vendredi 20 septembre 2013

Mélodrame(s)

La Pépinière Théâtre
7, rue Louis-le-Grand
75002 Paris
Tel : 01 42 61 44 16
Métro : Opéra

Trois courtes pièces de Gabor Rassov
Mises en scène par Pierre Pradinas
Avec Romane Bohringer, Thierry Gimenez, Matthieu Rozé, Bruno Salomone, Warren Zavatta

Le principe : Un jeune homme aime une jeune fille, mais cet amour est impossible à cause des terribles différents qui opposent depuis toujours les familles des deux amoureux.
C’est cette intrigue pour ainsi dire universelle qui sera déclinée dans trois cadres différents et très contemporains : le Grand prix de Formule 1 d’Acapulco, un temple bouddhiste à Shangaï et la résidence d’un producteur milliardaire à Los Angeles…

Mon avis : J’ai déjà envie de revoir Mélodrame(s) !!!
J’en vois des spectacles, et des bons, même de très bons, mais il est rare que je ressente une telle plénitude. Bien sûr qu’il y a des pièces plus profondes, plus sérieuses, des pièces à gros moyens qui vous en mettent plein la vue… Mais celle-ci m’a littéralement enchanté.
Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre en me rendant à la Pépinière. Le dossier de presse était volontairement énigmatique, rempli d’infos pompeuses et de précisions futiles. Ça sentait la fausse piste. Si bien que j’étais vierge de tout pressentiment.
Dès les premières secondes, avec l’apparition devant le rideau fermé d’un Warren Zavatta hyper classieux jouant les maîtres de cérémonie, débitant façon bateleur avec une jubilation communicative sornettes et digressions, je me suis senti illico dans les meilleures dispositions.

Et puis ce fut la première pièce en un acte, intitulée « Grand prix » qui, comme son nom l’indique, se passe dans le milieu de la Formule 1, le jour d’une course décisive pour l’attribution du titre de Champion du monde. Nous sommes dans le saint des saints, le paddock. Et on va même assister à la course en direct !… Mais je n’ai pas envie de raconter. Sachez seulement qu’on se retrouve dans une sorte de série américaine mal doublée truffée de slogans publicitaires. C’est totalement décalé, volontairement outré. On dirait une excellente parodie digne du meilleur de Canal+, ou du niveau de celles qu’ont pu réaliser les Inconnus au temps de leur splendeur. C’est désopilant à souhait.

Après un enchaînement remarquablement écrit et tout aussi remarquablement interprété par Monsieur Loyal Zavatta, le rideau s’ouvre sur un temple bouddhiste. C’est le cadre du deuxième mélo baptisé « Jusqu’à la mort ». Dépaysement et exotisme garantis à tout point de vue. Là aussi, je garde presque tout pour moi car il faut y assister pour le croire. Mettant de côté le jeu accompli des cinq comédiens, je retiens la qualité de l’écriture, le langage fleuri et imagé qui donne aux dialogues une poésie qui atténue par sa douceur la terrible tragédie qui va se dérouler sous nos yeux effarés. Il y a du sang et des lames, du sang et des larmes, des scènes de combat insoutenables. A côté, Roméo et Juliette est une gentille bluette.

Re-brillant intermède warrenien et place au troisième mélodrame. « La rédemption d’oncle Bill » se déroule à Los Angeles. C’est Dallas à L.A.. On a droit à une accumulation de clichés sur les mœurs californiennes : la coke, l’alcool, le sexe, le racisme… C’est Quentin Tarantino revisité par Ben Stiller… Là aussi interdit d’en dévoiler plus.

Je ne m’attendais pas à ce que trois mélos me fassent rire autant. Bien sûr, il faut aimer ce genre d’humour très décalé, parodique et caricatural. D’autant qu’il atteint ici un très, très haut niveau. Tous les critères sont réunis pour que Mélodrame(s) attire le public.
Il y a d’abord le texte. Les dialogues, qui sont foncièrement différents en fonction des trois ambiances, sont brillantissimes. C’est de l’orfèvrerie… Et quand de tels dialogues sont interprétés par un quintette de barjots (pas frigides ceux-là) totalement investis, on est au nirvana. Ces cinq-là sont indissociables. Ils réalisent la performance d’être en permanence dans le second degré et de s’y tenir de bout en bout. Leur complicité est évidente. Ils ne reculent devant rien : postures théâtrales, maquillages immodérés, travestissements. Ils y vont à fond avec une maîtrise totale du délire de leurs personnages. C’est tellement bien assumé qu’ils ne sont jamais ridicules.
Seule femme pour donner la réplique à quatre énergumènes de la trempe de Thierry Gimenez, Matthieu Rozé, Bruno Salomone et Warren Zavatta, Romane Bohringer leur tient largement la dragée haute. Comme eux, elle dégage une présence comique saisissante, la sensualité en plus, évidemment.

Ne vous fiez surtout pas au titre de ce spectacle de trois pièces en un acte, des Mélodrame(s) comme ceux-là on en redemande. Quel bonheur !


Gilbert « Critikator » Jouin

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Désolé de jouer les rabat-joie... mais, pour ma part, j'y ai trouvé le temps très long et cette pièce très indigente et ringarde. Dans le registre parodique, la moindre fausse pub des Nuls surpasse de loin ce laborieux exercice.

Agnès a dit…

Bonjour, je découvre votre blog en cherchant des critiques sur Divina - mauvais signe, j'aurai du penser que s'il n'y en avait pas sur BilleRéduc c'était parce que ... déjà constaté leurs disparitions il y a 2 ans pour
Panik - et si je suis d'accord avec vous pour Divina, donc envie de suivre vos avis, pour Mélodrame(s) c'est le 1er commentateur que je rejoins. Bonne soirée