jeudi 11 septembre 2014

Georges et Georges

Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 35 32 31
Métro : Edgar Quinet / Gaîté

Une comédie « conjugale » d’Eric-Emmanuel Schmitt
Mise en scène par Steve Suissa
Décor de Stéphanie Jarre
Costumes de Pascale Bordet
Lumières de Jacques Rouveyrollis
Création sonore de Maxime Richelme
Avec Davy Sardou (Georges et Georges), Alexandre Brasseur (Le docteur Galopin), Christelle Reboul (Marianne), Véronique Boulanger (La reine de Batavia), Thierry Lopez (Hercule Chochotte), Zoé Nonn (La Môme Crevette)

L’histoire : Après quelques années de vie commune, Marianne et Georges ne se supportent plus : elle regrette le Georges amoureux et naïf qu’elle rencontra, lui désire une femme plus pimentée. Grâce aux expériences du docteur Galopin, magnéto-thérapeute, ils vont chacun être mis en face de leur fantasme… Et devront le cacher à l’autre !
Le cauchemar commence…
Une comédie survoltée et hilarante, sous le signe de Georges Feydeau, où les quiproquos déclenchent surprises et fous rires. D’un appartement parisien jusqu’à l’ambassade du royaume de Batavia, les portes claquent sous la frénésie des six personnages qui s’évitent et se poursuivent.

Mon avis : Et bien, voici ma première déception de cette rentrée théâtrale 2014-2015. Et elle vient d’où je ne l’attendais pas.
J’avais effectivement hâte de découvrir cette pièce qui a débuté le 22 août. Hâte surtout de retrouver Davy Sardou dans un autre registre, celui de la comédie loufoque. Ses prestations dans L’Alouette et encore plus dans L’Affrontement m’avaient réellement emballé. L’affiche elle-même était alléchante : Eric-Emmanuel Schmitt à la plume, Steve Suissa à la mise en scène et des comédiens comme Christelle Reboul, Véronique Boulanger et Alexandre Brasseur… ça fleurait bon le succès annoncé.
Enfin, ce pitch qui nous présentait cette « comédie conjugale » comme « survoltée », « hilarante » et « frénétique », c’était une promesse de bonne soirée…


En plagiant Georges Feydeau, Eric-Emmanuel Schmitt a voulu s’exercer à la comédie de boulevard. Je crains qu’il ne se retrouve aujourd’hui plutôt dans une impasse. Il en a pris tous les ingrédients ; le rythme, des portes qui s’ouvrent et se ferment sans cesse (il y en a sept !), une abondance de quiproquos, des courses, des cris, de la confusion, de très beaux costumes… Il a tout secoué dans son shaker… Mais le cocktail qu’il nous fait déguster n’a pas le goût escompté. C’est du Canada Dry. Ça ressemble à du boulevard, c’est loufoque comme du boulevard, mais ce n’est pas du boulevard. C’est une grosse farce excessive en tout... A aucun moment, je ne me suis laissé happer par la pièce, je ne suis pas entré dedans.


Une seule chose m’a peiné et réconforté à la fois : les six comédiens n’ont absolument rien à se reprocher. Ils sont tous excellents dans les personnages qu’on leur a offerts de jouer. J’ai eu la confirmation du talent des quatre acteurs précités et j’ai découvert avec amusement la qualité de jeu de Zoé Nonn et de Thierry Lopez. Ils font tous le job avec une générosité débordante et un plaisir qui aurait dû être communicatif. Je me suis donc juste complu à apprécier leurs prestations. 
Mais ce n’est pas facile d’être un minimum crédible quand ce que l’on vous donne à interpréter est aussi outré, aussi décalé. Bien sûr, la chute de la pièce nous apporte les éléments manquants au puzzle de notre rationalité, mais c’est trop tard. Le mal est fait, et le mal court vite au théâtre (n’est-ce pas Audiberti ?). Très tôt il s’installe une sorte de déphasage entre la salle et ce qui se passe sur scène. En dépit de toute l’énergie déployée par les comédiens, les rires sont sporadiques, peu nombreux.

C’est bien une des premières fois que je sors déçu du Rive Gauche.
Maintenant, il existe sans doute un public à l’esprit moins cartésien que le mien…

lundi 8 septembre 2014

Calogero "Les Feux d'artifice"


Polydor / Universal Music

La seule chose qui m’ait intriguée dans le nouvel album de Calogero, c’est son titre, Les Feux d’artifice.
Le seul parallèle que j’ai trouvé avec les engins pyrotechniques qui fusent vers le ciel, c’est que cet opus est vraiment très aérien. Le son, le climat, la voix, tout contribue à nous emmener très haut.
Pour continuer dans la métaphore du « feu », ce n’est pas une œuvre qui éclate. Au contraire, c’est un feu doux, un feu qui lèche, qui réchauffe le cœur et, parfois, embrase l’âme. Ses flammes empruntent toutes les nuances du rouge. Du rose pâle du Portrait » au rouge sang de Un jour au mauvais endroit, en passant par le rose pastel de Avant toi.

Sinon, c’est un album dénué de tout « artifice », de toute fioriture. Calogero et le réalisateur-arrangeur Alan O’Connell ont gommé tout superflu pour n’aller qu’à l’essentiel avec un seul souci en tête : un esthétisme pur.
Le seul mot qui me vienne à l’esprit pour qualifier Les Feux d’artifice, c’est « efficace ». Cet album est efficace dans tous les domaines : les mélodies, les couleurs musicales, les paroles et, bien sûr, la voix…
J’ai rencontré et interviewé Calogero pour la première fois en… mai 90. Il n’avait pas encore 19 ans, il s’appelait encore Charly, il était le chanteur des Charts. Il portait alors de longs cheveux bouclés qui lui donnaient une allure angélique, romantique. Vingt-quatre ans plus tard, il a un peu perdu au niveau de la coiffure, mais il a gardé et dans son attitude et dans sa voix quelque chose de divinement céleste.

Habituellement, je m’efforce de dresser un classement des chansons dans un ordre préférentiel. Ici, ça m’a été totalement impossible. En plus, ces Feux d’artifice ne se terminent pas en bouquet final. C’est un bouquet du début à la fin.

J’ai beaucoup aimé l’écriture de chaque chanson. A chaque fois, c’est une écriture simple,
directe, imagée. On n’a pas besoin de réfléchir, les paroles vont droit au cœur. Car, à chaque fois, il y a du sens. Même si, personnellement, j’ai un faible pour Le Portrait, une chanson tendre, mélancolique et formellement belle, les onze autres titres m’ont plu et intéressé. Un jour au mauvais endroit, inspirée d’un fait divers survenu dans le village isérois natal de Calogero, Echirolles, est une chanson sensible et citoyenne, une chanson utile. Tout aussi utile est J’ai le droit aussi, magnifique ode à la tolérance et au droit à la différence.
Calogero, par auteur(e) interposés, évoque également l’évolution de la société dans notre vie de tous les jours dans Le monde moderne, avec pour thème principal les familles recomposées et la priorité qui doit être donnée aux enfants. C’est en homme concerné qu’il aborde ce sujet. Ici, l’écriture féminine de Marie Bastide apporte ce qu’il faut de douceur lucide.


J’ai aussi particulièrement apprécié, et avec beaucoup d’amusement, la chanson Conduire en Angleterre. Il y a tout ce que j’aime dans ce titre résolument british : une mélodie beatleisante, une bonne dose d’humour et d’autodérision, un arrangement original (grosse présence de la basse). C’est une chanson rebelle en hommage aux gauchers. J’ai aimé le jeu de mot avec les deux sens de « manche », le Channel et le manche de guitare, et l’abondance de rimes en « air » qui le rendent encore plus aérien. Bref, c’est une chanson adroite…

Il ne faudrait pas non plus occulter ces deux chansons d’amour que sont Avant toi et Elle me manque déjà. Placées ainsi à la suite l’une de l’autre, on a l’impression que la seconde développe la précédente. C’est très intelligent. Elles vont beaucoup, beaucoup plaire aux dames et aux demoiselles.

Et je terminerai par ce petit bijou qu’est La boîte à musique, un éloge de la danse classique. A travers le climat, la légèreté de la mélodie qui colle parfaitement au texte, la précision des mots, on VOIT les images. On la voit cette danseuse. Et puis, même les « la, la, la » sont magnifiques…


Voilà, tout ça pour dire que j’ai absolument a-do-ré ce nouvel album de Calogero. Grand artiste, beau chanteur, excellent mélodiste et remarquable musicien et, ça apparaît en filigrane tout au long de ces douze chansons, un homme concerné et engagé, un témoin de son temps. Une belle âme, quoi…

samedi 6 septembre 2014

Le Dîner de Cons

Théâtre de la Michodière
4bis, rue de l Michodière
75002 Paris
Tel : 01 47 42 95 22
Métro : Opéra / Quatre Septembre

Une pièce de Francis Veber
Mise en scène par Agnès Boury
Décors d’Edouard Laug
Lumières de Laurent Béal
Costumes de Juliette Chanaud
Musique de François Peyrony
Avec Patrick Haudecoeur (François Pignon), José Paul (Pierre Brochant), Grégoire Bonnet (Lucien Cheval), Patrick Zard’ (Juste Leblanc), Florence Maury (Christine Brochant), Anne-Sophie Germanaz (Marlène Sasseur), Stéphane Cottin (le docteur Sorbier)

L’histoire : Chaque semaine, Pierre Brochant, grand éditeur parisien, et ses amis organisent un dîner de cons…
Le principe est simple : chaque participant amène un « con ». A la fin de la soirée, celui qui a dégoté le plus spectaculaire est déclaré vainqueur. Ce soir, Brochant exulte ; il a déniché la perle rare, un con de classe mondiale : François Pignon, fonctionnaire au Ministère des Finances et fou de maquettes en allumettes.
Mais l’éditeur ignore que Pignon, prêt à tout pour rendre service, est passé maître dans l’art de déclencher des catastrophes !
La rencontre entre deux destins qui n’auraient jamais dû se croiser…

Mon avis : Ah le con ! Mais quel con !...
Il y a belle lurette que Le Dîner de Cons fait partie de notre patrimoine via ses différentes adaptations au théâtre (cinq) et son film. Plusieurs générations le connaissent quasiment par cœur… Un peu plus de vingt après sa création au Théâtre des Variétés, la pièce de Francis Veber revient donc sur la scène de la Michodière dans une toute nouvelle distribution. Même si on sait ce Con va voir, on y court pour découvrir à quel niveau sur l’échelle de Richter de la Connerie va se situer le François Pignon estampillé 2014. D’autant que Jacques Villeret, qui a joué deux fois la pièce et le film, avait mis le curseur presque en dehors des limites de tout contrôle technique.

Et bien Patrick Haudecoeur crée une sorte de Pignon-étalon. Un Concentré. Il est sans Concurrence. D’ailleurs, j’ai entendu Francis Veber déclarer dans une émission de radio que cette version de son Dîner était la plus fidèle à l’originale. Avec de  tels propos venant de son créateur, Patrick Haudecoeur hérite du statut de Con sacré. Et non pas de sacré con. Surtout pas. Car il le joue avec une telle finesse, un tel naturel et une telle humanité qu’il nous attendrit autant qu’il nous fait rire. Bref, ce Con plaît. Complètement. Il est Convaincant.


Il est donc inutile de raConter l’histoire. On arrive au théâtre de la Michodière en terrain connu. On y vient pour découvrir dans quels abîmes de désarroi Brochant va se perdre, emporté par ce tsunami qui lui veut du bien. Car Pignon est un Con bien, un Con-battant, un gentil Con. Il ne sait pas quoi faire pour rendre service à son hôte (il faut bien qu’un Con serve). Et plus il se dévoue, plus il déchaîne de catastrophes. Il devient totalement inContrôlable… Sur le plan simplement relationnel, avec Lucien Cheval, son collègue des Impôts, Pignon se révèle est aussi être un bon Compagnon, un Con-pote en quelque sorte. Donc Pignon a bon fond, c’est un brave homme qui, en plus, certes avec un temps de retard, a Conscience de ses bévues et des dégâts qu’il cause. Il ne sait pas quoi faire pour se rattraper et il envenime encore plus la situation.

Le Dîner de Cons est une mécanique imparable, aux rouages parfaitement huilés. Certaines répliques deviennent totalement inaudibles tant les spectateurs rient. La fameuse scène de « Juste Leblanc » - un tube ! – se déroule sous les hoquets et les étranglements. Une telle communion, c’est un bonheur.


Mais pour que le Con-texte, pour que la sauce prennent, il faut qu’il y ait en face de l’incontrôlable Pignon un partenaire à la hauteur. José Paul compose un Brochant inaltérable, du moins au début. Car, petit à petit, sa suffisance va se déliter. C’est un rôle que l’on ne peut pas sur-jouer. Il faut être sans cesse dans la justesse ; que les mimiques, les réactions soient en permanence crédibles. Avec sa voix grave, son élégance naturelle, son sens de la comédie, son métier, son goût pour le partage, José Paul est le complice idéal de Patrick Haudecoeur. On connaît l’impact des duos antagonistes dans les comédies. C’est un truc qui marche si les rôles sont parfaitement assumés, si aucun des deux n’empiète sur le registre de l’autre. Patrick et José forment un vrai tandem… En outre, ce ne doit pas être évident pour José Paul de tenir toute la pièce en simulant un tour de reins et, surtout, on se demande comment il fait pour ne pas éclater de rire devant les facéties inénarrables de son partenaire.


Autour de ce duo, les autres comédiens tirent leur épingle du jeu. Mention particulière toutefois pour la composition de Grégoire Bonnet dans le rôle de Lucien Cheval. Son attitude lorsqu’il apprend son infortune fait hurler la salle de rire.

Cette pièce est logiquement partie pour durer un bon moment. C’est tout le bonheur qu’on leur souhaite. Après tout, lors d’un Dîner, il est logique que les Cons vivent…


Gilbert « Critikator » Jouin

jeudi 4 septembre 2014

Des gens intelligents

Théâtre de Paris
(Salle Réjane)
5, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 42 80 01 81
Métro : Trinité / Blanche / Saint-Lazare

Une comédie de Marc Fayet
Mise en scène par José Paul
Décors d’Edouard Laug
Lumières des Laurent Béal
Costumes de Brigitte Faur-Perdigou
Musique et illustration sonore de François Peyrony
Avec Lisa Martino (Chloé), Lysiane Meys (Marina), Marie Piton (Gina), Marc Fayet (David), Stéphan Wojtowicz (Alexandre), Gérard Loussine (Thomas)

L’histoire : David, qui est un garçon sensé et réfléchi, a décidé de se séparer de Chloé. Chloé, qui est une fille habile et déterminée, ne l’entend pas vraiment de cette oreille. Leurs amis, qui sont des gens prudents et attentionnés, sont un petit peu embêtés. C’est donc une histoire ordinaire et très originale, car tout est différent quand on est intelligent… ou pas.

Mon avis : En dépit de son titre, Des gens intelligents n’est pas qu’une simple histoire de QI… Même si, au niveau du texte, cette pièce est remarquablement écrite. On y entend des mots que l’on n’a pas coutume d’entendre sur une scène, à fortiori dans une comédie. Mais c’est là aussi une de ses principales qualités car elle nous tire vers le haut. L’auteur, Marc Fayet, qui tient également le rôle de David, a particulièrement soigné les dialogues. Et quand ils sont mis dans la bouche de comédiens qui s’investissent à fond dans leurs personnages, on boit du petit lait, on jubile.

Je ne pouvais pas mieux démarrer la rentrée théâtrale de la saison 2014-2015. En même temps, je ne prenais pas beaucoup de risques. Toutes les pièces écrites par Marc Fayet m’ont immanquablement comblé (Jacques a dit, L’un dans l’autre, Il est passé par ici, Le Scoop). Et comme comédien (24 pièces en 30 ans !), il a un jeu qui n’appartient qu’à lui. Autre de ses talents, et non des moindres, il sait aussi s’entourer. D’abord avec un metteur en scène, José Paul, qui signe ici sa quatrième mise en scène avec lui. Ce sont tous deux des artisans entièrement investis dans une mission unique : faire rire intelligemment.

Des gens intelligents s’avère en effet être une pièce chorale où (presque) tout le monde chante faux pour savoir un vrai qui n’existe peut-être pas… Elle met en scène trois couples, mais six personnalités. Marc Fayet a dessiné six caractères d’hommes et de femmes très différents. David est sûr de lui, macho, apparemment zen, mais son personnage va évoluer tout au long de la pièce pour devenir exalté et démonstratif… Alexandre est sûr de lui, macho, pragmatique, sceptique, et docteur émérite ès mauvaise foi… Thomas n’est pas sûr de lui, pas macho, doux, conciliant, sans problème…
Côté filles, Chloé est déterminée, maligne, c’est une joueuse d’échecs qui a toujours un coup d’avance sur Marc… Marina est tolérante, pleine de bon sens, positive, mais elle trompe son monde en jouant les nunuches alors qu’elle est extrêmement lucide… Gina est volcanique, méfiante, carrée (elle est Corse !), apparemment bien dans sa peau, mais elle dissimule une certaine vulnérabilité.


Pour la synthétiser, Des gens intelligents est une pièce sur le doute. Ce doute qu’on instille, soit sans le vouloir, soit sournoisement, dans la tête des autres. Un doute qui enfle comme une pièce montée, qui enfle sur du vide comme une pièce montée. On en vient ainsi à assister à des scènes de ménage virtuelles.
Cette comédie se déroule en douze tableaux qui s’enchaînent sans le moindre temps mort. Suivant le scénario à la lettre, José Paul y a mis un maximum de vivacité. On change d’appartement, mais on ne change quasiment pas de décor. Il n’y en n’a pas besoin. On gagne ainsi en rythme et en fluidité. Ce qui est cocasse et apporte un maximum de drôlerie, c’est que les comédiens ne sont jamais tous les six sur scène en même temps. On évolue en triplette, les trois hommes d’un côté, les trois femmes de l’autre, ou en couple. C’est très malin car on a droit ainsi à deux versions : la masculine et la féminine. Ça aussi ça ajoute pas mal de piquant…

Mais il ne faut pas trop en dire. Il faut se laisser porter. D’autant qu’au fil des tableaux, on voit se dessiner une fin qui ne peut être qu’apocalyptique… ou pas ! C’est tellement subtil.
Des gens intelligents est une pièce de qualité, excessivement drôle (la scène de la soupe à la grimace entre Gina et Thomas est un grand moment de comédie), on pourrait même la qualifier de "virevoltante", et en parfaite harmonie avec son titre, très, très intelligente.

Quant aux comédiens ce sont six grands solistes, des virtuoses qui mettent leur talent à l’unisson pour nous offrir un spectacle absolument jubilatoire.

Gilbert "Critikator" Jouin

lundi 1 septembre 2014

Eric Clapton & Friends

The Breeze
An Appreciation of J.J. Cale
(Polydor)

Du haut de son nuage sur lequel il s’est juché en juillet 2013, J.J. Cale a dû prendre un plaisir monstrueux à l’écoute de The Breeze, l’album hommage que lui ont concocté Eric Clapton and Friends.
L’ami de J.J., Eric « God » Clapton, alias « Slowhand », s’est entouré de la fine fleur des guitareux, tous sains de cordes et d’esprit, pour enregistrer 16 des meilleurs chansons de la plus discrète des rock stars.
J.J. Cale et Eric Clapton avaient en commun cette façon très nonchalante de chanter. d’interpréter et, bien sûr, chacun des guest stars s’est mis au diapason. Ainsi l’ambiance musicale de J.J. Cale est-elle parfaitement respectée.

Dès le premier titre de cet album, Call Me The Breeze, on est dans le ton : c’est tout en douceur tout en étant très rythmé. Si vous aimez le blues, le country blues et le blues rock, vous allez être au ciel. C’est tout simplement majestueux.
Le troisième titre, Someday, chanté et joué par Mark Knopfler est à la fois troublant et envoûtant. Un grand moment. De même dans le cinquième titre, Sensitive Kind, la partie de guitare est à tomber par terre. Déjà que le niveau, dans ce domaine, est très, très haut, c’est dire…


D’ailleurs, pour honorer la mémoire de J.J., ce ne sont pas moins de douze guitaristes qui sont venus prêter leur concours, et quels instrumentistes ! Outre Eric Clapton et Mark Knopfler, on retrouve en effet des pointures comme John Mayer, Willie Nelson, Don White, Albert Lee, et même une femme, Christine Lakeland.

Cet album est un pur bonheur. Il nous rappelle que J.J. Cale était un sacré mélodiste.

On peut tout juste regretter l’absence de titres comme After Midnight, Cocaïne ou I’ll Make Love To You Anytime qu’Eric Clapton avait déjà repris précédemment. Mais, honnêtement, sur le plan acoustique, c’est un régal.

vendredi 15 août 2014

Frero Delavega

Sortie le 21 juillet 2014
Capitol Music / Universal Music

Personnellement, les Fréro Delavega (Jérémy Frérot et Flo De Lavega) étaient mon coup de cœur de la dernière saison de The Voice. J’avais espéré qu’ils aillent au bout. J’aimais leur fraîcheur, leur simplicité, leur joie de vivre communicative, leur plaisir de partager et, d’abord, j’aimais leur façon de chanter et le mariage de leur voix.
On sentait qu’ils en avaient « sous la semelle » et qu’ils n’auraient aucun mal à intéressser une maison de disques.

Leur premier album, éponyme, est donc sorti fin juillet.
On y retrouve tout ce qui fait le charme de ce duo. Ils sont un sens incroyable de l’harmonie. Leurs voix, naturellement mélodieuses, sont aussi complémentaires que fusionnelles. C’est doux, apaisant, positif, très agréable à écouter.


Pour moi, quatre titres se détachent d’un ensemble cohérent :
1/ Il y a. (pour sa construction : d’abord a cappella, puis discrète introduction d’une guitare, et enfin léger tapis de cordes. Le résultat est bluffant. C’est la meilleure des cartes de visite pour exposer la communion de leurs organes)
2/ Sur la route
3/ De l’autre côté

4/ Queenstone

vendredi 1 août 2014

Alex Vizorek est une oeuvre d'art

Petit Hébertot
78bis, Boulevard des Batignolles
75017 Paris
Tel : 01 42 93 13 04
Métro : Villiers / Rome
Seul en scène écrit par Alex Vizorek
Mis en scène par Stéphanie Bataille

Présentation : Quel est le point commun entre la Musique, la Sculpture, le Cinéma ou encore l’Art moderne ? Alex Vizorek et son génie comique bien sûr !
Le nouveau phénomène de l’humour belge, chroniqueur à France Inter, vous parlera d’Art avec la folie qui le caractérise.
Magritte, Ravel, Visconti y côtoient Pamela Anderson et Julien Lepers. Un must pour les amateurs de gai savoir !

Mon avis : « Je suis Belge ! »… Dès son entrée en scène, Alex Vizorek tombe le masque. Pas de faux-fuyant, pas d’hypocrisie, il fait d’emblée son coming out. Mais, rassurez-vous, pas besoin de parler couramment le belge, on comprend parfaitement tout ce qu’il dit. Pire même, il n’a aucun accent. Alors qu’à la radio, on entend parfois poindre une certaine tonalité bruxelloise.
Le garçon est élégant, propre sur lui. Mini vague impeccable, chemise blanche parfaitement repassée, fine cravate noire. Mais, histoire tout de même d’afficher son statut revendiqué d’humoriste, il arbore une paire de chaussettes arc-en-ciel… Avec un vocabulaire précis et recherché, il adopte le ton un peu docte d’un conférencier. C’est que le thème de son spectacle est on ne peut plus sérieux puisqu’il s’agit de la Culture ; la Culture avec un grand « C »… comme Comique aussi…
Alex Vizorek réussit en effet cette gageure de prouver que l’on peut faire rire intelligemment avec un sujet noble et a priori austère.


En fait, il aborde les grandes disciplines de la Culture par le petit bout de la lorgnette. Il adore parsemer son propos de digressions habiles, de réflexions décalées et de commentaires fallacieux. Et puis il ne dédaigne pas s’autoriser ça et là quelques saillies grivoises (« de l’importance de glisser une blague de cul dans un exposé culturel »), ou quelques remarques gentiment misogynes. Il incorpore en outre, et fort à-propos, des jeux de mots qui s’avèrent, bien qu’il s’en défende, d’excellente facture. Enfin, manière aussi de dépoussiérer la Culture, il utilise à bon escient le name dropping. Si bien qu’aux côtés de sommités du monde de l’Art, on peut retrouver Nadine Morano, Marc Lévy, DSK, Céline Dion, Ribéry, Paris Hilton, Luis Fernandez…)


Comme tout bon conférencier qui se respecte et respecte le public, il illustre sa rhétorique avec une série de projections. Ce qui lui permet également d’installer une vraie interactivité avec le public. Ce qui l’amène à se livrer ainsi à un petit quiz participatif sur la peinture. A nous de décréter entre un tableau de Magritte et une scène coquine lequel des deux est une œuvre dard ?


Le spectacle d’Alex Vizorek est donc dûment découpé en chapitres qui sont autant de sketches : la Musique, la Peinture, la Sculpture, le Cinéma, la Chanson… Comme tout Belge, il a cette aptitude innée au non sens et au burlesque. Ses textes sont remarquablement écrits et fort bien documentés. Son adage de référence est une phrase de Malraux : « L’Art est le plus court chemin de l’homme à l’homme ». J’y ajouterai pour ma part  « surtout si ce chemin est balisé par l’humour »…
Mission accomplie pour Alex Vizorek. Avec beaucoup de finesse, il sait nous captiver et nous amuser avec une thématique peu facile ce en quoi il se démarque de la plupart des one-man shows humoristiques. C’est vraiment de la belle ouvrage.


Gilbert « Critikator » Jouin