mardi 9 mars 2021


Conte Jouin n° 4

Ce poème, écrit à 23-24 ans, appartient au registre du délire. En effet, je m'étais marié à 19 ans !


Funeste sauvetage

 

Au secours ! Je me noie, je sens que je m’enfonce

Je suis à bout de forces et ne me débats plus

Je vais abandonner, mes bras ne tiennent plus

Mes jambes se font lourdes ; il faut que je renonce

 

Pourtant sur le rivage il y a ce démon

Pour qui je fais la planche et pour qui je surnage

Et puis mon amour-propre, et l’orgueil, et la rage

Ce démon veut m’aider, mais je dis toujours non

 

Ce démon, c’est la femme, et l’eau le mariage

Si je tiens en surface, ô l’heureux résultat

Je pourrai à jamais, voué au célibat

Chasser la folle idée de me mettre en ménage

 

Mais tiendrai-je le coup ? je sens l’eau s’épaissir

Des algues d’oranger me tirent par les pieds

Je me sens délirer : le maire et le curé

Dans leurs plus beaux atours me font de grands sourires


 Et puis te revoilà et tu me tends la main

Tu tiens une bouée, une bouée bizarre

Qui a forme d’anneau ; je la contemple, hagard

C’est une énorme alliance, un objet inhumain

 

Non, non, je ne veux pas, ôte de mon regard

Ce symbole doré, signe de l’esclavage

Da l’avilissement et de la mise en cage

De l’homme libre et fier qui succombe et s’égare

 

Mais tu m’as envoûté, femelle diabolique

Et comme un automate aimanté par l’amante

La mante religieuse aux noces appétissantes

Je te la tends ma main en un geste tragique

 

A quoi sert de se battre et de lutter en vain

J’aurais dû moins souvent réagir à tes charmes

Au lieu de ça, tu vois, je plie et rends les armes

Je suis pour toi mon loup chèvre du vieux Seguin

 

J’incarne maintenant Prométhée enchaîné

Au poteau du mariage et tu es le corbeau

Au ramage si doux, au plumage si beau

Que j’aime comme un fou car tu m’as aliéné


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