Sony Music/Jive Epic
Cette année marque les 20 ans de la formation du groupe Kyo…
Après un départ fulgurant et trois albums en quatre ans qui leur ouvrent Le Chemin du succès, il aura fallu
attendre dix ans pour découvrir leur quatrième opus, L’Equilibre.
Le titre n’est pas si innocent que cela. En effet, en 2005,
les « Oisillons » du collège Notre-Dame de Verneuil-sur-Seine, encore
assez fragiles, ont eu du mal à faire face à un lot de critiques qui leur a
laissé au cœur 300 Lésions qui
semblent avoir été assez longues à cicatriser. Brûler ce qu’on a adoré,
éreinter des jeunes de 20 ans parce qu’ils deviennent culte, ironiser sur leur
public de minettes énamourées, c’est hélas typiquement français. La déconvenue
et l’incompréhension succédaient brutalement à l’adulation dont ils avaient
fait l’objet. Pas facile à vivre et à accepter. Si bien que le quatuor a frôlé
le clash.
Désireux de ne plus trop s’exposer, ils ont choisi de se
mettre en retrait et d’écrire pour d’autres artistes. Et puis le temps a fait
son œuvre. Réparatrice. Les liens du chant étaient les plus forts, ajoutés à
l’envie de revenir au Contact avec un public qui ne les a pas oubliés et
Benoît, Fabien, Florian et Nicolas ont repris le chemin du studio pour
enregistrer 12 nouveaux titres. Evidemment, on n’écrit pas à 30 ans comme à 20.
Entre temps, la vie s’est chargée de les nourrir. Il est en outre patent que L’Equilibre est teinté du désir de
construire une passerelle avec un glorieux passé et, surtout, d’essayer de
l’analyser et de le commenter. Il y avait déjà un terreau ; la période de
jachères terminée, l’heure était venue de présenter la nouvelle récolte.
Poupées russes, le
premier titre de l’album résume parfaitement cette parenthèse et en dresse le
bilan. Le texte est dense, bourré d’images, Benoît Poher y accumule en un flot (flow ?)
ininterrompu de mots les métaphores alternant les aspects positifs et négatifs
de leur parcours : « Dans la vie, il y a les flaques et les
éclaboussures », « Dans la musique, il y a des farces et les graines
du futur », « Il y a les pièges, les arnaques, quelques âmes encore
pures », « Il y a le temps des grands soirs et le temps des
blessures »… et, surtout, référence directe à la cabale : « 300
Lésions et les rideaux se ferment »… La pointe d’amertume va encore plus
loin dès lors qu’il s’agit des sentiments les plus nobles : « Même
l’amour est schizophrène ». Il y a désormais une carapace. Finies candeur
et naïveté juvéniles. Mais, aujourd’hui, tout est raccord : « J’ai
l’impression d’être là où il faut être ». Fort de cette sensation, en paix
avec lui-même, il n’y a plus qu’à revenir aux fondamentaux et montrer ce que
Kyo ressent en 2014.
J’ai écouté plusieurs fois L’Equilibre et j’avoue qu’aucune chanson ne m’a déplu, au
contraire. C’est un album qui tient La
Route de bout en bout. C’est vraiment du beau travail. Et Benoît est un
fameux auteur.
Dans Le Graal,
clin d’œil appuyé à Indiana Jones, son écriture est moderne, générationnelle.
Sur une mélodie aussi efficace qu’entêtante, il fait part de ses doutes et de
ses certitudes, de ce qu’il construit et des « rechutes ».
L’Equilibre est ma
chanson préférée. Le refrain, délicieusement aérien, est tout en voix de tête. L’écriture
est très descriptive. Elle évoque le quotidien et l’usure du couple. Ici, comme
dans le livre de Beigbeder, l’amour dure trois ans ou plutôt, pour être précis
« mille nuits »… Et pour bien faire le tour du sujet, Enfant du solstice est comme la suite du
titre précédent. C’est l’après rupture. Lancinante, pas évidente à chanter,
elle exige un sacré travail au niveau de la diction. D’autant que les mots,
explicites et suggestifs, sont là encore très importants.
Dans cet album, l’amour tient une place prépondérante. On ne
le vit pas à 30 ans comme à 20 ans. Nuits
blanches, par exemple, avec un total abandon qui frise la soumission
assumée, va énormément plaire à la gent féminine… Une fois encore, telle une
chanson-gigogne, celle qui suit vient développer le thème précédent. La
magnifique XY traite de la fragilité
de l’amour. A priori, en amour, il n’y a pas de vainqueur. Mais, tout de même,
il apparaît en filigrane que l’homme serait quand même le plus perdant parce
que plus dépendant.
Récidiviste se
veut plus réaliste. Chanson de groupe très mélodieuse, elle interpelle : « Tant
que je saigne, j’existe ». Le message est direct : il faut apprendre
à sublimer la douleur et à affronter le sort même quand il est contraire et s’acharne…
D’ailleurs, dans On se tourne autour,
avec ses paroles adultes, sans ambiguïté, l’amour n’est pas qu’une affaire de
sentiments. Il y a le sexe aussi, et la jalousie, et la souffrance…
Benoît confirme ses qualités d’auteur dans le très imagé White Trash, au texte truffé de
références cinématographiques.
Enfin, L’Equilibre
est rétabli à la fin de l’album avec l’interprétation toute en douceur de
Florian sur La Route. La voix, juste
accompagnée d’une guitare est empreinte d’une jolie mélancolie, un climat qui
sied parfaitement à ce touchant message adressé à l’au-delà.
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