Théâtre Saint-Georges
51, rue
saint-Georges
75009 Paris
Tel :
01 48 78 63 47
Métro :
Saint-Georges
Une pièce de Nicolas Poiret et Sébastien Blanc
Mise en scène par Jean-Luc Revol
Décors de Stéphanie Jarre
Costumes d’Aurore Popineau
Lumières de Philippe Lacombe
Avec Raphaëline Goupilleau (Mathilde), Bruno Madinier
(Arnaud), Anne Bouvier (Marie), Christophe Guybet (Bernard), Thomas Maurion
(Michaël), Valérie Zaccomer (Irène)
L’histoire :
La famille, ça peut être amusant pour peu qu’on soit joueur… Mathilde déteste
les secrets et quand il s’agit de cuisiner Arnaud, son mari, et Michaël, son
fils, elle sait se montrer très inventive. Trop peut-être ? Une chose est
sûre, cette famille adore régler ses comptes en public, et leurs amis se
trouvent toujours au milieu de leurs scènes de ménage. Le rire, la moquerie et
l’autodérision sont omniprésents… Jusqu’au moment où la vérité éclate, et les
sentiments, les vrais sentiments, font
leur apparition…
Mon avis :
Voici une pièce qui ne peut laisser indifférent tant, au cours de son
déroulement, on passe par des états d’esprit variés. D’abord, c’est une des
pièces les plus féroces, les plus impitoyables qu’il m’ait été donné de voir.
Et, pourtant, paradoxalement, elle diffuse en filigrane énormément d’amour. C’est
une des bizarreries de cette œuvre.
La force de Même pas
vrai !, c’est son texte. C’est un véritable tsunami de vacheries. Au
niveau des dialogues, c’est un train fou qui nous emporte, un véritable « cynique
railway ». Autant de perfidie dans les répliques, de situations
déstabilisantes à cause de ce qui est proféré, c’est quasi épouvantable. De ce
ping-pong assassin, on ne peut pas sortir indemne. Et c’est vrai que j’ai été
traversé sans cesse par des sentiments contradictoires.
Pour qui aime les bons mots, c’est un florilège. On en
consomme sans aucune modération. Mais lorsqu’on essaie de s’attarder sur l’intrigue,
on est un tantinet ballotté. Notre wagonnet incontrôlable nous entraîne parfois
dans des contrées qui ne nous rassurent guère. Où peut mener autant de méchanceté ?
Bonjour les dégâts collatéraux ! J’ai vu des gens quitter subrepticement
la salle en profitant d’un changement de décor… Il est sûr que si on la reçoit
stricto sensu, cette pièce a de quoi déstabiliser les rigoristes. Par moment,
submergé par une trop grande accumulation de propos vipérins, je me suis dit
que les auteurs, par pur plaisir d’en rajouter, se croyant à l’école des
vannes, avaient un peu trop chargé la mule. Il est vrai que ce peut être
enivrant.
A un moment, vers le milieu de la pièce, j’ai décidé de
lâcher prise et de me laisser porter sans essayer de m’accrocher à un
hypothétique réalisme. Et tout m’a paru soudain plus facile. J’ai pu goûter
sans arrière-pensée tout le sel de certaines formules qui faisaient vraiment
mouche. Et, surtout, j’ai enfin compris le personnage de Mathilde.
Mathilde est le pivot de la pièce. Tout tourne autour d’elle.
Il y a un réel masochisme à l’aimer. En fait, Mathilde fuit la réalité. Elle en
a peur. Alors, elle se construit et impose à ses proches un monde virtuel,
factice, qui lui permet de donner libre cours à sa fantaisie débridée et
assassine. Son mari, Arnaud, qui l’aime sincèrement, s’engouffre dans son jeu
et lui donne une brillante réplique. Leur fils, Michaël, qui se sait voué
depuis tout petit au rôle de tête de Turc, connaît par cœur la mécanique et
embraye sans difficulté pour se mettre au diapason… Ce n’est que des heures
plus tard – car cette pièce interpelle encore longtemps après – que j’ai
réalisé que Mathilde était une femme en souffrance et que chacun l’aidait à sa
manière, mais à tort, à supporter son mal-être.
Même pas vrai !
est un ovni qui a bien plus de fond qu’il n’y paraît. Elle repose entièrement
sur des dialogues écrits avec deux plumes trempées dans l’acide. Et il faut
saluer l’immense talent des six comédiens. On les sent impliqués, complètement dans
leurs personnages de frappadingues. La palme revient évidemment à Raphaëline
Goupilleau. Les auteurs ont mis dans la bouche de Mathilde les répliques, les
plus saignantes, les plus abominables. Elle les sert à ravir avec sa voix à la sonorité
si particulière. Et elle est remarquablement entourée par une brochette de
comédiens totalement désinhibés, qui n’ont peur de rien, et surtout pas du
ridicule. Certaines répliques ou situations provoquent des rires inextinguibles,
entraînant le reste de la salle.
Je ne sais pas si cette pièce trouvera son public. Même
quand on se pose des questions, on ne s’y ennuie pas une seconde tant elle est
rythmée et acerbe. Et elle est tellement bien interprétée !
Et si, finalement, tout ce que je viens de vous raconter, c’était
même pas vrai ? A vous d’aller
voir…
Gilbert "Critikator" Jouin
Gilbert "Critikator" Jouin
1 commentaire:
Votre analyse est très éclairante, et exprime parfaitement mon propre sentiment vis à vis de ce texte: j'ai eu beaucoup de mal à adhérer, car tous les personnages (sauf la psy) vannent en permanence, et du coup les vannes ne font pas saillie, et on est embarqué dans un univers presqye parallèle. Pour comparer avec la pièce d'Assous "Les Belles soeurs": il n'y avait qu'un personnage de ce type (joué par Sabine Haudepin), et cela entraînait des micro-conflis, des malentendus: cela contribuait à la dramatisation (comique). Ici, pas de dramatisation, ce qui est une facilité, à mon sens: c'est une pièce psychologique, en fait. Mais c'est excellemment mis en scène et superbement joué. Raphaëline Goupilleau est proprement renversante. J'ajoute que mes enfants (autour de 20 ans), ont adoré, c'est donc qu'il y a quelque chose de générationnel dans cet humour. Je crois que tout est là: c'est de l'humour en permanence, et l'humour n'est pas le comique.
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