Le Point Virgule
7, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie
75004 Paris
Tel : 01 42 78 67 03
Métro : Hôtel de Ville
Ecrit par Tano
Avec la collaboration de Patrice Costa et Thomas Gaudin
Présentation :
Quel est le rapport entre un chasseur nationaliste corse, une prostituée
avant-gardiste acrobate, un flic de la Bac rappeur et un clochard salarié à la
Française de jeux ?
C’est Tano…
Mon avis : Tano…
Ah, Tano. Quel personnage ! Je l’ai découvert il y a quatre ans. Avec son univers
bien à lui, sa façon de bouger, son phrasé particulier, il se démarquait déjà
des autres humoristes. Mais il se cherchait encore. Il était à la croisée des
chemins, cherchant sa voie. Il avait trop de cordes à son arc pour définir
quelle serait sa cible. Petit à petit, multipliant les expériences dans
différents festivals et sur quelques scènes parisiennes, il a fini par se
prendre au jeu et à trouver sa place. Et, surtout, à décrocher une réelle
légitimité. Tano est un Humoriste, avec un grand « H ».
Aujourd’hui, maintenant qu’il commence à croire en son
talent (il a fallu que ses proches lui serinent souvent qu’il en avait), il a
pris confiance en lui. Et le résultat est époustouflant. Le fait que ses deux
grandes passions soient la musique (il est batteur) et le cinéma (il a fait le
cours Florent), se synthétise lorsqu’il est sur scène : il possède toute
la palette de jeu d’un acteur consommé et il y ajoute un sens du rythme et de
la rupture propre aux percussionnistes…
Il a désormais une maîtrise parfaite de son personnage. Le
cheveu hirsute, la barbe sauvage, la démarche nonchalante, il n’est visiblement
pas là pour se la raconter, mais pour NOUS raconter des histoires dans lesquelles
il nous fait rencontrer quelques personnages particulièrement gratinés. Ce qui
est bien, c’est que, entre chaque sketch, il part dans des réflexions personnelles,
des digressions le plus souvent propices à des vannes décapantes. Il peut aussi
bien évoquer sa crise de la quarantaine que revendiquer son amour de l’argent,
aborder un sujet aussi délicat que la zoophilie, ironiser sur les sites de
rencontre et se complaire à asséner des contre-vérités qui nous rendent tout
réjouis. Comme il se moque beaucoup de lui-même il peut se permettre de déglinguer
n’importe qui. C’est une sorte de tireur d’élite, un sniper, dont chaque
projectile, uniquement utilisé à bon escient, fait mouche à tout coup.
Tano est un métis. Il est le résultat d’un mélange
marseillais et corse. Mais, à l’évidence, les globules de son sang insulaire ont
un tantinet bouffés les phocéens. Raison pour laquelle son spectacle est si
corsé. S’il était un arbuste du maquis, il serait à n’en pas douter un
calicotome spinosa, un calicotome épineux. Car pour piquer, il pique ! Toutefois,
comme il est très, très joueur, il ne pique pas pour faire mal ; certes,
ça peut parfois blesser. Mais il a une telle façon, presque désinvolte, de
planter ses épines, qu’on lui pardonne tout. Même quand il lui arrive de se
montrer féroce (et ça arrive souvent), on sent qu’il ne possède pas une once de
méchanceté. On rit de bon cœur, sans gêne, sans arrière-pensée. D’ailleurs,
quand il va très loin dans le corrosif, ça le fait rire aussi. Il arrive qu’il
se fasse huer par le public féminin. Mais il n’y peut rien, c’est son
personnage, l’Oncle Antoine, misogyne assumé, qui est comme ça. Lui, Tano, il n’y
est pour rien. Pareil lorsque des « Oh » horrifiés retentissent
parfois. Il n’est pas responsable non plus des mots utilisés par un rappeur.
Même si ce rappeur est un flic de la Bac.
Ses personnages. Parlons-en de ses personnages. Ils sont au
nombre de six. Tous plus hauts en couleurs les uns (ou les unes) que les
autres. Ils sont aussi remarquablement dessinés qu’interprétés. Les textes sont
ciselés et le jeu est d’une qualité absolue. Le « clodo bingo » est
un véritable délice d’humour noir doublé d’une leçon de vie édifiante sur les
travers humains… L’oncle Antoine, avec son superbe accent corse et des
borborygmes, est tellement savoureux et tellement réaliste qu’il rend toute la
salle hilare… Le texte du flic rappeur est un petit bijou de parodie qui permet
à Tano de se lâcher avec une gestuelle appropriée pas si caricaturale que ça
finalement… Je ne dévoilerai rien de plus de la copine Sophie et de sa tête à
la Bogdanov… Pour moi, la péripatéticienne égrenant son échelle tarifaire est
un sommet de drôlerie. Une véritable prouesse, tant dans son écriture que dans
sa déclamation. Un très grand moment !… Et enfin, le fameux sketch du
nationaliste corse, élevé au rang de « tube », ne se présente plus
tant il est abouti. On dirait un extrait de film.
Tano… Ah, Tano ! Vous l’aurez compris. Le seul en scène
de Tano nous fait rire sans répit du début à la fin. Parfaitement structuré, il
ne fait que monter en puissance… Avec ce Corse-là, on est Maure de rire.
Gilbert « Critikator » Jouin
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