samedi 25 juillet 2015

C'est pas gagné !

Les Feux de la Rampe
34, rue Richer
75009 Paris
Tel : 01 42 46 26 19
Métro : Cadet / Richelieu-Drouot / Grands Boulevards /

Ecrit et mis en scène par Patrick Chêne
Avec Juliette Chêne (Stéphanie), Jean-Charles Chagachbanian (Antoine), Pauline Bression (Marie)

L’histoire : Antoine et Stéphanie ont vécu ensemble pendant six ans. Elle a subitement mis fin à leur histoire il y a quelques mois. Antoine n’a vraiment pas compris pourquoi…
Ce soir, ils vont se retrouver sur la terrasse de l’appartement qu’elle n’a pas quitté. Ils vont dîner ensemble et faire comme si…
Invités au dîner : les parents d’Antoine de passage à Paris et le patron de Stéphanie. Invitée surprise : Marie, la sœur de Stéphanie, qui s’incruste… On comprendra plus tard que ce n’est peut-être pas vraiment par hasard…

Mon avis : Voici bien une pièce qui mérite amplement le qualificatif de « comédie romantique ». Tout y est réuni en effet pour faire chanter les violons et faire vibrer les cœurs. Pourtant, elle n’est jamais mièvre. Très moderne au contraire. Et on y rit beaucoup. L’intrigue est certes cousue de fil blanc, mais il n’empêche qu’elle nous ficelle habilement tel des rôtis bien tendres.

Après une séparation de presque six mois, Stéphanie redonne signe de vie à Antoine sous le fallacieux prétexte d’un diner auquel vont participer entre autres ses parents, ignorants du fait qu’ils ne vivent plus ensemble. Bien sûr, l’ex ne se fait pas prier. C’est en courant qu’il se rend à l’invitation ! D’autant qu’il ne sait toujours pas pourquoi il s’est fait larguer. L’occasion est donc trop belle pour tirer les vers du nez de Stéphanie. Avant que les autres convives n’arrivent, sachant que son temps est compté, il va la mettre sur le gril. Sauf que la jeune femme est aussi rouée et prudente qu’il est maladroit et empressé.


On assiste donc à une sorte de duel verbal à fleurets pas toujours mouchetés. Pour compenser le trouble et l’émotion des retrouvailles, il est tellement plus facile de vanner et de se faire des reproches que de trouver les mots qui apaisent. Les dialogues sont très importants. Ils sonnent juste. Patrick Chêne, l’auteur et metteur en scène, fait preuve d’une connaissance très pointue sur les psychologies masculine et féminine. Il nous livre une pièce qui pourrait nous donner des clés genre « le couple, mode d’emploi »…
Les caractères de Stéphanie et Antoine sont fort bien dessinés. On se retrouve aisément en eux. En même temps, les relations homme-femme, infinitésimales, sont un vivier inépuisable. Dans C’est pas gagné !, l’affrontement est aussi inévitable que nécessaire. Il faut passer par la phase règlement de comptes. D’abord pour nous, spectateurs, pour bien savoir qui est qui et quels sont les principaux points de désaccord. Le seul élément qui soit intangible, c’est que Stéphanie et Antoine se sont beaucoup aimés. Que reste-t-il donc de cet amour apparemment consumé ? Y aurait-il encore des braises rougeoyantes sur lesquelles souffler pour le ranimer ?

Dans ce domaine, il n’y a pas énormément de suspense. La happy end est tellement prévisible ! Non, ce qui est intéressant tout au long de la pièce, c’est ce qui s’y dit et ce que les comédiens y apportent. Juliette Chêne et Jean-Charles Chagachbanian oscillent en permanence entre tension et émotion, entre tendresse et invectives. Leur jeu est très, très fin car il ne repose que sur l’expression de leurs sentiments. C’est un jeu du chat et de la souris dans lequel ils échangent parfois les rôles. Mais les archétypes restent tranchés. Antoine est très masculin, Stéphanie très féminine. Elle est fine mouche, directe, parfois carrément cash, mais en même temps elle se montre autocritique : « Je ne sais pas si je suis passablement compliquée ou résolument tordue »… Quant à lui, il cultive une mauvaise foi qui ne trompe personne, il est encore très puéril et, ce qui est amusant, il se révèle bien plus prude qu’elle.

Vers la fin de la pièce, lorsqu’on voit que le rapprochement va inexorablement s’opérer, je me suis senti gêné d’être le témoin de leur complicité retrouvée. Leur façon de jouer devient si intimiste que j’ai eu presque envie de m’éclipser en catimini pour ne pas les déranger. C’est rare une telle sensation au théâtre. Elle prouve aussi la qualité de l’investissement des comédiens.


On ne peut également passer sous silence la présence ô combien déterminante du troisième personnage de la pièce, Marie, la sœur de Stéphanie. Pauline Bression nous offre une composition absolument réjouissante. Elle est fraîche, espiègle, mutine, spontanée, avec juste ce qu’il faut de fausse assurance pour laisser percer une certaine fragilité. Elle assure une composition en tout point remarquable qui complète parfaitement le jeu plus en retenue des deux tourtereaux.

C’est pas gagné ! est un éloge du dialogue. Il FAUT se parler, même si ça peut parfois blesser. Se dire les choses ne peut que nous rendre plus belle la vie… En fait, Patrick Chêne, nous offre là une belle leçon de savoir-vivre… en couple.
Même si on sait bien sûr qu’il n’existe aucune recette et qu’aucun couple ne ressemble à un autre. Raison pour laquelle il y aura toujours et à l’infini des pièces sur ce sujet…


Gilbert « Critikator » Jouin

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