Théâtre La Bruyère
5, rue La Bruyère
75009 Paris
Tel : 01 48 74 76 99
Métro : Saint-Georges / Pigalle
Une comédie de Daniel Colas
Mise en scène par Daniel Colas
Décor de Jean Haas
Costumes de Jean-Daniel
Vuillermoz
Lumières de Kevin Daufresne
Musique de Sylvain Meyniac
Avec Béatrice Agenin (Louise de
Savoie, la Louve), Gaël Giraudeau (François 1er), Coralie Audret (la
Reine Marie), Maud Baecker (le Reine Claude), Yvan Garouel (le conseiller),
Adrien Melin (Suffolk), Patrick Raynal (Louis XII)
L’histoire : En 1515, comment les folies amoureuses de
François 1er ont failli lui coûter le trône de France, et ce malgré
la féroce vigilance de la Louve, sa mère.
Une comédie malicieuse et
bouillonnante où s’entremêlent les chausse-trappes des allées du pouvoir et les
intérêts personnels.
Mon avis : 1515… Voici bien une date que tous les écoliers
français retiennent à vie. Il suffit de la citer et tout le monde de
s’écrier : « Marignan » ! Or, avant de devenir célèbre
suite à cette victoire en terre italienne, au tout début de cette fameuse
année, environ neuf mois avant la bataille, François n’était pas encore affublé
du quantième Premier car il n’était pas du tout assuré de devenir Roi de
France. C’est de ce moment crucial que parle cette pièce de Daniel Colas…
Disons-le tout net : quand
l’Histoire est traitée sous cet angle, avec le parti pris de nous instruire
tout en nous distrayant, c’est un réel plaisir. Apprendre en s’amusant, il n’y
a rien de plus efficace. Or donc nous sommes à la fin de l’an de grâce 1514
lorsque six personnages fort importants vont vivre des événements qui vont
bouleverser, à divers titres, leur destin.
Il y a le Roi en place, Louis
XII, 52 ans. Il est malade et usé. Pourtant, en octobre 1514, il va convoler
pour la troisième fois avec un tendron terriblement aguichant qu’il va
fiévreusement tenter d’engrosser afin d’offrir in extremis un héritier mâle à
sa couronne de France. Il ne tiendra pas trois mois à ce régime et sa
chandelle, brûlée par les deux bouts, s’éteint le 1er janvier 1515.
Celle qui va attiser ses derniers
feux et tenter de ranimer sa flamme est la très séduisante Marie d’Angleterre,
sœur du roi Henri VIII. Mariage de raison bien sûr, qui va faire perdre à Louis
XII la sienne, de raison. Avec elle, l’alcôve ne tue pas lentement…
Il y a Louise de Savoie,
surnommée « la Louve ». Bien que François, son fils adoré, soit assez
loin dans l’ordre de succession, il est un outsider sérieux au cas où le Louis
XII n’aurait pas réussi à concevoir ce fameux garçon. Pour elle, c’était pratiquement
acquis jusqu’à ce que l’irrésistible Marie ne vienne ensorceler le souverain
actuel. Comme la libido de ce dernier est soudain réactivée, on comprend que la
Louve se fasse un peu de mouron. Si la nouvelle reine devient grosse, c’en est
fini de ses rêves monarchiques.
Il y a son le rejeton, le
louveteau François. Lui, il est plus attiré par les lits des gourgandines que
par le trône. Il a 20 ans, c’est une force de la nature. Pourtant, c’est aussi
un jeune marié. Il vient d’épouser la fille aînée de Louis XII, la Reine Claude,
qu’il prend vraiment pour une prune, en la trompant à tire-larigot. Comble du
comble, ne voilà-t-il pas qu’il s’amourache de l’appétissante Marie !
Et puis, il y a le duc de
Suffolk. Marie l’a apporté d’Angleterre dans ses bagages. Au contraire de Louis
XII, c’est un jeune homme vigoureux. Un amant idéal, quoi. En bon Anglais qui
se respecte, peu lui chaut de commettre un crime de « baise-majesté ».
Il se pense intouchable jusqu’au moment où la Louve va lui planter ses canines dans
le bas de ses chausses.
Enfin, il y a un septième
personnage, le conseiller Grignoux. Outre le fait qu’il soit affublé d’un
terrible bégaiement, il est fou amoureux de la Louvise de Savoie. Le sachant,
elle s’en amuse et en abuse. Elle fait de lui son homme à tout faire, son
espion, son souffre-douleur. Mais c’est grâce à son dévouement sans faille qu’elle
va pouvoir récupérer des informations qui vont s’avérer déterminantes…
Formidablement documentée – tout ce
qui s’y passe est authentique – on se régale à suivre cette lutte pour le
Pouvoir. Une situation somme tout intemporelle. Ici, le dénouement tient à un
fil, ou plutôt à un fils. Les uns espèrent en avoir un, les autres prient pour
que cela n’arrive pas. Surtout la Louve.
La distribution est parfaite.
Chacun tient son rôle avec une justesse remarquable. Bien sûr, on est fasciné
par la composition de Béatrice Agenin (j’ai failli la prénommer « prédatrice » !).
Madrée, intrigante, manipulatrice, forte en gueule (elle n’a pas peur d’user d’un
langage plutôt fleuri), elle est prête à tout pour que son coureur de fils coiffe
la couronne… Et, si j’ai ressenti aussi un faible pour le jeu tout en finesse
de Coralie Audret, on ne peut dissocier dans les louanges les cinq autres
comédiens. Ils sont vraiment impeccables. Cette distribution est tout simplement royale.
Sur le plan des éloges, il faut
également citer la mise en scène. Volontairement dépouillée, elle m’a fait
parfois penser à certains tableaux des « Rois maudits », série télé
du début des années 70. L’éclairage y est également primordial. Et j’ai
particulièrement apprécié les musiques de Sylvain Meyniac. Elles sont
somptueuses. Quant aux dialogues, ils sont d’une modernité totale. Ils servent
superbement des joutes verbales à deux, à trois, qui sont autant de duels
redoutables. C’est du haut niveau.
Pour conclure, je ne peux m’empêcher
une boutade que j’espère de bon aloi. Avec ce septuor de comédiens, je ne résiste
pas à l’envie d’apposer un sous-titre cette excellente pièce : « Sept
sur sceptre »…
Gilbert « Critikator »
Jouin
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