lundi 6 juillet 2015

Karim Kacel "Encore un jour"

Universal/Adami /


Pour présenter Karim Kacel, il n’y a qu’à se référer à la préface que Jean-Michel Boris, qui fut directeur de l’Olympia de 1979 à 2001, a écrite pour sa biographie, Un gamin d’banlieue, parue en 2008 : « Pour moi, Karim Kacel présentait tous les arguments pour être une vedette. Il chante bien, il écrit bien, il occupe remarquablement la scène. Vocalement et rythmiquement, c’est un mec qui balance. C’est pourquoi je n’ai pas hésité une seconde à lui faire faire l’Olympia, en vedette pour trois soirées, en février 1988. Karim est un garçon vraiment attachant, honnête et droit. J’ai beaucoup de sympathie et d’admiration pour lui. J’estime qu’il n’a pas fait la carrière qu’il méritait de faire. Je sais que le spectacle piano-voix qu’il a récemment donné au Kiron Espace était absolument superbe »…

Dans ces propos liminaires d’un grand amoureux des artistes et de la bonne chanson française, tout est dit. Il est tout à fait vrai que Karim Kacel n’occupe pas dans le gotha de notre variété une place à la hauteur de son talent et de son authenticité. Ce garçon a tout de même été auréolé par le Grand Prix de l’Académie Charles-Cros en 1986 pour sa chanson P’tite sœur, par le Piaf du meilleur spectacle pour, justement, sa prestation à l’Olympia en 1988, et par le Prix du Petit Robert du meilleur parolier décerné par Léo Ferré (excusez du peu !) en 1989… Multiples raisons pour lesquelles, à l’occasion de la sortie de son nouvel album, Encore un jour, il est utile et nécessaire de le rappeler à notre bon souvenir.

Ces trois prix qu’il a reçus ne sont pas anodins car ils récompensent deux des domaines dans lesquels il excelle : la scène et les mots. Si on y ajoute sa voix chaude et mélodieuse et son sens inné du rythme, cela fait de Karim un des artistes les plus complets de notre patrimoine depuis un peu plus de trente ans.


Encore un jour est vraiment un bon album. Voix devant et diction parfaite, il est particulièrement soigné tant au niveau des textes que des mélodies et des arrangements. Après l’avoir écouté à plusieurs reprises, en voici mes chansons préférées dans mon ordre préférentiel :

1/ Parle-moi. Un titre qui balance tout seul, une ritournelle entêtante qui avance tout le temps autour du leitmotiv entêtant « Parle-moi », une guitare démoniaque. L’arrangement est original et dense. D’abord saupoudré de petits gimmicks qui tombent comme une grosse goutte de pluie, il franchit un palier avec l’arrivée somptueuse des cordes avant de se terminer dans une apothéose qui frise la symphonie.

2/ Obsolescence programmée. Chanson aussi ambitieuse que son titre. Un texte très fort que souligne en première intention une voix parlée chargée d’émotion et d’intensité. Seul l’amour tient debout, c’est un roc qui permet d’affronter et de résister face à un monde qui se délite.

3/ Encore un jour. Titre très efficace, optimiste. Une véritable ode à la vie et à l’amour. Interprétation joyeuse, habitée, pleine de générosité. Judicieuse utilisation de l’orgue.

4/ On se fait du mal. La mélodie nous pénètre immédiatement. Façon de dire des choses graves avec une certaine légèreté. Chanson-constat sur l’égocentrisme, le repli sur soi, l’enfermement, et l’abrutissement devant le poste de télévision et avec notre sacro-saint téléphone portable… Accompagnée par un orgue enveloppant la litanie « On se fait du mal » se fait de plus en plus insidieuse. C’est vraiment réussi.

5/ Une autre chance. Supplique guitare-voix. Mélodie simple, entraînante et obsédante. Joli texte sur l’envie de se faire accepter tel qu’on est après s’être longtemps caché. Aveu d’un gros besoin d’amour.


6/ Comme une petite lumière. Comme son titre l’indique, c’est une chanson lumineuse, extrêmement positive. Voix libérée, heureuse. Quand on est amoureux, on aime tout et tout le monde. Tout est beau autour, les gens sont tous sympathiques. Envie de donner, de recevoir et de partager (« ça fait du bien de se sentir un être humain »). Excellent idée que de la mâtiner de gospel, ce qui donne un aspect choral à cette métamorphose pleine de bons sentiments.

7/ Perce neige. Complainte de quelqu’un qui a beaucoup vu, beaucoup vécu. Sorte de litanie autour de l’affirmation « je sais ». Se focalise sur la vue d’une fleur dressée au milieu d’un monde empli d’horreurs et de désolation. Très beau texte.

8/ Dis lui. Enfin, on ne peut passer sous silence cette reprise de ce tube immortalisé par Mike Brant. Karim y apporte sa sensibilité, sa vulnérabilité. Il ne recherche pas la performance vocale, préférant privilégier une interprétation toute en retenue, pleine d’émotion et de douceur. Arrangement minimaliste, avec piano feutré, orgue délicat et cordes discrètes. Superbe.


Aucun commentaire: