Théâtre Michel
38, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 35 02
Métro : Havre-Caumartin / Auber
Une pièce écrite et mise en scène par Didier Caron
Décor de Claude Pierson
Lumières de Franck Willig
Avec Gaëlle Lebert (Myriam Moreau), Pascal Mottier (Cédric),
Bruno Paviot (Paul Moreau), Virginie Pradal (Babette Clairval), Julien Ratel
(Antoine), Samantha Rénier ou Constance Carrelet (Claudine Clairval)
L’histoire :
Six locataires d’un petit immeuble organisent dans leur cour une fête pour
mieux se connaître. Ils ne seront pas déçus !
Cet apéritif convivial commence au champagne, vire vite au
vinaigre et s’achève au vitriol…
Mon avis : Un pavé dans la cour est la sixième
pièce écrite par Didier Caron. Il y confirme un formidable talent d’auteur
moderne de comédies de mœurs. Cette pièce est réellement « Un vrai bonheur ».
Un vrai bonheur à jouer pour les six comédiens qui en composent l’affiche, et
un vrai bonheur pour le public qui prend un énorme plaisir à les voir
s’affronter dans un règlement de compte d’une heure et demie.
En effet, le pavé en question est un pavé sauce au poivre
particulièrement relevé. La force de Didier Caron est de s’appuyer sur l’humour
et une apparente légèreté pour aborder des thèmes bien plus profonds. Son
cheval de bataille, c’est la communication, ou plutôt son absence. Ici, tout
repose sur le relationnel. Un pavé dans
la cour traite des relations mère-fille, mari-femme, frère-frère.
C'est-à-dire que chacun est concerné. D’ailleurs, si on ne cesse de rire grâce
au festival de répliques cinglantes et assassines, tout de suite après on
réalise que l’on rit de nous-mêmes. Nous sommes tous concernés à un moment ou à
un autre. Et ça nous donne à réfléchir sur notre façon de nous comporter avec
nos proches. Le statut de « voisin » ne sert en fait que de
révélateur puis d’accélérateur. Ce n’est pas anodin si, à un moment, le
personnage de Myriam parle de « jeu de massacre ». Nous sommes en
effet confrontés tout au long de la pièce à des affrontements directs et
croisés.
Ça commence par une sorte de round d’observation. On
s’envoie des petites piques, des allusions perfides, des reproches mesquins…
Cela nous donne le temps de bien saisir les profils psychologiques de chacun.
Chaque mentalité est remarquablement dessinée. Il faut dire que, dès le début,
Paul Moreau, l’instigateur de cet apéritif entre voisins, met la barre très
haut. Cet individu se révèle être tout à la fois – accrochez-vous, car c’est un
redoutable cumulard – psychorigide, ronchon, radin, réac, raciste, égoïste, misogyne.
En revanche, il n’est absolument pas faux-cul. Il se complaît au contraire à
dire tout haut ce qu’il pense, surtout quand c’est du mal. Alors, autour de
lui, chacun à sa façon va tenter de se mettre au diapason… Après quelques touches
à fleuret moucheté, on prend la mouche, et les assauts deviennent plus directs,
plus appuyés. Malheur à celui qui n’assure pas sa garde.
Si on y rit pratiquement en continu, Un pavé dans la cour est une très bonne comédie car elle n’est pas QUE
drôle. Bien des choses y sont clairement dites. La salle réagit sans cesse en
fonction de ses inimitiés ou de son empathie pour l’un ou l’autre. L’hypocrisie
se le dispute à la franchise, les cachotteries et les petits secrets longtemps
tenus gardés s’effondrent soudain sous la poussée de la Vérité et des
révélations qu’elle suscite. Personne n’en sortira indemne et chacun en sera
transformé… Cela génère de jolies petites plages d’émotion et on a parfois les yeux
qui picotent agréablement.
Il faut saluer la perfection de la distribution. Tous les
comédiens sans exception ont l’air de vrais gens. Et chacun d’eux doit se
régaler à interpréter un personnage aussi bien dessiné. Ils sont tous
impeccables. Sans vouloir faire ombrage à leurs partenaires, je donnerai
toutefois une petite mention particulière à Bruno Paviot (Paul Moreau) pour son
irrésistible talent à se faire unanimement détester, à Julien Ratel (Antoine)
pour ses attendrissantes fragilité et gaucherie, et à Constance Carrelet qui
nous offre une prestation émouvante toute en nuances et en révolte contenue.
Mais ils sont vraiment excellents tous les six.
Et bravo enfin à Didier Caron pour l’impressionnante qualité
de son écriture. Quel dialoguiste !
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