L’Archipel
17, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 48 00 04 05
Métro : Strasbourg Saint-Denis
Présentation :
Arlette Davidson reprend la direction du Collège Sainte Jacqueline de
Compostelle.
Mais, très vite, l’enthousiasme de la rentrée s’estompe face
aux problèmes quotidiens : pénurie de profs, absentéisme du corps
enseignant, vétusté des bâtiments, etc… De la prof sadique et élitiste à celle
qui entame sa troisième année de dépression chronique, c’est clair, l’année
scolaire promet d’être « fatigante, fatigante, fatigante »…
Mon avis :
Pour avoir régulièrement apprécié ses différentes compositions dans l’émission « On
n’ demande qu’à en rire », je savais à peu près à quoi m’attendre en
allant découvrir le nouveau seule en scène de Zidani à l’Archipel. Je subodorais
que ce serait intelligent, drôle, surprenant et pas anodin.
Et bien c’est exactement ce type de spectacle auquel j’ai
assisté. Fine lettrée (elle est licenciée en Histoire de l’Art et professeur de
religion protestante), Zidani porte un soin tout particulier à l’écriture. Les
phrases sont remarquablement construites et les mots sont bien pesés. Mais,
au-delà de ses qualités d’auteure, la jeune femme s’avère être une comédienne
accomplie avec un éventail étonnant dans tous les registres. Elle adore jouer
avec sa voix, n’hésitant pas à monter très haut dans les décibels quand il le
faut, incroyablement expressive (son visage en caoutchouc passe en un dixième
de seconde du sourire enjôleur au regard chargé de menaces et elle excelle dans
l’utilisation de tics qui se montrent plus éloquents et explicites que les mots
pour signifier u état d’esprit), très physique (elle saute, elle danse, se
livre à des chorégraphies improbables), elle fait preuve pendant une heure et
demie d’une débauche d’énergie effarante. Et quelle gestuelle !
Zidani est habitée. Littéralement habitée. En elle, ce sont
plusieurs aliens qui cohabitent ; des personnages qui vont défiler et,
pour certains, revenir devant nous. Qu’on le veuille ou non, nous sommes partie
prenante dans son spectacle. Elle nous y intègre d’office puisqu’elle considère
d’autorité que nous, les spectateurs, nous sommes en fait les élèves d’une
classe qui vont devoir écouter les discours de la directrice et affronter ou
subir les comportements pour le moins déconcertants de professeurs déjantés.
Zidani voit tout. Elle repère ses victimes, les interpelle, les apostrophe et n’hésite
pas à fondre sur eux quand sa vindicte déborde. Impossible de somnoler dans son
coin ou de mâcher mollement son chewing-gum…
Crédit photo : F. Moulaert |
Nous sommes au Collège Ste-Jacqueline de Compostelle, une
institution qui fleure bon l’enseignement catholique mais, à l’énoncé des
prénoms, on s’aperçoit qu’il y règne un grand brassage ethnique. En plus, il
apparaît que s’y épanouissent plus de cancres que de bons élèves. Leur peu d’appétence
pour la chose scolaire et leur propension à l’indiscipline et à l’insolence,
ont des conséquences directes sur le système nerveux des enseignants. D’ailleurs
madame la directrice, faisant preuve d’une extrême lucidité, n’hésite pas à
décréter : « Ici, nous avons besoin de professeurs plus résistants
que compétents ». Tout est dit !
Zidani sait à la perfection se glisser dans la peau de
personnages très différents, et physiquement, et psychologiquement. C’est très
abouti. Il en ressort une galerie d’individus plutôt hauts en couleurs : prof de
religion hallucinée, à la chevelure ébouriffée, au bord du burn out ; prof
de français - qui possède une ressemblance confondante avec Martine Aubry -
docte, pénétrée, caustique et férue d’humour noir ; prof de chant hirsute
affublée d’une pull-serpillère jaune poussin ; prof de gym à la coiffure
rousse hyper-frisée et au haut de survêt présentant un camaïeu de couleurs
flashy du meilleur goût…
En outre, Zidani utilise à bon escient un écran pour nous
proposer quelques petits films, reportages ou portraits, qui nous permettent de
retrouver certains personnage ou d’en découvrir d’autres, comme l’inénarrable
Chantal Trognon.
Vous l’aurez deviné, La
rentrée d’Arlette est un spectacle complet. Il y a de la comédie, du mime,
du burlesque, du tragique, du chant, de la danse, du cinéma, de l’interactivité
(et pas qu’un peu !)… Pourtant, lorsqu’on cogite un tantinet, on s’aperçoit
que Zidani s’est malicieusement ingéniée à faire passer quelques messages et à
dénoncer pas mal de dysfonctionnements dans le système scolaire. Derrière le
délire et la folie des personnages, elle nous confronte à de véritables drames
humains. Ici, la névrose n’est pas présente gratuitement. Elle est tangible,
édifiante, inquiétante. Et Zidani sait de quoi elle parle, elle qui a enseigné
pendant une dizaine d’années. L’humour lui permet d’évoquer avec légèreté des
sujets graves et aussi fondamentaux que l’éducation.
On a bien ri pendant une heure et demie, mais on nous a
donné à réfléchir pendant bien plus longtemps. C’est là une des vertus
cardinales de l’humour (quand il est servi par des gens intelligents et
concernés)…
Gilbert « Critikator » Jouin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire