Théâtre Antoine
14, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 42 08 77 71
Métro : Strasbourg Saint-Denis
Une pièce de Laurent Ruquier
Mise en scène par Marie-Pascale Osterrieth
Lumières de Laurent Castaingt
Décors de Pierre-François Limbosch
Costumes de Charlotte David
Musiques de Jacques Davidovici
Avec Michèle Bernier
(Claudine) et Frédéric Diefenthal
(Valentin)
L’histoire :
‘Je préfère qu’on resta amis » c’est la phrase qu’il ne fallait pas
prononcer. La réponse toute faite que Claudine ne voulait jamais
entendre ; et surtout pas de la bouche de Valentin à qui, ce soir-là, elle
a enfin décidé de dévoiler son amour.
Mon avis : J’ai
vu toutes les pièces de Laurent Ruquier. Il y en a que j’ai beaucoup aimées, d’autres
moins. Au niveau de l’écriture, je tiens Je
préfère qu’on reste amis pour la plus aboutie, la mieux ciselée. Il nous a
pondu là une vraie comédie romantique, mais pas romantique avec la bouche en cœur
et les violons, bellâtre suffisant et couguar enamourée… Une histoire d’amour jamais
sirupeuse avec des mots de tous les jours, moderne, incisive, rythmée et
terriblement drôle… Mais pas que drôle. Il y a distillé ça et là quelques
plages d’émotion qui nous prennent bien à la gorge. Et, surtout, il a dessiné
deux très beaux caractères de femme et d’homme ce qui lui permet de les mettre en
opposition aussi bien dans la tendresse que dans la violence. Car Claudine et
Valentin sont rarement au diapason. Tout au long de la pièce, ils évoluent en
parallèle, en décalage, et on passe notre temps à se demander si ces deux
parallèles vont finir à se croiser à un moment. C’est très, très bien construit,
tout à fait cohérent et plein d’humanité. Les personnages existent, on y croit.
Chacun d’eux propose (ou oppose) à l’autre une argumentation qui se défend.
C’est du concentré de Ruquier. Il y a mis le meilleur de
tout son savoir-faire. Pas une seule fois, il ne s’est laissé aller à son pêché
mignon, le calembour gratuit. Ici les jeux de mots, les vannes, les saillies
viennent toujours à propos. De même a-t-il réussi à y placer son amour de la chanson
en faisant interpréter à cette midinette de Claudine quelques extraits qui,
plutôt que de figer l’action, s’inscrivent joliment dans le propos et le soulignent.
Ces chansonnettes font partie intégrante de l’action. En plus, elles nous
donnent à découvrir un talent de chanteuse que Michèle Bernier nous avait
jusque là bien caché.
Les dialogues sont remarquablement troussés. La pièce, fort
bien construite avec ses rebondissements inattendus, nous fait passer du rire à
l’émotion, de la folie douce à la raison. La mise en scène, tonique, offre son
lot de surprises de bon aloi. Excellente idée que cette double succession de
monologues devant le rideau au cours desquels Claudine et Valentin se livrent à
leur propre analyse de la situation.
En même temps, cette pièce, pour remarquablement écrite qu’elle
soit, vaut également par la prestation de ses acteurs. On sait que Laurent
Ruquier a écrit le rôle de Claudine à l’intention de Michèle Bernier. La connaissant
par cœur, il savait parfaitement ce qu’il pouvait lui faire dire et jouer. Il
lui a fait du sur mesure. Michèle peut donner libre cours à sa fantaisie
débridée, à son énergie dévastatrice mais également laisser apparaître sa
grande fragilité et son côté fleur bleue. Quand on vous dit que c’est une
comédie romantique !
On savait tout l’étendue du talent et de la sensibilité de
Michèle, mais encore fallait-il qu’on lui adjoigne un partenaire qui puisse lui
rendre la pareille. Frédéric Diefenthal nous offre une composition à la fois toute
en finesse et en autorité. Comme son personnage a, contrairement à celui de
Claudine qui ne cache rien, quelques zones d’ombre, il doit faire appel à toute
une palette de sentiments. Sans cesse aiguillonné, poussé dans ses
retranchements, il fait preuve d’une sacrée vitalité, d’une profonde honnêteté
et d’un fameux sens de l’humour… La sincérité avec laquelle Michèle et Frédéric
jouent leurs personnages est d’ailleurs un des autres grands atouts de la pièce.
Quand je parle d’autres atouts, je pense au décor qui est d’une
beauté enchanteresse. On peut jeter des fleurs à Pierre-François Limbosch. Evoluer
dans un tel décor doit sacrément aider les comédiens à se sentir romantiques.
Le seul problème que j’ai rencontré hier soir (jour de la
Saint Valentin, s’il vous plaît) c’est que les gens rient tellement et se
mettent spontanément à applaudir qu’ils couvrent la fin de certaines répliques.
C’est d’un frustrant ! A moins que ça soit fait exprès pour que l’on se
procure le livret de la pièce à l’issue du spectacle… Non, sincèrement, il y a
des réparties qui sont vraiment d’un très, très haut niveau.
La pièce dure 1 h 40 et on ne voit pas le temps passer. Ça se
sent, Laurent Ruquier préfère qu’on reste ravis.
Gilbert "Critikator" Jouin
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