mercredi 21 novembre 2007

Cabaret


Folies Bergère
32, rue Richer
75009 Paris
Tel : 08 20 88 87 86
Métro : Cadet/Grands Boulevards

Livret de Joe Masteroff
Musique de John Kander
Paroles de Fred Ebb
Co-mise en scène et chorégraphie originales : Rob Marshall
Mise en scène originale : Sam Mendès
Adaptation française du livret : Jacques Collard
Adaptation française des paroles : Eric Taraud
Scénographie : Alberto Negrin

Avec Claire Pérot (Sally Bowles), Fabian Richard (Emcee), Catherine Arditi (Fraülein Schneider), Pierre Reggiani (Herr Schultz), Geoffroy Guerrier (Cliff Bradshaw), Patrick Mazet (Ernst Ludwig), Delphine Grandsart (Fraülein Fritzie-Kost)...

Ma note : 8/10

Argument : Cliff Bradshaw, un jeune écrivain américain arrive à Berlin par le train. Il voyage à travers l'Europe en quête d'inspiration^pour son prochain roman. A la gare, il fait la connaissance d'Ernst Ludwig, un sympathique Berlinois, qu'il aide malgré lui. En retour, Ernst le conseille pour ses recherches de logement. C'est ainsi que Cliff atterrit dans la pension de Fraülein Schneider.
Le Kit Kat Club est le lieu de rendez-vous de la nuit berlinoise. Cette boîte de nuit est une enclave de liberté et de distraction où Cliff se rend dès le premier soir sur les recommandations de Ernst. Il y découvre Emcee, le maître de cérémonie, cynique, sensuel et provocant, qui présente au public la star du club, la chanteuse anglaise Sally Bowles.
A l'issue de la représentation, Sally repère Cliff dans la salle et, le trouvant à son goût, l'invite dans sa loge. Mais Max, le propriétaire du club, son amant jaloux, ne voit pas cette démarche d'un bon oeil. Il se dispute avec elle et la congédie. Le lendemain, Sally se présente à la pension où loge Cliff. Il accepte qu'elle vienne partager sa modeste chambre...

Mon avis : A chaque fois que j'ai l'opportunité de pénétrer dans le grand hall des Folies Bergère, j'en ressens un émerveillement d'enfant. Pour moi, cette salle de spectacle est la plus belle de Paris. Elle fait rêver et on y vient avec un plaisir accru : on est de sortie ! En prime, pour le spectacle Cabaret, on y a supprimé toutes les rangées de fauteuils pour y disposer des petites tables guéridon agrémentées de fort mignons abat-jour ce qui a pour résultat de nous transplanter d'emblée dans une ambiance caf' conc' si caractéristique des années 1900. Toutes ces attentions - y compris les tenues des serveurs et (surtout) des serveuses - contribue à nous installer dans les meilleures conditions psychologiques.
Inutile de tourner autour du pot : j'ai adoré Cabaret ! Du début à la fin. Et quel début ! Dès l'apparition de Emcee, le maître de cérémonie, on entre dans le vif du sujet ; des sujets, devrait-on plutôt dire. Car elle est haute en couleurs la troupe des danseuses et danseurs du Kit Kat Club que ce Monsieur (dé)Loyal extravagant et ambigu se fait un plaisir de nous présenter les uns après les autres. Ces demoiselles, outrageusement maquillées, se complaisent dans les poses lascives, provocantes, les grimaces aguichantes, les clins d'oeil effrontés. Ah, on sait s'amuser au Kit Kat Club ! Ce n'est pas un endroit pour les demi-sel et les demi-portions. En plus, il y a un vrai orchestre dans cette boîte de tous les vices et de tous les fantasmes. Un qui dépote ; et où même les musiciennes portent des tenues coquines. La totale... C'est un endroit qui suinte le sexe et invite à la débauche.

Il faut saluer le travail effectué par le concepteur des lumières. On est sans cesse surpris par ces habiles ruptures d'éclairage qui soulignent telle ou telle scène et créent des univers différents. Lumières tamisées pour les scènes intimistes, lumières crues pour mettre les corps en évidence, parfois les petits abat-jour susmentionnés s'allument pour nous signaler que nous somlmes DANS le Kit Kat Club ; et puis il y a ce moment magique où une gigantesque boules à facettes nous éclabousse de halos scintillants au rythme d'une valse lente... Quand les gens ne sont pas trop déshabillés, ils portent des costumes, des robes et des tailleurs fort élégants. Le décor n'est pas encombré pour libérer de l'espace aux danseurs. Seules quelques astuces de transferts de mobilier opérés à vue nous permettent de savoir si nous nous trouvons sur un quai de gare, au Kit Kat ou dans la pension de Fraülein Schneider. C'est largement suffisant et tout simplement efficace.

Les acteurs... Fabian Richard incarne un Emcee tout en provocation et ambiguïté. Il nous distille ses blagues salaces, prend des poses suggestives, joue les pervers et les cyniques avec une jouissance assumée. Bref, il est parfait. Il est l'âme (damnée) du spectacle. Chacune de ses prestations est un grand moment. Pourtant, il arrive que sous ses attitudes effrontées il laisse entrevoir une vraie fragilité, un certain désarroi devant les événements qui sont en train de germer autour de lui. On se doute que, hors du Kit Kat Club, il n'existe plus. Il n'est plus qu'un être humain désemparé et privé de repères.
Claire Pérot est purement étonnante. Elle affiche une dualité troublante et attachante de petit fille paumée et d'allumeuse intéressée. En fait, ce qu'elle aime avant tout, c'est son métier. Elle chante et danse remarquablement bien. C'est une sorte de Liza Minnelli miniature, un petit bout de femme pêchu et énergique doté d'une voix à la puissance inversement proportionnelle à son physique. Quelle présence !
Catherine Arditi (quelle voix elle aussi !) tient une place prépondérante dans ce spectacle. Avec son pensionnaire Herr Schultz (Pierre Reggiani), ils sont les deux personnes à peu près normales de cette histoire. Catherine est émouvante en vieille fille qui s'est consacrée toute sa vie à la bonne marche de sa pension et qui découvre soudain le grand amour à l'automne de sa vie. Cette belle histoire d'amour "3ème âge" apporte le seul courant d'air frais et sain dans cet univers glauque et décadent. Mais...
Les danseuses ? Excellente distribution. Toutes différentes physiquement les unes des autres, on ne se lasse pas de les regarder. Avec leur façon destructurée de bouger, volontairement plus athlétique que gracieuse, leur audace, leur complicité entre elles, elles assurent grave.
Nombreux sont les tableaux d'une facture remarquable. J'ai particulièrement apprécié celui baptisé "Money money".
Enfin, l'histoire qui se déroule devant nous n'est pas anodine. C'est un filigrane de la grand Histoire qui nous interpelle. En toile de fond, nous assistons à la montée du nazisme. Le trait n'est jamais forcé, toujours habilement suggéré. La phrase qui résume sans doute le mieux ce qu'est ce Berlin des années 30, c'est Cliff Bradshaw, l'écrivain américain qui la prononce : "J'aime cette ville... C'est tellement sordide et effroyable !" Il n'y a rien à ajouter...
Si, tout de même : il faut encenser la qualité de cette adaptation française. Félicitations à Maître Collard... Jacques Collard.

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