Théâtre
Montmarte-Galabru
4, rue de l’Armée d’Orient
75018 Paris
Réservations : email : tmg75018@gmail.com
Métro : Abbesses / Blanche / Lamarck-Caulaincourt
Prochaine
représentation : 11 février 2018
Une pièce de J.B. Thomas-Sertillanges et Olivier Teillac
Sur un texte de J.B. Thomas-Sertillanges
Mise en scène par Alexis Berecz
Avec J.B.
Thomas-Sertillanges (Jo Latrick / hémisphère gauche), Olivier Teillac (Nathan
Lafleur / hémisphère droit)
Présentation :
Jo Latrick, hémisphère gauche, primaire, impulsif et cynique, aime chasser la
gazelle.
Nathan Lafleur,
hémisphère droit, idéaliste, protecteur et romantique, aime cueillir les
coquelicots.
A première vue, ils n’ont
rien en commun… si ce n’est qu’ils vivent depuis 33 ans dans le même cerveau,
celui de Jonathan. Et quand Jonathan rencontre Mary-Jane, la seule, l’unique…
le duo chasseur-cueilleur va devoir trouver un terrain d’entente pour la
conquérir, pour le meilleur et pour le pire.
Les
Sphères ennemies raconte en neuf chapitres les
instants-clés d’une histoire d’amour intemporelle et ordinaire… mais à travers
le prisme du dialogue intérieur entre deux facettes d’une même personne,
chacune incarnée par un personnage : l’un basique et rock’n’roll, l’autre sains
de corps et d’esprit.
Une pensée subjective
dans la pensée d’un homme qui tombe amoureux… à la croisée de Vice-Versa (Pixar) et Fight-Club (David Fincher).
Mon
avis :
Ce spectacle aurait pu s’appeler « Tempête sous un crâne » si Victor
Hugo n’en avait pas déjà déposé le titre. Mais, en même temps, « Les
sphères ennemies », c’est parfait. En effet, phonétiquement, on pourrait
entendre « les frères ennemis » ou, en pseudo verlan, « Les
hémisphères »… De toute façon, chacune de ces propositions est apte à
définir le spectacle qu’il nous est donné de voir.
Je n’irai pas par quatre
chemins : cette pièce est un véritable coup de cœur ! Et aussi un
coup de tête car elle est particulièrement intelligente. C’est normal,
pourrez-vous objecter, puisque le principal personnage en est un cerveau ;
un cerveau masculin pour être plus précis et ça a son importance.
L’idée est
magistrale : nous faire pénétrer dans le cortex d’un certain Jonathan et
assister à l’affrontement des deux hémisphères de son cerveau, le gauche et le
droit. A gauche, il y a Jo (première syllabe de Jonathan), et à droite Nathan
(la deuxième syllabe), ce qui est fort malin. Ces deux là cohabitent, mais pas
en très bonne intelligence. En effet, n’ayant pas du tout la même psychologie
de vie, ils sont en conflit quasi permanent.
Le crâne dans lequel ils
résident est très esthétiquement représenté. Le décor est aussi superbe
qu’ingénieux (je vous en laisse les nombreuses surprises). Dans la partie
spécifiquement réservée à Jo, trônent des litres d’alcool alors que dans celle
de Nathan, ce sont les livres qui sont mis en avant. Entre « litres »
et « livres », il n’y a qu’une lettre de différence, mais elle est
édifiante. Cette illustration est tout à fait symbolique de leur mentalité
respective. Jo est un hédoniste, un jouisseur, un impulsif ; il ne
rechigne pas à se montrer cynique lorsqu’il le faut… Quant à Nathan, c’est un
raisonneur, un placide, un pragmatique ; il est plutôt diplomate. En
résumé, Nathan est avide de culture : Jo aussi, mais sans le
« ture ».
Ils se supportent tant
bien que mal, se chamaillent gentiment. Ils se connaissent tellement
bien ! Jusqu’au jour où leur quotidien va être bouleversé par l’irruption
de l’amour. Aussi belle qu’intelligente, Mary-Jane a tout pour plaire à l’un
comme à l’autre (« Ce n’est pas une
fille, c’est un parc d’attraction ! »). Le problème, c’est qu’ils
tentent chacun d’imposer leur propre stratégie. Ils se métamorphosent soudain
en deux crâneurs que leurs cellules grisent…
Dialogues ping-pong,
leurs joutes verbales sont savoureuses. Leur antagonisme est autant
psychologique que physique. Jo, survolté, tourbillonne telle la mouche du coche
autour d’un Nathan que la découverte soudaine de l’amour décontenance un
tantinet. Il est limite de perdre son flegme et sa faculté d’analyse… Il faut
absolument que ces deux-là, tournés vers un même objectif - séduire la belle –
trouvent un terrain d’entente. Ils y parviendront tant bien que mal en se
réfugiant hypocritement derrière cette sublime définition du compromis :
« On ferme notre gueule, on fait ce
qu’elle dit… »
On se régale devant ce
comportement schizophrénique. Tout ce qui peut traverser et envahir le cortex
d’un Jonathan submergé par la passion amoureuse y est exprimé. Cette
remarquable étude de l’intellect masculin dans ses pulsions et ses fantasmes
est si précisément décrite – et sans complaisance - qu’elle peut permettre à
toutes les femmes de mieux nous comprendre. Cette pièce possède donc une valeur
pédagogique indiscutable pour une meilleure relation homme-femme.
Excellents dialogues,
mise en scène vive et inventive, bande-son originale, cette pièce est truffée
de trouvailles. Il y a de la bagarre, des chorégraphies, les interventions
délectables de certains autres organes… C’est un spectacle total qui vaut
autant pour ses mots que pour sa gestuelle. Quant aux deux comédiens,
physiquement dissemblables, ils apportent à ce spectacle plein de fantaisie de
la fraîcheur et une formidable générosité.
Finalement, lorsqu’il a
confectionné notre cerveau, le Créateur aurait dû inventer un hémisphère à
cheval, une sorte de passerelle qui aurait pu permettre d’instiller plus de
tact dans les relations inévitablement conflictuelles entre la gauche et la
droite. Et puis, un hémisphère à cheval, ça porte bonheur…
Gilbert
« Critikator » Jouin
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