Apollo Théâtre
18, rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
Tel : 01 43 38 23 26
Métro : République
Mardi, mercredi à 20 h
Ecrit par Laura Laune et Jérémy
Ferrari
Mis en scène par Jérémy Ferrari
Présentation : Laura, cette jeune et jolie blonde au visage d’ange
tellement innocent arrive sur scène… Que réserve-t-elle ?
Laura Laune n’a aucune limite,
elle ose tout ! Dans un humour noir décapant et une irrévérence totale, la
folie angélique de ses personnages emplis de paradoxe donne le frisson :
est-elle innocente ou méchante ? Consciente de ses propos ou simplement
folle à lier ? D’une comptine pour enfants qui part en vrille à une
galerie d’individus totalement barrés, le spectacle réserve bien des surprises.
Mon avis : 20 heures. La petite salle de l’Apollo est archi
bondée lorsque Laura Laune fait son entrée sur une musique symphonique. Petite
robe noire, blonde, mignonne comme tout, gracieuse, large sourire craquant… On
lui donnerait le bon Dieu sans confession. Sauf que, pour elle, « aller à
confesse » se conjugue dans son sens phonétiquement le moins sacré…
Elle commence par nous raconter
ses premiers pas dans l’enseignement. Soudain, il me semble avoir perçu un gros
mot. Ai-je bien entendu ? Par quel malencontreux sortilège une aussi jolie
bouche a-t-elle pu proférer un tel propos ? J’ai dû mal comprendre… Et
puis, voici qu’elle sort une nouvelle insanité. Et encore une autre !... Cette
fois-ci, j’ai bien entendu ; et je commence à avoir confusément une petite
idée. Et si derrière ce charmant sourire candide se cachait un petit
démon ?
Bon sang, mais c’est bien sûr.
Tout est pourtant annoncé sur l’affiche : « Le diable est une
gentille petite fille ». On est prévenu. La dite « petite
fille » est là, devant nous, sur la scène, mais elle est envoûtée. Elle
n’est qu’un des nombreux avatars qu’utilise Lucifer pour se rendre attrayant. On
dirait un ange, or c’est une petite diablesse. Si Colette avait encore été
parmi nous, je suis sûr qu’elle aurait choisi Laura pour incarner son
« Ingénue libertine » !
Seule en scène (« A Laune on
stage » – j’utilise l’anglais en clin d’œil à un exercice de traduction
simultanée auquel elle se livre à un moment du spectacle), Laura Laune
s’installe dans une case qui n’appartient qu’à elle. S’accompagnant d’une
gestuelle du genre de celle qui cherche toujours à s’excuser d’avoir laissé
échapper une énormité, elle piétine allègrement les codes de la bienséance. De
ses petites tennis argentées, elle foule tous les tabous. Et tant pis si ça
laisse des trash.
Laura est en décalage permanent.
Œil de biche, dent de louve et langue de vipère, elle campe un personnage qui
n’existait pas encore dans notre panorama humoristique. Elle débite une légion
d’horreurs, illustre ses propos d’images audacieuses, émet des comparaisons
gonflées, balance des petites phrases qui tuent (« Maman,
pourquoi ?... »). Elle possède un sens aigu de la vanne à
tiroir : on croit qu’elle a fini sa phrase et, vlan, elle nous assène une
autre vanne encore plus forte qui s’achève sur une chute mortelle.
Dans la salle, ça pouffe de toute
part. On capte ça et là un « Oh » offusqué, on s’amuse d’un murmure choqué,
mais on est tous dans un état de grand contentement. Les rires sont brefs, mais
continus, car Laura ne nous lâche pas une seconde. C’est coquin, grivois,
hardi, osé, croustillant tout en ayant du fond, beaucoup de fond. Il y a chez
elle un vrai réalisme. Lorsqu’elle traite du racisme, par exemple, ou de l’éducation
des enfants. Il vaut mieux être ouvert au second degré…
La qualité d’écriture de ce
spectacle est à mettre en évidence. C’est du haut niveau. Que ce soit dans
l’exercice de la parodie (bel hommage rendu à Lesbos en pleine Ecole des fans), que dans celui du conte
pour enfants (quel grand moment que cette fable qu’on prendrait pour du La
Fontaine revisité par un Marquis de Sade zoophile !).
On comprend d’autant mieux son ton
et son univers quand on sait qu’elle a coécrit son spectacle avec Jérémy
Ferrari. A l’inverse du sage Jiminy Cricket qui est la bonne conscience de
Pinocchio, Jérémy Cricket est le petit démon irrévérencieux qui pousse Laura
Laune à dire des choses que l’on n’oserait jamais imaginer sortir de la bouche
d’une aussi délicate jeune femme. Bon, c’est vrai, je suppose qu’il ne faut pas
la pousser très fort. Aimer choquer, adorer déranger, cela doit faire partie de
son ADN. En tout cas, ce qui marche vraiment bien, c’est ce contraste entre son
apparence et ce qu’elle dit. C’est le grand écart… de langage.
La Belgique nous envoie une fois
de plus une artiste originale, inventive, de grand talent, doublée d’une
excellente comédienne. Laura Laune a créé un Personnage. Un personnage
diablement drôle et attachant. Elle est vraiment d’enfer !
Gilbert « Critikator »
Jouin
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