5, rue Nicolas Appert
75011 Paris
Tel : 01 48 07 52 07
Métro : Richard-Lenoir
Une comédie écrite et mise en scène par Tristan Petitgirard
Décor d’Olivier Prost
Lumières de Denis Schlepp
Costumes de Mélisande de Serres
Avec Olivier Sitruk (Eric), Hélène Seuzaret (Gaëlle), Benoit
Solès (Hyppolite)
L’histoire : Rompre n’est jamais agréable, alors
pourquoi ne pas payer quelqu’un pour le faire à votre place…
Un soir, Eric Vence, fondateur de l’agence « Rupture à
domicile », est missionné par Hyppolite pour annoncer à sa compagne qu’il
a décidé de la quitter.
C’est là qu’Eric tombe sur Gaëlle, son ex, partie sept ans
plus tôt sans la moindre explication. Evidemment, Eric ne lui dit pas qu’il a
été engagé. Il pense avoir un coup d’avance, car en la retrouvant il sait avant
elle-même qu’elle est sur le point de redevenir célibataire… Mais Eric est loin
de se douter que son client a changé d’avis et surtout qu’il va les rejoindre…
Un trio amoureux inédit se met alors en place : l’ex,
la femme et le futur ex. c’est le début d’un poker menteur explosif dont
personne ne ressortira indemne.
Mon avis : C’est
sur la mélodie de Un jour mon prince
viendra qu’Olivier Sitruk fait son entrée sur scène. Mais le romantisme
douçâtre de cette musiquette disneyenne est immédiatement mis à mal lorsque le
personnage qu’il incarne s’adresse à nous pour nous présenter sa profession. De
sa belle voix chaude, il explique qu’il a créé une agence spécialisée dans la
rupture. Il intervient en lieu et place d’un des deux partenaires pour apprendre
à l’autre qu’il va le/la quitter. Justement, un homme vient de l’appeler pour qu’il
aille informer sa compagne de son désir de rompre leur relation. Nous allons
donc l’accompagner en direct dans sa mission. Et la pièce commence…
Eric (Olivier Sitruk) fait donc irruption dans l’intérieur
coquet de Gaëlle. A peine la porte s’ouvre-t-elle sur lui que tout dérape. Gaëlle
n’est autre que son ex qui l’a quitté sept ans plus tôt sans lui fournir la
moindre explication. La surprise ayant fait place à l’émotion des
retrouvailles, il est évident que le message qu’il a à transmettre passe au
second plan. Mais là où tout va se corser, c’est que Hyppolite, le compagnon de
Gaëlle, vient brutalement de changer d’avis et il déboule à son tour dans l’appartement…
Le trio infernal est formé. On se cale dans notre siège et on se prépare à
assister à un âpre combat…
Voici donc le postulat de cette pièce. L’idée est on ne peut
plus originale. Reste à voir comment tout ceci va évoluer et si on va être
captivé tout du long par les tribulations de ce triangle amoureux.
Déjà, la force de cette pièce, ce sont ses trois
protagonistes. Chacun d’eux possède un tempérament bien spécifique. Les deux
hommes ont des caractères diamétralement opposés. Autant Eric est calme, posé, doté
d’un humour à froid (j’ai adoré la sonnerie de son portable) et un tantinet
manipulateur, autant Hyppolite est premier degré, émotif, survolté et
prévisible. Leur opposition de style, les gesticulations du second face à froide
sobriété du premier, est un ressort comique très efficace. On ne peut pas les
confondre : l’un (le sérieux) est logiquement habillé en noir, l’autre (le
farfelu) porte une chemise bleu ciel… Quant à Gaëlle, elle est la passerelle
entre les deux. Ignorant tout de la machination dont elle est l’objet, elle va
devoir s’adapter au fur et à mesure que les informations lui viennent et
utiliser des armes qui lui sont propres.
Disons-le tout net, j’ai eu du mal pendant un gros quart d’heure.
Celui qui suit l’arrivée en scène d’Hyppolite. Lorsqu’il invente « le Fou »,
il entre dans une débauche de mimiques et de contorsions que ça en devient
lourd. Il en fait des caisses. Il est peu crédible. J’ai beau me dire que c’est
le scénario qui le veut, mais je suis au bord de la rupture et j’ai envie de
regagner mon domicile.
Puis, magie du spectacle, lorsqu’Hyppolite se décide à
éradiquer « le Fou », tout commence à se mettre en place. Bien sûr,
on assiste de part et d’autre à une surenchère des mensonges, chacun cherchant
à s’y retrouver tout en en inventant un plus gros. Ces mensonges-gigogne
contribuent à l’édification d’un édifice dont chaque brique est branlante.
Impossible de construire quoi que ce soit quand tout est vacillant.
Progressivement et de plus en plus intensément, je me suis
laissé happer et mordre par ce huis-clos aux multiples rebondissements. Oubliées
les quelques grosses ficelles du début, l’ouvrage passe à la dentelle. On n’a
plus qu’à se laisser porter. On rit beaucoup et souvent, mais peu à peu l’intrigue
distille des plages d’émotion. Vers la fin, on est cloué par un moment de
tension impressionnant.
Rupture à domicile
est un formidable gymkhana sentimental. A partir du moment où on a accepté la
part d’irrationnel nécessaire à toute fiction, tout reste plausible. On
comprend ainsi tout à fait que Gaëlle soit tiraillée par deux spécimens de
mâles aussi différents. Elle apprécie la rigueur de l’un tout autant que la
fantaisie de l’autre, le côté adulte d’Eric, les comportements parfois puérils
d’Hyppolite. L’idéal pour elle, finalement, ne serait-ce pas la synthèse des
deux ?
Interdit de dévoiler le dénouement. De toute façon, avec l’esprit
aussi créatif, voire tordu, de l’auteur, on peut imaginer qu’il peut encore y
avoir un rebondissement après les saluts. On est à l’abri de rien.
Je terminerai par un hommage absolument respectueux et
admiratif devant la performance artistique des trois comédiens. Olivier Sitruk est
parfait d’un bout à l’autre. La puissance comique de Benoit Solès est
effarante. Et Hélène Seuzaret, que l’on de voit pas assez au théâtre à mon goût
(elle était remarquable dans Plus vraie
que nature), possède le registre le plus complet qui soit. Elle est juste
dans toutes les situations. Et puis elle a un sourire !...
Gilbert « Critikator » Jouin
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