Petit Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté / Edgar Quinet
Du mardi au samedi à 19 h. Le
dimanche à 15 h
Une pièce d’Alain Teulié
Mise en scène par Raphaëlle
Cambray
Décor de Catherine Bluwal
Costumes de Virginie Houdinière
Lumières de Marie-Hélène Pinon
Misique de Jean-Marc Istria
Avec Delphine Depardieu
(Constance Mozart), Guillaume Marquet (Franz-Xaver Süssmayr)
L’histoire : Vienne, décembre 1791… Wolfgand Amadeus Mozart
vient de mourir. Constance, sa veuve, doit faire front. Seule et désargentée,
il lui faut trouver le disciple capable de terminer le fameux Requiem.
Franz-Xaver Süssmayr, qui ne la laisse pas indifférente, sera-t-il à la hauteur
du maître ?
Mon avis : Mozart est mort, vive Mozart !... Bien qu’absent
de cette pièce - et pour cause – Wolfgang Amadeus Mozart y est omniprésent. Son
fantôme flotte dans le boudoir dans lequel sa veuve, Constance, reçoit celui en
qui elle voit le compositeur capable de terminer le Requiem, Franz-Xaver
Süssmayr, un élève du défunt…
Pour Constance, il n’est plus temps
de faire son deuil. Sa priorité est bassement matérielle. Son génie de mari,
endetté chronique, l’a pratiquement laissée sans le sou. Et elle a deux bouches
à nourrir, Karl-Thomas, qui a 7 ans, et Franz-Xaver (tiens-tiens, le même
prénom que Süssmayr…), né en juillet 1791, ce même mois où son père a commencé
à écrire le fameux Requiem… Constance n’a donc pas à tergiverser. Si elle veut
gagner quelques florins, il serait avisé que quelqu’un honorât cette commande
faite à Mozart en en terminant l’écriture. Constance connaît bien (très bien ?)
Franz-Xaver. Il était l’assistant de son mari depuis le début de l’année, son
souffre-douleur aussi, et il connaissait l’œuvre sur laquelle Wolfgang planchait
en dépit de la maladie.
Dès le début de la pièce, Constance
nous apparaît comme une femme forte, pragmatique et peu encline aux
bondieuseries. Accablée par les dettes et les médisances elle y va franco. « Ainsi
font-elles toutes » quand elles ont le dos au mur. Il faut que Franz-Xaver
se mette à l’ouvrage. C’est à sa portée. Or, celui-ci la joue un tantinet
complexé. Non seulement, il est d’évidence un amoureux transi (après tout, il n’a
que quatre ans de moins que la Constance), mais il est également pétri d’admiration
pour son maître. Aussi idéaliste et exalté que timoré, il ne va pas cesser de
louvoyer ; un coup emballé, un coup défaitiste. Pas facile pour Constance.
Il va s’en suivre une sorte de joute entre deux personnes qui s’estiment, se
respectent et qui, à différents niveaux, ont besoin l’un de l’autre.
Le texte est une petite merveille
de finesse. Les dialogues coulent à nos oreilles comme une petite musique de
nuit. Et, surtout, c’est très riche en informations et en anecdotes. Mozart est
là, tout le temps, en fil rouge. Constance et Franz-Xaver son unis dans son
souvenir. Et puis, tout doucement, un quatrième personnage pénètre subrepticement
sur la scène : la musique de Mozart. D’abord discrète, en toile de fond,
elle se fait de plus en plus présente, soulignant de façon subliminale l’état d’esprit
des deux protagonistes. La montée en émotions atteint alors son paroxysme. L’hommage
au regretté « Wolfie » se fait vibrant et, en parallèle, le duel
entre ses eux « héritiers », légitime et artistique, se fait de plus
en plus âpre… Constance n’est pas une « fausse ingénue », loin de là,
et Franz-Xaver n’a pas le pouvoir de séduction, l’autorité et le cynisme d’un « Don
Juan ». Place au double jeu, aux cachotteries, aux révélations. On est
tenu en haleine jusqu’à la dernière note, jusqu’au dernier mot.
S’appuyant sur une partition simple
et riche, sur une construction habile, les deux comédiens peuvent s’en donner à
chœur joie. Ils sont réellement épatants. Ils incarnent leurs personnages avec
une authenticité qui nous réjouit et nous émeut. Ce sont deux brillants
solistes qui jouent à l’unisson. Delphine Depardieu, qui a déjà joué dans une
bonne quinzaine de pièce, trouve là un rôle qui ne devrait pas laisser
insensibles les producteurs. Elle passe avec beaucoup de justesse par tous les
états d’âmes que peut ressentir Constance Mozart : la détermination, la mélancolie,
la méfiance, le découragement, l’espoir… Quant à Guillaume Marquet, musicien
lui-même, la redingote de Süssmayr lui va comme un gant. Son jeu est tout en
subtilité ; le plus souvent en retenue, il peut passer en un quart de
seconde de l’introversion à l’exaltation, voire à l’agressivité. C’est un grand
émotif, le Franz-Xaver, son combat est perdu d’avance face à une femme pour
laquelle il éprouve du sentiment qui allie rouerie et persuasion.
Quel beau duo ! On a du mal
à en imaginer d’autres qu’eux dans ces deux très beaux rôles. Personnellement, Le dernier baiser de Mozart m’a fait
saliver de plaisir. C’est une pièce qui rend service au théâtre parce qu’elle
est intelligente sans être jamais didactique ou pédante, et parce qu’elle est
avant tout profondément humaine en mettant en avant des sentiments que nous
pouvons tous éprouver.
Un bon auteur, une belle
histoire, une excellente mise en scène et deux remarquables comédiens, que
voulez-vous de plus ?
Gilbert « Critikator »
Jouin
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