Théâtre Antoine
14, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 42 08 77 71
Métro : Strasbourg
Saint-Denis
Une pièce de Barillet et Grédy
Mise en scène par Michel Fau
Décors de Bernard Fau
Costumes de David Bélugou
Lumières de Joël Fabing
Maquillages de Pascale Fau
Avec Catherine Frot (Stéphane),
Michel Fau (Julien), Cyrille Eldin (Norbert), Mathilde Bisson (Antonia),
Wallerand Denormandie (Igor), Marie-Hélène Lentini(madame Durand-Bénéchol),
Frédéric Imberty (monsieur Cochet), Audrey Langle (le Printemps de Boticelli)
Présentation : Mentir à sa maîtresse n’est pas toujours une
bonne idée. Surtout quand elle décide de rencontrer votre ex-femme imaginaire
pour mettre les choses au clair. Heureusement, Julien a une assistante dentaire
dévouée… malheureusement, elle est amoureuse de lui et très susceptible !
Mon avis : Cinquante après sa création en 1964, Fleur de cactus vient s’épanouir de
nouveau, au théâtre Antoine cette fois.
Après avoir eu l’agréable
surprise d’entendre frapper les trois coups à l’ancienne, nous sommes
immédiatement replongés dans ces années soixante si pleines de couleurs flashy et
chargées d’insouciance. Les décors, qui glissent, montent et descendent, nous
emmènent successivement dans la chambrette mansardée d’Antonia, dans la
boutique où elle vend des disques vinyles, dans le cabinet de Julien, dentiste
de son état, et dans une boîte de nuit. Il n’y a rien de superflu, tout est
conçu pour nous faire profiter au maximum des comédiens et de leurs
chassés-croisés. Il faut également souligner la beauté audacieuse des costumes
(les ensembles extravagants très « courrégiens » de madame Durand-Bénéchol et les vestes aux tons
criards de Norbert, par exemple).
Lorsque le rideau se baisse à la
fin, quand le moment est venu de réfléchir à ce que l’on va pouvoir rapporter de
cette pièce, lorsqu’on essaie de synthétiser à chaud nos sensations, on se sent
un peu divisé… Evidemment, il y a beaucoup plus de fleurs que d’épines de
cactus à adresser.
Au départ, j’ai été quelque peu
déstabilisé par le ton récitatif et les postures caricaturales des comédiens.
Et puis, soudain, j’ai réalisé que Michel Fau avait sans doute voulu nous
offrir une parodie de pièce de boulevard avec un double niveau de lecture. A
partir du moment où j’ai accepté ce parti pris, je n’ai fait que prendre du
plaisir. En effet, si on ne s’en tient strictement qu’au premier degré, on se
sent un peu désarçonné par cette façon de jouer. C’est comme un morceau de
musique qui sonnerait légèrement faux et auquel on s’habituerait peu à peu. Ensuite,
si on adhère au postulat de Michel Fau, on se délecte au contraire de rentre
dans le jeu volontairement outré des acteurs. C’est tellement bien fait que ça
nous paraît progressivement normal.
En revanche, et je pense que c’est
là aussi une volonté du metteur en scène, Catherine Frot est la seule à jouer
avec naturel. Pour reprendre la métaphore musicale, c’est comme si nous avions
une soliste qui jouait juste entourée de musiciens qui sur-jouent une autre
partition. L’effet, très risqué, est pourtant étonnant. Je crois que Michel Fau
a tout fait pour que sa mademoiselle Vigneau recueille tous les suffrages. C’est
qu’il la connaît bien désormais. Leur expérience commune précédente dans Marguerite, leur a permis d’acquérir une
formidable complicité. Lorsqu’il possède un stradivarius entre les mains,
Michel Fau ne se prive pas d’en tirer le meilleur. Phonétiquement, entre Frot
et Fau, il n’y a qu’un « r » de différence, un air de famille…
Pour moi, Fleur de cactus est un immense jeu de Lego ; chaque pièce qui s’emboîte à la précédente est un nouveau mensonge. Si bien que l’édifice ainsi érigé monte très haut mais, affreusement branlant, il risque de d’écrouler à tout moment. Or, et c’est là tout le talent de Barillet et Grédy, les auteurs, la pyramide ne s’effondrera il que lorsque Stéphane l’aura décidé, suivie de peu par un Julien aux yeux et au cœur enfin décillés.
Ce vaudeville, comprenant moult répliques
absolument savoureuses et qui va crescendo, est fort bien écrit. Il frise même
le surréalisme car ses protagonistes sont amenés à croire en un avatar qu’ils
ont eux-mêmes engendré !... Il est emmené par un superbe trio : Frot
(Stéphane)-Fau (Julien)-Bisson (Antonia). Catherine Frot a hérité du beau rôle
car son personnage va être en constante évolution. Ou, comment la secrétaire
stricte et austère va d’abord vivre son fantasme comme s’il était la réalité
avant de se métamorphoser en séductrice sûre d’elle-même… Michel Fau, en
piégeur-piégé s’amuse visiblement comme un petit fou en prenant des poses
théâtrales dignes du cinéma muet. Quant à Mathilde Bisson, avec son physique et
ses tenues de starlette des années 60, mini-jupe et chignon choucrouté, elle
est tout simplement épatante. Alors qu’elle nous apparaît au départ comme une
nunuche un tantinet évaporée, on s’aperçoit au fil de l’intrigue que c’est une
très saine et belle personne, avide de vérité et au comportement d’une droiture
exemplaire.
Il y a dans cette pièce deux
scènes particulièrement réussies : le tête-à-tête entre Stéphane et Julien
dans leur cabinet au cours duquel ils se disent vraiment les choses à fleurets
mouchetés (Julien évoquant entre autres « la peur de vivre » de
Stéphane), ou l’art pour un faux ménage de se faire une vraie scène… Et puis,
il y a vers la fin ce bel échange plein de respect et d’humanité entre Stéphane
et Antonia.
Au côté de ce magnifique trio, chacun
se met au diapason. Cyrille Edlin s’éclate en interprétant un véritable mufle,
un grossier personnage dénué de tout scrupule, mais qui se laisse toutefois
mener par le bout du nez par sa compagne au caractère bien trempé (Audrey
Langle)… Wallerand Denormandie joue à la perfection un bellâtre dépressif aux
antipodes de l’évident pouvoir de séduction qu’il dégage… Chacune des
apparitions de Marie-Hélène Lentini est à se tordre de rire… Et Frédéric
Imberty joue les victimes expiatoires avec un enthousiasme convaincant.
Gilbert « Critikator »
Jouin
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