Universal/Adami /
Pour présenter Karim Kacel, il n’y a qu’à se référer à la
préface que Jean-Michel Boris, qui fut directeur de l’Olympia de 1979 à 2001, a
écrite pour sa biographie, Un gamin d’banlieue,
parue en 2008 : « Pour moi, Karim Kacel présentait tous les arguments
pour être une vedette. Il chante bien, il écrit bien, il occupe remarquablement
la scène. Vocalement et rythmiquement, c’est un mec qui balance. C’est pourquoi
je n’ai pas hésité une seconde à lui faire faire l’Olympia, en vedette pour
trois soirées, en février 1988. Karim est un garçon vraiment attachant, honnête
et droit. J’ai beaucoup de sympathie et d’admiration pour lui. J’estime qu’il n’a
pas fait la carrière qu’il méritait de faire. Je sais que le spectacle piano-voix
qu’il a récemment donné au Kiron Espace était absolument superbe »…
Dans ces propos liminaires d’un grand amoureux des artistes
et de la bonne chanson française, tout est dit. Il est tout à fait vrai que
Karim Kacel n’occupe pas dans le gotha de notre variété une place à la hauteur
de son talent et de son authenticité. Ce garçon a tout de même été auréolé par
le Grand Prix de l’Académie Charles-Cros en 1986 pour sa chanson P’tite sœur, par le Piaf du meilleur
spectacle pour, justement, sa prestation à l’Olympia en 1988, et par le Prix du
Petit Robert du meilleur parolier décerné par Léo Ferré (excusez du peu !)
en 1989… Multiples raisons pour lesquelles, à l’occasion de la sortie de son
nouvel album, Encore un jour, il est
utile et nécessaire de le rappeler à notre bon souvenir.
Ces trois prix qu’il a reçus ne sont pas anodins car ils
récompensent deux des domaines dans lesquels il excelle : la scène et les
mots. Si on y ajoute sa voix chaude et mélodieuse et son sens inné du rythme,
cela fait de Karim un des artistes les plus complets de notre patrimoine depuis
un peu plus de trente ans.
Encore un jour est
vraiment un bon album. Voix devant et diction parfaite, il est particulièrement
soigné tant au niveau des textes que des mélodies et des arrangements. Après l’avoir
écouté à plusieurs reprises, en voici mes chansons préférées dans mon ordre
préférentiel :
1/ Parle-moi. Un titre qui balance tout
seul, une ritournelle entêtante qui avance tout le temps autour du leitmotiv
entêtant « Parle-moi », une guitare démoniaque. L’arrangement est
original et dense. D’abord saupoudré de petits gimmicks qui tombent comme une
grosse goutte de pluie, il franchit un palier avec l’arrivée somptueuse des
cordes avant de se terminer dans une apothéose qui frise la symphonie.
2/ Obsolescence programmée. Chanson
aussi ambitieuse que son titre. Un texte très fort que souligne en première
intention une voix parlée chargée d’émotion et d’intensité. Seul l’amour tient
debout, c’est un roc qui permet d’affronter et de résister face à un monde qui
se délite.
3/ Encore un jour. Titre très efficace,
optimiste. Une véritable ode à la vie et à l’amour. Interprétation joyeuse,
habitée, pleine de générosité. Judicieuse utilisation de l’orgue.
4/ On se fait du mal. La mélodie nous
pénètre immédiatement. Façon de dire des choses graves avec une certaine légèreté.
Chanson-constat sur l’égocentrisme, le repli sur soi, l’enfermement, et l’abrutissement
devant le poste de télévision et avec notre sacro-saint téléphone portable…
Accompagnée par un orgue enveloppant la litanie « On se fait du mal »
se fait de plus en plus insidieuse. C’est vraiment réussi.
5/ Une autre chance. Supplique guitare-voix.
Mélodie simple, entraînante et obsédante. Joli texte sur l’envie de se faire
accepter tel qu’on est après s’être longtemps caché. Aveu d’un gros besoin d’amour.
6/ Comme une petite lumière. Comme son
titre l’indique, c’est une chanson lumineuse, extrêmement positive. Voix
libérée, heureuse. Quand on est amoureux, on aime tout et tout le monde. Tout est
beau autour, les gens sont tous sympathiques. Envie de donner, de recevoir et
de partager (« ça fait du bien de se sentir un être humain »).
Excellent idée que de la mâtiner de gospel, ce qui donne un aspect choral à
cette métamorphose pleine de bons sentiments.
7/ Perce neige. Complainte de quelqu’un
qui a beaucoup vu, beaucoup vécu. Sorte de litanie autour de l’affirmation « je
sais ». Se focalise sur la vue d’une fleur dressée au milieu d’un monde
empli d’horreurs et de désolation. Très beau texte.
8/ Dis lui. Enfin, on ne peut passer
sous silence cette reprise de ce tube immortalisé par Mike Brant. Karim y
apporte sa sensibilité, sa vulnérabilité. Il ne recherche pas la performance
vocale, préférant privilégier une interprétation toute en retenue, pleine d’émotion
et de douceur. Arrangement minimaliste, avec piano feutré, orgue délicat et
cordes discrètes. Superbe.
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