samedi 17 mai 2014

Courts-Circuits

Comédie Bastille
5, rue Nicolas Appert
75011 Paris
Tel : 01 48 07 52 07
Métro : Richard Lenoir

D’après des scènes courtes de Jean-Michel Ribes et Roland Topor
Textes montés par Stéphane Pouplard avec la complicité d’Ivana Coppola
Mise en scène d’Ivana Coppola
Lumières de Nidry Lérigé
Costumes de Marc Clément
Avec Laurence Bréheret (Femme 1), Cathy Cerda (Femme 4), Simon Charasson (Homme 2), Ivana Coppola (Femme 2 et journaliste), Ana Piévic (Femme 3), Stéphane Pouplard (Homme 1)

Présentation : Une perruque Louis XV se débat avec un sèche-linge, pendant que ce pauvre Guy se balance les pieds dans le vide, entre un « Ta gueule, eh con ! » et des « bravo, bravo », tandis qu’une lettre d’amour se glisse dans un carnet de « Voyages-Aventures », parce qu’on n’est pas des sauvages quand même !!!
Bienvenue dans l’univers décalé de Jean-Michel Ribes et Roland Topor où des personnages hauts en couleurs se « court-circuitent »…
Petites tragédies absurdes, égarements et folies douces dans la grande Comédie de la vie !

Mon avis : J’ai ouvert mon Petit Larousse pour y chercher la définition de court-circuit et j’y ai lu : « Connexion par une très faible résistance ou impédance de deux ou de plusieurs points d’un circuit qui se trouvent normalement à des tensions différentes ; accident qui en résulte (interruption de courant, incendie, etc. »)
Bien que n’étant pas très branché en la matière, quelques mots puisés dans cette définition m’ont éclairé pour analyser le spectacle concocté par Stéphane Pouplard et Ivana Coppola d’après des textes signés de l’ineffable duo Ribes et Topor… Les mots-clés sont « connexion », « très faible résistance », « impédance », « tensions différentes » et, surtout, « accident ». Et encore, certains de ces mots sont ici plutôt de contre définitions.

« Connexion ». Le terme est on ne peut plus approprié puisque chaque sketch ou saynète est dans la plupart des cas générateur de dialogue. Presque toujours conflictuel, sinon contradictoire.
« Très faible résistance ». Là, ce n’est pas vraiment le cas car dans deux situations particulièrement, un dénommé Guy fait preuve d’une sacrée résistance face à l’inéluctable avant de lâcher prise, et l’homme qui refuse d’aller féliciter son actrice de belle-sœur fait preuve lui aussi d’une belle pugnacité face à l’avalanche d’arguments dont l’abreuve son épouse.
« Impédance ». Ce mot qui signifie en anglais « faire obstacle à » et qui concerne le courant alternatif dans le domaine de l’électricité prend ici toute sa place. Des « obstacles », les personnages de Courts-Circuits s’en inventent ou en rencontrent, et pas qu’un peu ! Ce qui est tout à fait le cas également pour « tensions différentes » et pour « accident »…

Ce qui n’est pas un « accident », en revanche, c’est la qualité de ce spectacle, tant au niveau de l’écriture des dialogues, de la mise en scène et du jeu des acteurs.
Il n’y a que le sketch inaugural qui ne m’ait guère plu. Certes, il nécessite une expression chorale qui nous permet de faire connaissance immédiatement avec les six comédiens. Six personnages qui, eux, ne sont pas vraiment en quête d’auteur(s), les petits veinards. Car la dialectique et l’imaginaire de Jean-Michel Ribes et Roland Topor sont d’une inventivité et d’une originalité absolument jubilatoires. Dans leur domaine de prédilection, ce sont des « absurdoués ». Ils ont l’art de créer des situations incongrues traduites par des dialogues surréalistes.


Donc, passé le tableau liminaire et sa litanie de jeux burlesques que j’ai trouvée sans saveur, mon désarroi s’est évaporé vitesse grand « V » avec la suite. En effet, jusqu’à la fin, le divertissement s’est tenu à un très, très haut niveau. Personnellement, je connaissais deux sketches parmi la douzaine qui nous est proposée. Celui qui est baptisé « Bravo » et celui de l’homme à la perruque Louis XV. Ils sont tellement bien interprétés que ça été pour moi une exquise redécouverte. Il faut à ce propos saluer la prestation des six comédiens. Il faut beaucoup de finesse pour jouer avec sérieux et conviction des situations et des entretiens aussi insolites ; sinon ça ne passerait pas du tout. Ils sont tous vraiment épatants.

Ensuite, il y a cette idée géniale de la part de la metteure en scène de s’amuser à entrecroiser deux histoires. Ça crée une espèce de feuilleton, un véritable suspense.
Outre le parti pris de loufoquerie de chaque tableau, j’ai particulièrement apprécié ceux qui étaient marqué du sceau de l’humour noir, du cynisme. Bref, j’ai passé (et je n’étais le seul) un excellent moment à la Comédie Bastille. Total respect à messieurs Ribes et Topor. Ils font grand honneur à la langue et à la scène françaises.

Gilbert "Critikator" Jouin


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