vendredi 8 octobre 2010

Rendez-vous


Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 48 74 25 37
Métro : Trinité d’Estienne d’Orves

D’après la pièce de Miklos Laszlo
Adaptée par Laurent Lafitte et Judith El Zein
Mise en scène par Jean-Luc Revol
Arrangements et direction musicale de Thierry Boulanger
Chorégraphies d’Armelle Ferron
Décor de Sophie Jacob
Costumes d’Aurore Popineau
Avec Kad Merad (Georg Nowack), Magali Bonfils (Amalia Balash), Laurent Lafitte (Steven Kodaly), Pierre Santini (M. Maraczeck), Alyssa Landry (Ilona Ritter), Andy Cocq (Ladislav Sipos), Paolo Domingo (Arpad Laszlo), Jean-Michel Fournereau (Le maître d’hôtel), Lauri Lupi (M. Keller)…

Ma note : 7/10

L’histoire : L’action se déroule en Hongrie, dans les années 30, dans la parfumerie de Maraczeck. Le directeur, Georg Nowack, homme tranquille et discret, profite de ses heures de loisirs pour correspondre anonymement avec une « très chère » inconnue dont il est tombé amoureux sans l’avoir jamais rencontrée. Bientôt arrive une nouvelle vendeuse, Amalia Balash. Les deux jeunes gens se détestent immédiatement. Mais ce qu’ils ignorent, c’est qu’ils s’écrivent depuis plusieurs mois…

Mon avis : Le premier contact avec le décor est intrigant : nous nous trouvons face à une sorte d’immense cuve ronde. En fait, en pivotant sur elle-même, elle s’ouvre sur différents décors modulables dont le plus important, bien sûr, est l’officine de la parfumerie Maraczeck. C’est ingénieux et c’est bien fait. Il m’a fait penser à celui du Donneur de bain à Marigny. Cette boutique se révèle très jolie avec sa dominante de tons bleus pastel… Le premier contact avec la musique m’a rassuré : l’orchestre joue en live… Le premier contact avec le spectacle m’a mis un peu sur la réserve : les premiers échanges entre les comédiens sont chantés, y compris les conversations les plus banales, façon Parapluies de Cherbourg. Je me suis dit que si tout le spectacle était conçu ainsi, j’allais vite me lasser. Mais ce n’était qu’un préambule en forme de clin d’œil… Mon premier contact avec les comédiens m’a enchanté : d’abord par leur élégance vestimentaire (superbes robes et beaux costumes), et ensuite par la conviction qu’ils mettent dans leurs personnages… Voilà, j’avais ma vision d’ensemble, j’étais donc prêt à découvrir la suite de cette comédie musicale complètement décalée par rapport aux grosses machines proposée dans les différents Palais, Sports et Congrès.

En quelques tableaux habilement brossés, on assimile rapidement les caractères de chacun. Georg Nowack (Kad Merad) est un brave garçon, sentimental et romantique, un bon camarade aussi. Il est sympathique, quoi. Steven Kodaly (Laurent Lafitte), c’est le fayot, l’arriviste, le gommeux, le tombeur de ces dames ; il se la joue perso. Monsieur Maraczeck (Pierre Santini) nous apparaît d’abord comme un patron plutôt jovial, tout en rondeurs et, semble-t-il, paternaliste. Mais on s’apercevra plus tard qu’il n’est pas si aimable que cela. Ladislav Sipos (Andy Cocq), c’est le bon copain collègue, discret, affable, courtois et fidèle en amitié. Ilona Ritter (Alyssa Landry) est aussi une bonne collègue, mais c’est un cœur d’artichaut sans cesse actionné par une libido effervescente et néanmoins parfaitement saine…

Passons au spectacle proprement dit. J’ai beaucoup aimé cette petite chansonnette que les employés de la parfumerie entonnent à la sortie de chaque client(e). C’est une sorte de running gimmick très plaisant à voir et à entendre. Puisqu’on parle de chansons, je les ai trouvées pour la plupart un tantinet vieillottes. Les adaptateurs et les artistes-chanteurs n’y sont pour rien, mais ils sont confrontés à des mélodies qui n’en sont pas. Ce qui a pour effet de rendre les chansons un peu laborieuses. En même temps, le tout dégage un charme désuet - on dirait un vieux film américain des années 50 - qui gomme souvent le désagrément. Ce n’est qu’une question de disposition d’esprit. Certains adhèrent sans condition, comme mon voisin de droite, brillant journaliste critique, alors que d’autres, comme moi, émettent certaines réticences. Tout simplement parce que je me disais en permanence que Rendez-vous aurait du mal à séduire le public jeune. Ce n’est bien sûr que mon point de vue. La seule chanson que j’aie vraiment appréciée au cours du premier acte est « J’ai rendez-vous ce soir à 8 heures » qui elle, au moins, possède une mélodie que l’on peut garder en tête.

Du coup, à l’entracte, mes sensations étaient mitigées. Mais j’étais sûr d’une chose : j’avais trouvé ce premier acte un peu longuet, la belle générosité des comédiens étant tempérée par la pauvreté mélodique des chansons.
Heureusement, le deuxième acte allait beaucoup, beaucoup me plaire. Il est bien plus rythmé, les jolies scènes de comédie se succèdent, et il y a de fort jolis tableaux, comme la scène du restaurant avec un drolatique numéro du maître d’hôtel. Seul petit hiatus encore, quand l’action s’emballe et se fait dynamique (on est tout content), elle retombe aussitôt après au profit d’une plage assez mollassonne. C’est dommage que l’on ne reste pas dans le rythme. Mais c’est le seul point noir de cette excellente deuxième partie dans laquelle tous les comédiens sont au taquet. Nombreux sont les personnages qui m’ont véritablement enthousiasmé artistiquement parlant.
Andy Cocq (Ladislav) m’a fait irrésistiblement penser à Jack Lemmon ; non seulement il lui ressemble physiquement, mais il en a aussi la fantaisie légère, la délicatesse, le petit sourire timide et la gestuelle un peu empruntée. Il est par-fait… Alyssa landry (Ilona) est formidable de vitalité et de présence. C’est une santé ; et en plus d’un sens de l’humour évident, elle est dotée d’une très belle voix, puissante et mélodieuse… Pierre Santini (Maraczeck) est comme à l’habitude irréprochable. Le caractère de son personnage n’étant pas linéaire, parfois sympathique, parfois détestable, il peut jouer de tout un éventail de sentiments ; et il y a belle lurette qu’on sait qu’il sait et aime chanter… Laurent Lafitte (Steven Kodaly) est épatant. Dans un rôle qui lui va comme un gant. Gentiment mufle et narcissique, il frise sans cesse la caricature sans jamais tomber dedans. Il est entre Jerry Lewis, pour la drôlerie, et Dean Martin, pour le charme. Son solo « Rumba » est un grand moment. Et le couple qu’il forme avec Ilona est particulièrement amusant…
Magali Bonfils (Amalia Balash) est, pour ce qui me concerne, la belle surprise de ce spectacle. Elle est pétillante, pleine de vie et de fraîcheur, elle fait ce qu’elle veut avec sa voix, elle est aussi à l’aise dans les scènes dramatiques que comiques, celles où elle montre un sacré caractère comme celles où elle laisse poindre sa tendresse ; et puis, elle bouge et danse vraiment bien... Et il y a Kad Merad (Georg Nowack). Il était un peu la curiosité de ce spectacle musical dans lequel outre chanter (ça, on avait eu maintes fois la preuve qu’il se débrouillait très bien) et danser, ce qui n’est pas évident sur des chorégraphies à plusieurs et millimétrées. Il est reçu avec mention bien. Pendant plus de deux heures, il est comme un gamin émerveillé à qui on vient de donner l’autorisation de faire un petit numéro à la fin d’une importante fête de famille. Il ne sur-joue pas une seconde. Il est totalement dans la finesse, presque en retenue. Touchant d’humanité en amoureux transi, il se révèle aussi ami loyal et droit, employé responsable et investi, mais qui ne se laisse toutefois pas marcher sur les pieds. Le genre de mec qu’on aimerait vraiment avoir pour ami… Il avait très envie de se coltiner à ce genre-là, il l’a fait, et c’est réussi. Il peut être content de lui, et nous aussi.

J’ajouterai que les couples de danseurs et danseuses qui animent certains tableaux sont en tout point parfaits. Ils apportent une réelle plus value à ce show en lui donnant un côté music-hall chic.
En conclusion, grâce à une deuxième mi-temps très enlevée, le match a été sauvé. On sort avec un léger sourire de contentement avec cette sensation que l’on ressent parfois lorsqu’on est confronté à un plat que nous concoctait une grand-mère : le plaisir d’un goût qu’on avait aimé et qu’on avait oublié. Ce côté un peu suranné de Rendez-vous est à la fois sa faiblesse et sa force. Et on ne peut que saluer la qualité de la mise en scène, la générosité des comédiens, la beauté des décors et des costumes. Dans ce domaine, ils sont tous irréprochables et ils nous donnent le meilleur d’eux-mêmes. Tout le reste n'est que subjectivité.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'espère ne pas vous offenser en modifiant un petit détail de votre critique: Mr Maraczeck (Pierre Santini merveilleux) est bien un personnage paternaliste et chaleureux. Il ne se révèle désagréable que parce qu'il apprend que sa femme le trompe avec un de ses employés, qu'il pense être son chef de magasin, Kad Mérad ...

Je pense qu'à sa place, beaucoup d'hommes réagiraient de même, peut-être pas jusqu'à vouloir se tuer, comme ici!

Cette comédie musicale typique des années 60 est un bijou; je ne suis absolument pas d'accord avec vous sur les chansons.

La partition est fort musicale; avec seulement 7 instruments, contre 16 généralement utilisés, l'orchestre bizarrement disposé, ne lui donne pas justice.

"Des mélodies qui n'en sont pas"??!

Achetez un des nombreux enregistrements américains ou anglais de l'oeuvre et ... vous changerez d'avis!
Les auteurs ont créés Le Violon Sur Le Toît 2 années plus tard: ils s'y connaissent en mélodie!

"Ice Cream!" ... comme dirait Amalia!