficulté les quelques imperfections
d’un texte souffrant par moment de complaisance et d’incohérences, mais qui,
dans l’ensemble tient bien la route. Je suis convaincu que ce Temps de chien va s’auréoler vite de l’arc-en-ciel
du succès…
Gilbert "Critikator" Jouin
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