Les Feux de la Rampe
34, rue Richer
75009 Paris
Tel : 01 42 46 26 19
Métro : Cadet / Richelieu-Drouot / Grands Boulevards /
Ecrit et mis en scène par Patrick Chêne
Avec Juliette Chêne (Stéphanie), Jean-Charles Chagachbanian
(Antoine), Pauline Bression (Marie)
L’histoire :
Antoine et Stéphanie ont vécu ensemble pendant six ans. Elle a subitement mis
fin à leur histoire il y a quelques mois. Antoine n’a vraiment pas compris
pourquoi…
Ce soir, ils vont se retrouver sur la terrasse de
l’appartement qu’elle n’a pas quitté. Ils vont dîner ensemble et faire comme
si…
Invités au dîner : les parents d’Antoine de passage à
Paris et le patron de Stéphanie. Invitée surprise : Marie, la sœur de
Stéphanie, qui s’incruste… On comprendra plus tard que ce n’est peut-être pas
vraiment par hasard…
Mon avis : Voici
bien une pièce qui mérite amplement le qualificatif de « comédie
romantique ». Tout y est réuni en effet pour faire chanter les violons et
faire vibrer les cœurs. Pourtant, elle n’est jamais mièvre. Très moderne au
contraire. Et on y rit beaucoup. L’intrigue est certes cousue de fil blanc,
mais il n’empêche qu’elle nous ficelle habilement tel des rôtis bien tendres.
Après une séparation de presque six mois, Stéphanie redonne
signe de vie à Antoine sous le fallacieux prétexte d’un diner auquel vont
participer entre autres ses parents, ignorants du fait qu’ils ne vivent plus
ensemble. Bien sûr, l’ex ne se fait pas prier. C’est en courant qu’il se rend à
l’invitation ! D’autant qu’il ne sait toujours pas pourquoi il s’est fait
larguer. L’occasion est donc trop belle pour tirer les vers du nez de
Stéphanie. Avant que les autres convives n’arrivent, sachant que son temps est
compté, il va la mettre sur le gril. Sauf que la jeune femme est aussi rouée et
prudente qu’il est maladroit et empressé.
On assiste donc à une sorte de duel verbal à fleurets pas
toujours mouchetés. Pour compenser le trouble et l’émotion des retrouvailles,
il est tellement plus facile de vanner et de se faire des reproches que de trouver les
mots qui apaisent. Les dialogues sont très importants. Ils sonnent juste.
Patrick Chêne, l’auteur et metteur en scène, fait preuve d’une connaissance
très pointue sur les psychologies masculine et féminine. Il nous livre une
pièce qui pourrait nous donner des clés genre « le couple, mode
d’emploi »…
Les caractères de Stéphanie et Antoine sont fort bien
dessinés. On se retrouve aisément en eux. En même temps, les relations homme-femme,
infinitésimales, sont un vivier inépuisable. Dans C’est pas gagné !, l’affrontement est aussi inévitable que
nécessaire. Il faut passer par la phase règlement de comptes. D’abord pour
nous, spectateurs, pour bien savoir qui est qui et quels sont les principaux
points de désaccord. Le seul élément qui soit intangible, c’est que Stéphanie
et Antoine se sont beaucoup aimés. Que reste-t-il donc de cet amour apparemment
consumé ? Y aurait-il encore des braises rougeoyantes sur lesquelles
souffler pour le ranimer ?
Dans ce domaine, il n’y a pas énormément de suspense. La
happy end est tellement prévisible ! Non, ce qui est intéressant tout au
long de la pièce, c’est ce qui s’y dit et ce que les comédiens y apportent.
Juliette Chêne et Jean-Charles Chagachbanian oscillent en permanence entre
tension et émotion, entre tendresse et invectives. Leur jeu est très, très fin
car il ne repose que sur l’expression de leurs sentiments. C’est un jeu du chat
et de la souris dans lequel ils échangent parfois les rôles. Mais les archétypes
restent tranchés. Antoine est très masculin, Stéphanie très féminine. Elle est
fine mouche, directe, parfois carrément cash, mais en même temps elle se montre
autocritique : « Je ne sais pas si je suis passablement compliquée ou
résolument tordue »… Quant à lui, il cultive une mauvaise foi qui ne
trompe personne, il est encore très puéril et, ce qui est amusant, il se révèle
bien plus prude qu’elle.
Vers la fin de la pièce, lorsqu’on voit que le rapprochement
va inexorablement s’opérer, je me suis senti gêné d’être le témoin de leur
complicité retrouvée. Leur façon de jouer devient si intimiste que j’ai eu
presque envie de m’éclipser en catimini pour ne pas les déranger. C’est rare
une telle sensation au théâtre. Elle prouve aussi la qualité de l’investissement
des comédiens.
On ne peut également passer sous silence la présence ô
combien déterminante du troisième personnage de la pièce, Marie, la sœur de Stéphanie.
Pauline Bression nous offre une composition absolument réjouissante. Elle est
fraîche, espiègle, mutine, spontanée, avec juste ce qu’il faut de fausse
assurance pour laisser percer une certaine fragilité. Elle assure une
composition en tout point remarquable qui complète parfaitement le jeu plus en
retenue des deux tourtereaux.
C’est pas gagné !
est un éloge du dialogue. Il FAUT se parler, même si ça peut parfois
blesser. Se dire les choses ne peut que nous rendre plus belle la vie… En fait,
Patrick Chêne, nous offre là une belle leçon de savoir-vivre… en couple.
Même si on sait bien sûr qu’il n’existe aucune recette et qu’aucun
couple ne ressemble à un autre. Raison pour laquelle il y aura toujours et à l’infini
des pièces sur ce sujet…
Gilbert « Critikator » Jouin
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